Un scrutin symbolique pour la communauté congolaise de France
Sous le plafond lumineux de la salle polyvalente de Colombes, à quelques encablures de la Défense, une centaine de membres de l’Association Ouenzé Intendance ont levé la main, ce samedi 5 juillet, pour élire leur président. Le geste, en apparence modeste, résonne pourtant comme un manifeste : la diaspora congolaise s’organise, débat et se donne des orientations. Au terme d’un vote serré – 53 % contre 47 % – Roch Le Prince Okouele a devancé son concurrent Maurille Okilassali, incarnant ainsi le choix d’un renouvellement prudent, mais assumé. Pour nombre d’adhérents, le scrutin dépasse la simple désignation d’un bureau ; il symbolise le droit de s’auto-déterminer loin de Brazzaville, sans pour autant tourner le dos au pays.
Du porte-voix associatif à la direction stratégique
Longtemps chargé de communication, Roch Le Prince Okouele connaît l’écosystème interne comme sa poche. Pendant les années qui ont suivi le drame du 4 mars 2012, il chroniquait les moindres élans de solidarité de l’AOI, mettant en lumière la capacité de la communauté à panser les blessures nationales. « Je suis prêt. Prêt à écouter, à travailler, à fédérer », a-t-il lancé dès l’annonce des résultats, une tirade qui rappelle son art consommé de la formule. Les observateurs notent d’emblée une forme de continuité : l’homme reste communicant, mais il se dote aujourd’hui des leviers exécutifs pour transformer la parole en programmes structurants.
Ouenzé Intendance Évents : la culture comme accélérateur de lien social
La pierre angulaire de son mandat porte un nom de laboratoire : « Ouenzé Intendance Évents ». L’idée est simple, presque évidente, tant elle épouse les aspirations d’une génération connectée : produire des manifestations culturelles, éducatives et sociales capables de rayonner simultanément en France et au Congo. Concerts d’artistes émergents, hackathons solidaires, forums de l’emploi ou projections de films documentaires, chaque initiative vise à offrir une scène aux talents et à renforcer la fierté d’appartenance à la communauté. Dans les couloirs de l’association, l’expression d’« ambassade culturelle » circule déjà. Le président, prudent, préfère évoquer « un sas d’innovation où les idées se frottent au réel ».
Selon plusieurs bénévoles, l’approche répond à un double impératif. D’abord, il s’agit de capter l’énergie créative des 20-35 ans, principale force vive d’Ouenzé Intendance, parfois tentée par un engagement plus éclaté sur les réseaux sociaux que dans les structures traditionnelles. Ensuite, l’association veut consolider son maillage partenarial avec les collectivités locales françaises, les entreprises diasporiques et les institutions congolaises, convaincue que la diplomatie citoyenne passe par des réalisations tangibles plutôt que par les incantations.
Une gouvernance participative à l’épreuve des attentes
Les chantiers annoncés exigent des moyens. Or, la trésorerie d’une association issue d’un quartier populaire de Brazzaville, même délocalisée dans les Hauts-de-Seine, reste fragile. Roch Le Prince Okouele mise sur un modèle vertueux articulant cotisations, mécénat et prestation de services. Dans sa première allocution, il a appelé à la « corresponsabilité » des membres, martelant qu’aucune réforme ne pourra aboutir sans engagement financier, technique et moral. La feuille de route inclut également la création d’un pôle consacré à la recherche de subventions européennes, peu sollicitées par les structures diasporiques congolaises. « Au-delà des idées, ce sont les actions qui comptent », a-t-il rappelé, insistant sur la nécessité de résultats mesurables.
Les adhérents, de leur côté, aspirent à une transparence accrue. Le précédent mandat avait essuyé des critiques de lenteur administrative. Cette fois, un rapport d’activité semestriel sera publié, assorti d’indicateurs clairs : nombre d’événements, participation féminine, insertion professionnelle des jeunes, niveau de partenariats. Sans contester son leadership, certains membres rappellent que le crédit d’un dirigeant associatif se jauge à l’aune du consensus. « Nous le soutiendrons tant que les décisions se prennent à visage découvert », prévient une militante historique.
Effet miroir pour la jeunesse congolaise ici et là-bas
Si l’élection de Roch Le Prince Okouele passionne autant, c’est qu’elle dépasse la micro-géographie de Colombes. En République du Congo, les responsables de quartier scrutent chaque pas de la diaspora, convaincus que ses initiatives peuvent servir de laboratoire aux politiques publiques. Les projets d’Ouenzé Intendance Évents intéressent, en particulier, les services municipaux de Brazzaville chargés de la jeunesse et de la culture. Dans un contexte national où l’inclusion des jeunes demeure un enjeu majeur, l’association offre un récit encourageant : l’engagement civique peut être ludique, créatif et économiquement viable.
À Paris comme à Brazzaville, de nombreux étudiants saluent la réécriture d’un imaginaire positif autour de la réussite communautaire. « Quand la diaspora montre le chemin, c’est toute la ville-mère qui se sent capable d’avancer », résume un sociologue de l’Université Marien-Ngouabi. Au fond, la trajectoire de Roch Le Prince Okouele rappelle qu’une communication bien menée peut engendrer une gouvernance inspirante, à condition qu’elle s’accompagne d’actions vérifiables. Les prochains mois diront si la promesse de solidarité, d’innovation et de fierté partagée se traduit par des réalisations capables de traverser l’Atlantique dans les deux sens.