Une inauguration présidentielle, signe de la priorité accordée aux énergies vertes
Le 28 juin, sous le soleil méridional de la Bouenza, Denis Sassou Nguesso a coupé le ruban tricolore d’Agri-hub Arturo Bellezza, scellant d’un geste symbolique la mue énergétique du Congo-Brazzaville. Conçu par la major italienne Eni, le complexe de Loudima entend transformer les oléagineux locaux en huiles destinées à la production de biocarburants. En présence d’un parterre de ministres et d’investisseurs, le chef de l’État a souligné « la cohérence d’une politique qui conjugue diversification économique et protection du climat », rappelant que l’accord de Paris demeure un jalon incontournable pour le pays.
Un modèle industriel ancré dans la ruralité de la Bouenza
Eni Naturel Énergies Congo SAU, filiale non pétrolière créée en 2023, mise sur un schéma que ses dirigeants qualifient de « transition juste et durable ». Le principe est simple : cultiver tournesol, ricin et soja sur des parcelles jusqu’ici sous-exploitées, puis extraire sur place une huile brute à haut pouvoir calorifique. Quinze mille hectares sont déjà emblavés pour une production estimée à 1,1 million de tonnes d’huiles. L’objectif, ambitieux mais méthodiquement planifié, table sur 40 000 hectares et plus de 5 millions de tonnes en 2030, faisant de Loudima la future plaque tournante de l’agro-énergie nationale.
Des retombées socio-économiques promises aux jeunes agripreneurs
Pour Antoine Thomas Nicéphore Fylla Saint-Eudes, ministre du Développement industriel, le projet porte une triple vertu. D’abord, il ouvre aux communautés rurales une filière nouvelle qui ne concurrence pas les cultures vivrières, évitant ainsi les tensions alimentaires. Ensuite, il insère le Congo dans la chaîne de valeur mondiale des carburants bas carbone. Enfin, il réduit la facture d’importation de diesel, ressource particulièrement sensible pour l’équilibre budgétaire. « Chaque kilogramme d’huile produit ici est un franc CFA qui reste au pays », résume le ministre, convaincu que la jeunesse trouvera dans cette aventure une voie d’auto-emploi et d’entrepreneuriat.
Une stratégie de décarbonation calibrée pour l’horizon 2030
La trajectoire annoncée par Guido Brusco, Chief Operating Officer d’Eni, s’appuie sur la mécanisation intensive : 125 tracteurs sillonnent déjà les champs, préfiguration d’un parc appelé à doubler à brève échéance. Les sous-produits de l’extraction seront convertis en aliments pour bétail et en engrais organiques, bouclant le cycle carbone. À terme, l’huile congolaise transitera vers les bioraffineries africaines puis européennes, où elle remplacera partiellement les hydrocarbures fossiles. Brusco insiste sur la dimension formatrice du programme : « Sans ingénieurs et techniciens congolais, il n’y a pas d’avenir durable. Notre feuille de route inclut le transfert intégral des savoir-faire. »
Entre défis fonciers et pacte de confiance, les clés de la réussite
L’installation d’Agri-hub Arturo Bellezza n’échappe pas aux contingences locales. Les notabilités Kibaka, propriétaires traditionnels des terres, ont publiquement accordé leur bénédiction au site, tout en rappelant leur attachement à la résolution paisible de toute revendication foncière. Jacqueline Kimbembé, maire de Loudima, voit dans cette entente un préalable indispensable : « La paix sociale est le premier intrant d’une usine performante. » De son côté, Valentin Ngobo, ministre de l’Agriculture, parle d’un « pacte de confiance » entre agriculteurs et industriel. Il met en avant trois garanties : accès aux semences de qualité, mécanisation inédite et prix d’achat transparents. Pour les coopératives de jeunes, l’assurance de débouchés stables ouvre la possibilité de planifier, d’investir et, surtout, de rester sur la terre natale.
Les observateurs s’accordent à dire que le succès du projet dépendra autant de la rigueur agronomique que de la capacité à consolider les partenariats publics-privés. Les premiers camions de graines affluent déjà vers l’usine, un vrombissement qui, dans le sillage des tracteurs, témoigne d’un espoir concret. Si les projections se matérialisent, Loudima pourrait devenir un cas d’école continental, démontrant qu’un pays producteur d’or noir peut aussi capitaliser sur l’or vert sans renier son identité économique. Comme l’a confié un jeune exploitant rencontré à l’entrée du site : « Hier, nos parents parlaient d’exode. Aujourd’hui, nous parlons d’expansion. »
