Les Diables rouges du tatami visent l’or continental
Sous le dôme du gymnase Henri-Elende, la respiration des 64 judokas Diables rouges résonne comme une promesse. Des juniors aux seniors, tous répètent inlassablement les mêmes mouvements, rêvant de hisser le drapeau tricolore sur les podiums africains d’ici quelques semaines.
« Nous voulons prouver que le Congo compte sur les tatamis », lance le capitaine d’équipe Roland Mabounda, ceinture noire toutes catégories. Sa voix tranche avec le silence studieux des échauffements, rappelant que la quête n’est pas seulement sportive : elle est aussi symbolique pour la jeunesse congolaise.
Trois rendez-vous clés au Cameroun et en RDC
Premier obstacle : l’Open international de Yaoundé, prévu du 20 au 23 novembre. Cette étape camerounaise attire des délégations aguerries et attribue des points précieux pour le classement africain. « Affronter les Lions à domicile est un test idéal », estime la technicienne Clarisse Makosso.
Viendra ensuite, du 3 au 8 décembre, la Coupe d’Afrique zone centrale, avant le Championnat des jeunes de la Francophonie, annoncé à Kinshasa du 10 au 20 décembre. En vingt-cinq jours, les Congolais enchaîneront trois tatamis différents, un marathon décisif pour l’année 2023.
Cinq semaines d’entraînements intensifs à Brazzaville
Depuis début octobre, les judokas s’entraînent deux fois par jour. Séances physiques au petit matin sur la corniche, puis randoris à huis clos l’après-midi. « Le rythme est rude mais nécessaire pour dominer le sol et le mental », confie l’entraîneur principal, l’ancien international Hardy Samba.
Les vidéos d’adversaires projetées entre deux séries de pompes complètent la préparation. Chaque combattant analyse le moindre kumikata adverse. « Nous n’avons pas de matelas luxueux, mais nous compensons par l’analyse », sourit la cadette Grâce Bemba, déjà deux fois championne nationale.
Un appel appuyé aux soutiens institutionnels
Le comité exécutif de la Fédération congolaise de judo finance actuellement repas, transport local et équipements sur fonds propres. « Nos moyens s’amenuisent, nous sommes proches du point de rupture », reconnaît le président Martial Kodia, plaidant pour « un coup de pouce complémentaire ».
Les athlètes, eux, insistent sur le coût des billets d’avion, visas et frais d’engagement. « Une délégation mal financée se présente amoindrie dès le tatami », alerte la championne Juniors Prisca Makaya. Elle espère l’écoute des autorités, convaincue que l’investissement sera rentabilisé en médailles.
L’enjeu pour l’image sportive du Congo
Chaque podium international renforce la diplomatie sportive congolaise. « Un judoka victorieux, c’est un drapeau entier qui s’affiche », rappelle le directeur technique national, Félix Diene, citant les retombées médiatiques autour des derniers Jeux africains.
Les succès individuels stimulent aussi la pratique locale. Les clubs de Bacongo et Moungali ont doublé leurs inscriptions après les médailles de 2021. « Les ados veulent toucher un kimono pour imiter leurs héros », constate la coach bénévole Mireille Okemba, qui espère un nouvel effet d’entraînement.
Les défis logistiques et financiers
Transporter 64 judokas, douze encadreurs et cent kilos de matériel vers Yaoundé puis Kinshasa exige une coordination millimétrée. La fédération estime le budget total à 28 millions de FCFA, dont déjà 60 % engagés pour la phase de préparation.
« L’alimentation spécifique, les protections et la récupération coûtent cher », explique le préparateur physique Arnaud Dinga. Sans cryothérapie, l’équipe se rabat sur des bains glacés artisanaux. « On improvise, mais on reste professionnels », assure-t-il, convaincu que le manque de confort ne doit pas freiner l’ambition.
Témoignages d’athlètes motivés
Dans le vestiaire, l’espoir domine la fatigue. « J’ai mis l’université en pause pour ces tournois », confie le mi-lourd Donald Ébina. Son camarade léger, Fiston Moukou, prépare ses premiers combats internationaux : « Je veux montrer que la relève est prête à surprendre ».
Même détermination chez les féminines. La vice-championne cadette Linda Obiang, 17 ans, raconte avoir vendu des pâtisseries maison pour acheter son second judogi. « Chaque pièce investie me rappelle pourquoi je dois gagner », sourit-elle, avant de retourner répéter son seoi-nage.
Perspectives après les tournois de décembre
Au-delà des médailles, les coaches visent une qualification collective aux Championnats d’Afrique 2024. « Ces compétitions serviront de rampe de lancement », prédit Hardy Samba, misant sur un minimum de six finales pour décrocher les points nécessaires.
Si l’objectif est atteint, la fédération projette un stage de haut niveau à Tunis en février. « Le plus dur est toujours de franchir la première marche », conclut le président Kodia. La balle est désormais dans le camp des partenaires pour transformer l’élan actuel en succès durable.
