Abuja, carrefour des ambitions financières africaines
Du 12 au 15 juin, la capitale nigériane s’est muée en véritable agora continentale, accueillant la 32ᵉ édition des Assemblées Générales d’Afreximbank. Entre panels feutrés et échanges à huis clos, la délégation gabonaise, conduite par Henri-Claude Oyima, ministre d’État de l’Économie, a su capter l’attention des bailleurs. Dans les couloirs du Transcorp Hilton d’Abuja, le responsable a enchaîné les rencontres bilatérales, rappelant que « la finance africaine n’est crédible que lorsqu’elle sert une transformation réelle des économies », selon ses propos rapportés par son entourage. Son agenda serré témoigne de la fébrilité d’un continent en quête de solutions endogènes face aux incertitudes géopolitiques mondiales.
Un prêt concessionnel pour consolider les réformes économiques gabonaises
Point culminant de cette présence très médiatisée : la conclusion d’un prêt concessionnel de 200 millions de dollars libellé sur quinze ans, assorti d’un différé d’amortissement présenté comme « particulièrement avantageux » par des analystes d’Afreximbank. Le gouvernement gabonais, engagé depuis 2023 dans une série de réformes budgétaires, voit dans cet appui une assurance contre les chocs exogènes qui secouent les marchés des matières premières. Le ministère de l’Économie précise que l’enveloppe servira prioritairement à l’optimisation de la collecte fiscale et à la modernisation du climat des affaires, deux leviers identifiés comme essentiels à la soutenabilité de la dette publique.
Un mémorandum de 3 milliards orienté vers cinq piliers stratégiques
Dans la foulée du prêt, Henri-Claude Oyima a paraphé un mémorandum d’entente de 3 milliards de dollars. Le texte, dense d’une quarantaine de pages, trace une cartographie précise des secteurs ciblés : infrastructures logistiques, énergie bas-carbone, santé de proximité, agriculture à haute valeur ajoutée et industries de transformation. « Ce MoU vise à sortir le Gabon de la dépendance aux ressources extractives, en ouvrant la voie à une diversification structurelle », confie un cadre d’Afreximbank ayant requis l’anonymat. Les décaissements devraient s’échelonner sur huit ans, conditionnés au respect d’indicateurs de performance macroéconomique et sociale.
Résonances sous-régionales pour l’Afrique centrale
Au-delà de Libreville, l’accord suscite une lecture géo-économique plus large. Dans une sous-région que d’aucuns trouvent encore trop dépendante des exportations de pétrole, l’initiative gabonaise pourrait créer un précédent. Un économiste du Centre d’Études pour le Développement de Brazzaville souligne que « la sécurisation d’un paquet financier d’une telle envergure incitera les voisins, notamment la République du Congo, à accélérer leurs propres programmes de diversification ». De fait, les économies de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale partagent des infrastructures et un marché financier commun, de sorte que la réussite d’un État membre renforce potentiellement la crédibilité de l’ensemble.
Opportunités pour la jeunesse entrepreneuriale gabonaise et congolaise
Dans les cafés-coworkings de Libreville et de Brazzaville, les jeunes start-uppers scrutent déjà les retombées concrètes de ces annonces. Les créneaux ouverts par le MoU — ingénierie verte, agri-tech, services de santé connectés — recoupent les aspirations d’une génération agile, formée aux outils numériques et avide d’impact social. « Lorsque les grands montants circulent, la question n’est pas seulement de savoir qui signe, mais qui implémente », réagit Élise Nsona, incubatrice congolaise, insistant sur la nécessité de renforcer les synergies universitaires et les dispositifs de capital-risque régionaux. Afreximbank s’est engagée à financer des programmes de capacity building afin de créer un vivier de talents locaux capable d’absorber ces nouveaux crédits.
Vers une diplomatie économique africaine plus intégrée
Au-delà de la dimension financière, la posture offensive du Gabon à Abuja traduit une évolution de la diplomatie économique africaine : les capitales ne se contentent plus d’attirer des flux, elles négocient des portefeuilles sectoriels arrimés à des indicateurs de résultat. Afreximbank, bras armé de cette mutation, consolide ainsi son rôle de catalyseur entre États et investisseurs, tout en défendant une doctrine panafricane d’autonomie productive. Pour la jeunesse d’Afrique centrale, cette convergence entre financement, gouvernance et innovation laisse entrevoir un horizon où les solutions endogènes l’emportent sur les dispositifs exogènes. Reste désormais à matérialiser sur le terrain la promesse de ces 3,2 milliards, afin que le verbe diplomatique se mue en emplois durables et en création de valeur partagée.