Brazzaville mise sur la conversion de la dette
À huit heures précises, le 10 juillet 2025, les salons feutrés du Radisson Blu ont accueilli la huitième session du Comité d’orientation et de suivi du Contrat de désendettement et de développement. Autour de la table, la délégation congolaise conduite par le ministre des Finances Christian Yoka et la partie française dirigée par l’ambassadrice Claire Bodonyi ont dressé un état des lieux d’un dispositif très particulier : transformer la dette bilatérale en investissements concrets. Deux C2d successifs totalisant 229 millions d’euros, soit 150,2 milliards de francs CFA, sont désormais entièrement engagés et irriguent trois secteurs stratégiques. L’enjeu dépasse la simple arithmétique financière : il s’agit d’appuyer la mise en œuvre du Plan national de développement et de matérialiser, pour une population jeune à plus de 60 %, les promesses d’une croissance inclusive.
Un mécanisme de conversion à l’efficacité éprouvée
Créé en 2001, le C2d permet à la France de réaffecter les remboursements dus par un pays partenaire sous forme de dons destinés à des projets de développement. Pour le Congo, la négociation de 2010 puis celle de 2015 ont ciblé trois axes : infrastructures, capital humain, environnement et agriculture. « Nous souhaitons que chaque franc converti se traduise par un impact concret pour nos concitoyens », a résumé Christian Yoka en ouverture des travaux. Le principe séduit par sa simplicité : au lieu de sortir des devises pour honorer une échéance, l’État partenaire voit le même montant se matérialiser dans un projet structurant, tout en préservant ses équilibres macroéconomiques.
Des réalisations déjà visibles sur le terrain
Cinq projets sont à ce jour achevés, parmi lesquels la réhabilitation de la corniche de Brazzaville, longue promenade qui borde le fleuve et offre désormais un espace de loisirs très fréquenté par les jeunes citadins. « La corniche illustre la capacité d’une coopération à livrer des infrastructures qui changent un quotidien », a rappelé l’ambassadrice Claire Bodonyi. Dans le même esprit, la modernisation du réseau des centres d’éducation et la rénovation du service d’eau du CHU de Brazzaville témoignent d’un ancrage social fort, tandis que les programmes agricoles du Nord‐Congo accompagnent une relance du secteur vivrier et la diversification des sources de revenus ruraux.
Pressions inflationnistes et ajustements budgétaires
L’environnement post-pandémie a pourtant rebattu les cartes. La hausse mondiale des coûts des matériaux a généré des dérapages de devis sur plusieurs chantiers. Selon les services de l’Agence française de développement, certains appels d’offres ont enregistré jusqu’à 25 % d’augmentation par rapport aux estimations initiales. Pour maintenir le rythme, le Cos a validé une réallocation des reliquats du Fonds d’études et décidé de mobiliser la Banque des États de l’Afrique centrale afin de sécuriser des compléments. Les discussions ouvertes avec l’Union européenne et d’autres partenaires multilatéraux devraient permettre, d’ici la fin de l’année, de combler les besoins additionnels sans grever le calendrier.
Capital humain : la priorité de la génération montante
Au cœur des débats, la question du capital humain concentre les attentes d’une jeunesse qui aspire à des formations alignées sur les exigences du marché régional. La modernisation de l’enseignement supérieur intégrée au second C2d prévoit des amphithéâtres connectés, des laboratoires mutualisés et des programmes d’entrepreneuriat numérique. Pour Yvon Matondo, représentant de la société civile, « l’accès à des cursus de pointe sur place limite l’exode des compétences et dynamise le tissu des start-up locales ». En parallèle, le projet Telema, tourné vers l’insertion professionnelle, cible 10 000 jeunes d’ici 2029, combinant stages en entreprise, microfinancement et accompagnement managérial. Ce volet social, conçu comme une passerelle entre formation et emploi, constitue l’un des arguments majeurs de la coopération franco-congolaise.
Vers une synergie renforcée des partenaires techniques
Le Cos a également insisté sur la nécessité de prévoir dès aujourd’hui les budgets d’entretien des ouvrages livrés. L’expérience montre que sans maintenance pérenne, le cycle de vie d’une route ou d’un bâtiment hospitalier se réduit de moitié. Un accord de principe a été trouvé pour inscrire ces charges dans les lois de finances successives, tandis que l’Équipe Europe étudie la possibilité d’apporter une assistance technique à la Direction générale des grands travaux. La complémentarité AFD-BEI-LuxDev devrait ainsi éviter la dispersion des efforts et garantir une qualité d’exécution conforme aux standards internationaux.
2029 en ligne de mire : des signaux encourageants
Si tout se déroule selon le chronogramme arrêté, vingt‐trois projets auront été bouclés à l’horizon 2029. Outre la corniche et les infrastructures éducatives, la gestion des inondations à Pointe-Noire, le programme Mossala d’appui aux services publics et le projet de relance agricole devraient, à terme, générer des milliers d’emplois directs et indirects. À la clôture de la réunion, le ministre Christian Yoka a remercié « l’engagement constant de la France et l’ouverture d’esprit de l’Équipe Europe », avant de rappeler que la responsabilité ultime demeure nationale : assurer que les ressources converties répondent à l’exigence d’amélioration tangible du cadre de vie des Congolais. Cette ambition, déjà visible sur les berges du fleuve comme dans les salles d’hôpital rénovées, esquisse la trajectoire d’un partenariat qui, au-delà des chiffres, s’évalue à l’aune des opportunités offertes à la jeunesse.