Une injection financière inédite
En adoptant, le 26 juin, un financement de 201 millions de dollars américains, la Banque mondiale offre au Mozambique une marge d’action inédite pour consolider son système de santé (Banque mondiale, 2024). Il ne s’agit pas d’une simple aide ponctuelle ; les fonds proviennent de l’Association internationale de développement et s’échelonneront sur cinq années, avec l’ambition assumée d’inscrire la résilience sanitaire dans la durée.
Cette enveloppe intervient dans un contexte budgétaire tendu. Maputo, confrontée à une dette publique élevée, peine depuis plusieurs exercices à absorber les chocs simultanés de la pandémie de Covid-19, des cyclones successifs Idai et Gombe, ainsi que de poches d’instabilité sécuritaire dans le nord gazier. La nouvelle subvention, en libérant des marges de manœuvre, doit permettre au ministère de la Santé d’accélérer une réforme déjà engagée mais freinée par des aléas exogènes.
Un pari sur le capital humain rural
Première ligne budgétaire identifiée : le renforcement des compétences du personnel dans les provinces rurales, longtemps sous-dotées. Selon les projections officielles, plus de 3 000 agents, allant de l’infirmier communautaire au technicien biomédical, bénéficieront de formations complémentaires. L’objectif affiché est de couvrir 85 % des districts d’ici 2029, afin de réduire les inégalités géographiques d’accès aux soins primaires.
Le gouvernement mozambicain s’inscrit ainsi dans la logique du Plan stratégique de la santé 2025-2034, lequel insiste sur l’ancrage communautaire des services. « Investir dans les équipes de proximité, c’est consolider le premier rempart sanitaire », affirme João Pires, spécialiste principal santé à la Banque mondiale. La perspective rejoint les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique, qui souligne que chaque dollar placé dans la prévention en zone rurale génère un rendement social supérieur à quatre dollars sur le long terme.
Chaînes d’approvisionnement sous haute vigilance
La crise de la Covid-19 a révélé la fragilité logistique des États à revenu intermédiaire modeste. Le projet mozambicain réserve ainsi une part substantielle du financement à la modernisation des entrepôts, à l’acquisition de véhicules réfrigérés et à la digitalisation des stocks médicamenteux. L’enjeu est double : sécuriser les approvisionnements en temps normal et garantir la continuité des traitements chroniques lors des catastrophes naturelles ou des flambées épidémiques.
Les analystes insistent sur le fait que le Mozambique, parcouru de fleuves et doté d’un littoral long de 2 700 km, voit régulièrement ses routes coupées par les inondations saisonnières. Une chaîne d’approvisionnement résiliente, apte à contourner les axes routiers endommagés, réduira la mortalité évitable, notamment parmi les populations pédiatriques et maternelles.
Renforcer l’alerte précoce face aux épidémies
Au cœur de la stratégie se trouve également le renforcement des capacités de surveillance et de laboratoire. De nouveaux équipements de biologie moléculaire sont prévus pour les laboratoires provinciaux de Nampula, Sofala et Cabo Delgado, ainsi que la mise en réseau numérique des centres sentinelles. Cette composante vise une détection en moins de quarante-huit heures des agents pathogènes prioritaires, choléra et arboviroses en tête.
Pour les autorités, il s’agit de tirer les leçons du passé : la lente identification des premiers cas de choléra après le cyclone Idai en 2019 avait retardé la riposte, contribuant à un sursaut épidémique. L’amélioration de la veille épidémiologique devrait raccourcir les délais de réaction et limiter les fermetures d’écoles, un enjeu central pour une population dont plus de 60 % a moins de 25 ans.
Un contexte climatique et sanitaire sous tension
Le Mozambique figure parmi les dix pays les plus exposés aux aléas climatiques, selon le Global Climate Risk Index. Cyclones plus fréquents, élévation du niveau de la mer et sécheresses localisées testent la robustesse des infrastructures sanitaires. La nouvelle enveloppe financière se veut une assurance face à cette croissance des risques, laquelle pourrait effacer les gains des programmes antérieurs de lutte contre le paludisme ou la tuberculose.
Les partenaires techniques et financiers saluent la cohérence d’ensemble ; ils soulignent toutefois que la réussite dépendra de la coordination interministérielle, notamment entre la Santé, l’Aménagement du territoire et la Protection civile. Maputo affirme avoir tiré parti des évaluations post-cyclone pour élaborer un schéma de reconstruction plus inclusif.
Coopération régionale et leçons pour Brazzaville
Au-delà de ses frontières, l’initiative mozambicaine constitue un cas d’école pour les États d’Afrique centrale se dotant progressivement de mécanismes de financement d’urgence. À Brazzaville, où le Programme national de développement sanitaire 2022-2030 insiste sur l’équité territoriale, l’expérience de Maputo rappelle l’importance de coupler investissement matériel et renforcement des ressources humaines.
La Banque mondiale envisage déjà d’inscrire le Mozambique dans une plate-forme régionale de partage de données épidémiologiques. Une telle démarche pourrait bénéficier au Congo-Brazzaville, siège de l’Organisation mondiale de la santé pour l’Afrique, et renforcer les synergies transfrontalières. À l’échelle d’une jeunesse congolaise mobile et interconnectée, l’exemple illustre la valeur ajoutée d’une diplomatie sanitaire proactive, capable de transformer des défis globaux en opportunités de développement humain.