Congrès extraordinaire : la chorégraphie d’une transition ordonnée
Rares sont les formations politiques congolaises capables de réunir, deux jours durant, plus de trois cents délégués dans un lieu encore en chantier sans que la logistique ne vacille. C’est pourtant l’exercice auquel s’est livré le Parti pour l’action de la république, les 28 et 29 juin 2025, au cœur de Brazzaville. Sous les volutes de poussière de la future « Gare privée des petits trains touristiques », le P.a.r a tenu son premier congrès extraordinaire avec une ambition affichée : « redynamiser nos instances afin d’exister dans le jeu institutionnel », a rappelé à l’ouverture le président Anguios Nganguia Engambé. L’événement, salué par plusieurs partis frères, s’est voulu un modèle de débat procédural où rapports de commissions et motions successives ont rythmé les heures de travail.
Une jeunesse propulsée au sommet de l’appareil partisan
Par un vote majoritaire, les délégués ont confié les clefs du secrétariat général à Jessica Prismelle Ognangué, étudiante en droit de vingt-trois ans, jusque-là responsable des relations extérieures du mouvement estudiantin du parti. Sourire confiant et verbe précis, la nouvelle dirigeante a lancé d’emblée un appel à « un éveil collectif et à une solidarité responsable ». Pour nombre d’observateurs, son élection incarne le désir, longtemps exprimé mais rarement concrétisé, d’offrir à la jeunesse un rôle décisionnel plutôt que symbolique. « Le P.a.r vient d’opérer un saut générationnel qui pourrait, s’il se confirme, le rendre audible auprès des primo-votants de 2026 », analyse le politologue Jacques Ebina, convaincu que « la sociologie urbaine favorise désormais les profils de moins de 30 ans ».
Le débat sur la sanction : pédagogie interne et discipline collective
La jeunesse ascendante n’a toutefois pas occulté l’exigence de cohésion. La suspension du secrétaire général sortant, Simon Gérard Ndala, a été réexaminée avant d’être confirmée. En séance plénière, plusieurs voix ont souligné « l’indispensable clarté statutaire », jugeant que seule la discipline garantirait la crédibilité du parti auprès de bases souvent sollicitées. La démarche illustre une volonté de pédagogie interne plutôt que de règlement de comptes. Elle permet aussi de rappeler que l’opposition, pour peser, doit se présenter comme une alternative organisée, capable d’appliquer à elle-même les critères qu’elle exige de l’action publique.
La primaire unique : horizon stratégique de l’opposition
Le congrès a fixé au 25 novembre 2025 la date d’une primaire interne destinée à désigner le porte-étendard du P.a.r à l’élection présidentielle de 2026. Mais Anguios Nganguia Engambé a placé la barre plus haut : il propose que les différentes formations d’opposition se soumettent à une primaire élargie dont sortirait un candidat unique. « Sans cet exercice, notre participation serait purement symbolique », a-t-il averti, insistant sur une méthode transparente qui résonne avec les attentes citoyennes de responsabilité politique. Cette posture ouvre une séquence de négociations où convergences programmatiques et égaux leaderships devront s’accorder, exercice rarement aisé dans l’histoire partisane nationale.
Économie, services publics et cadre de vie : une plate-forme programmatique en gestation
Dans les couloirs du congrès, l’analyse de l’actualité internationale a côtoyé un diagnostic sans concession sur la crise économique nationale. Pénuries sporadiques de carburant, interruptions électriques, difficultés d’accès à l’eau potable, transports urbains saturés et érosions des berges ont été évoqués comme autant de chantiers déterminants pour les cinq prochaines années. Jessica Ognangué a promis un « document programmatique pragmatique » avant la rentrée politique, rappelant que « la vitalité démocratique ne se mesure pas uniquement au bal des investitures, mais à la capacité d’apporter des réponses réalistes aux problèmes du quotidien ».
Un message à la jeunesse : la politique comme espace de compétence
Le profil de la nouvelle secrétaire générale résonne particulièrement auprès des 20-35 ans brazzavillois qui, selon un récent sondage de l’Université Marien Ngouabi, demeurent 60 % à se déclarer méfiants vis-à-vis des organisations partisanes. « En acceptant de servir, j’entends rappeler que la politique n’est pas un terrain réservé », a affirmé Jessica Ognangué, citant les succès des jeunes entrepreneurs congolais dans le numérique comme preuve de la compétence de sa génération. Elle entend mettre à profit son expérience associative pour moderniser le militantisme, en misant sur des plateformes interactives et sur une communication davantage orientée vers la preuve plutôt que vers la promesse.
Perspectives 2026 : amplifier la respiration démocratique
Le calme organisationnel observé au congrès du P.a.r traduit, pour certains analystes, un élargissement de l’espace politique congolais. Dans un environnement institutionnel stable, ce type d’événement offre un laboratoire d’idées et de pratiques susceptibles de nourrir le débat national. À l’approche de 2026, la capacité de l’opposition à articuler un projet crédible, respectueux des institutions et adossé à une gouvernance interne exemplaire, constituera un indicateur clé de la maturité démocratique du pays.
En refermant les portes du congrès, la commission de coordination a salué l’engagement de ses membres dans une conjoncture économique exigeante, soulignant que « l’effort politique n’a de valeur que s’il se met au service de la cohésion sociale ». L’écho a trouvé un public attentif, signe qu’à défaut d’effacer la totalité des différends, le P.a.r vient au moins de rappeler qu’une relève est possible, et qu’elle se construit parfois dans la poussière d’un chantier, loin des ors institutionnels, mais au plus près des aspirations populaires.