Un protocole d’honneur au parfum d’intégration régionale
La scène, solennelle, s’est jouée dans l’hémicycle Félix-Houphouët-Boigny. Drapé de vert, d’orange et de blanc, le palais législatif ivoirien a accueilli le Président de l’Assemblée nationale du Congo, Isidore Mvouba, en invité d’honneur de la cérémonie de clôture de la première session ordinaire 2025. À la tribune, à quelques pas du Premier ministre Robert Beugré Mambé, représentant le chef de l’État Alassane Ouattara, et de la présidente du Sénat Kandia Camara, le député de Kindamba a livré une adresse empreinte de gravité et d’optimisme. Jamais avare de formules lyriques, il a loué « le ciel bleu sans nuages » qui unit deux pays « aux similitudes exceptionnelles », rappelant qu’en diplomatie, la forme compte souvent autant que le fond.
Des convergences économiques au service d’un agenda commun
Sous les lambris d’Abidjan, la rhétorique panafricaniste a laissé place à un argumentaire concret : la Côte d’Ivoire et le Congo disposent, selon le parlementaire congolais, d’« atouts comparatifs et compétitifs » susceptibles de générer une croissance partagée. La première exporte cacao, noix de cajou et services numériques ; le second se prévaut de ressources forestières, hydriques et énergétiques. En invitant les entrepreneurs ivoiriens à explorer les corridors logistiques du fleuve Congo ou les zones économiques spéciales de Pointe-Noire, M. Mvouba a fait vibrer la corde d’une jeunesse en quête de mobilité professionnelle. Les statistiques du commerce intracommunautaire, inférieures à 15 % du total africain, laissent entrevoir une marge de progression que l’orateur a subtilement placée sous le signe d’un patriotisme économique continental.
Les parlements, nouveaux foyers de la soft power africain
Isidore Mvouba a pris soin de rappeler que les assemblées « ne sont pas de simples chambres de validation », mais les « garde-fous démocratiques » d’États résolus à consolider la paix civile. Cette dialectique trouve un écho favorable auprès d’un public de jeunes adultes souvent prompt à réclamer transparence et participation. La diplomatie parlementaire, encore balbutiante dans plusieurs capitales subsahariennes, s’érige ainsi en complément des canaux classiques pilotés par les chancelleries. Déjà, les groupes d’amitié Congo-Côte d’Ivoire se voient assigner la mission de bâtir un cadre d’échanges techniques : harmonisation des lois sur l’entrepreneuriat, partage d’expériences en matière d’économie verte ou encore mentorat de start-up opérant dans la fintech. L’intention est claire : offrir au marché unique africain en construction une ossature juridique robuste.
Sassou Nguesso et Ouattara : deux trajectoires, une même vision intégratrice
Si la parole parlementaire se veut indépendante, elle n’échappe jamais aux clins d’œil adressés aux exécutifs. Devant l’auguste assemblée ivoirienne, le président congolais de l’hémicycle a salué « deux personnalités d’exception », Denis Sassou Nguesso et Alassane Ouattara, qu’il a décrites comme des architectes d’une Afrique « fondée sur l’égalité, la fraternité et la solidarité ». Cette formule, loin d’être anodine, reflète la volonté des deux capitales de projeter une image de stabilité dans un environnement régional bousculé par les soubresauts sécuritaires du Sahel et les fluctuations des marchés de matières premières. La proximité entre Brazzaville et Abidjan se nourrit également de convergences diplomatiques, qu’il s’agisse de la médiation dans les crises voisines ou de la défense d’un multilatéralisme réformé où l’Afrique jouerait, selon l’expression consacrée, « toute sa partition ».
Abidjan, laboratoire urbain et vitrine d’un développement aspiré
L’emphase du visiteur congolais sur la « petite Manhattan d’Afrique » n’a pas seulement flatté l’orgueil ivoirien ; elle a mis en relief la soif de modernité des métropoles d’Afrique centrale. Les tours miroitantes de Cocody et les échangeurs flambant neufs du Plateau incarnent un modèle de transformation urbaine que Brazzaville et Pointe-Noire ambitionnent d’épouser, à l’heure où la Banque africaine de développement évalue à 40 % la part de la population du continent vivant en milieu urbain. Pour les jeunes Congolais, l’exemple abidjanais suggère que l’investissement massif dans les infrastructures, combiné à une gouvernance assise sur la prévisibilité des règles, peut créer des emplois qualifiés et retenir les talents. La mise en réseau des deux capitales, grâce à des vols directs et à une coopération universitaire renforcée, apparaît dès lors comme un levier stratégique.
Jeunesse, culture et innovation : les vraies bénéficiaires de l’axe Brazzaville-Abidjan
Au-delà des chiffres macroéconomiques, le déplacement d’Isidore Mvouba a mis en lumière une réalité : le capital humain reste la variable décisive du partenariat. Dans un continent où 70 % de la population a moins de trente ans, les parlements entendent se faire porte-voix des nouvelles générations. Des programmes d’échanges artistiques, de coproduction audiovisuelle et d’e-sport figurent déjà dans les tiroirs des commissions culturelles. Sur le terrain de l’entrepreneuriat, l’harmonisation des régimes fiscaux pour les micro-entreprises technologiques s’annonce cruciale. Chaque initiative participe d’un même dessein : canaliser l’énergie créative de la jeunesse vers des filières porteuses plutôt que de la voir s’exiler. En clôture de séance, la standing ovation réservée au dirigeant congolais a symbolisé cette adhésion à une vision confiante et résolument tournée vers l’avenir.
Perspectives et responsabilités partagées
La brève mais dense séquence abidjanaise a souligné l’importance d’un dialogue parlementaire régulier pour concrétiser les ambitions continentales. Dans un contexte marqué par la Zone de libre-échange continentale africaine, l’enjeu n’est plus de décréter des coopérations, mais de les arrimer à des cadres législatifs stables, capables de sécuriser les investisseurs tout en préservant les intérêts des communautés locales. En rappelant que « le progrès se nourrit de la volonté populaire », Isidore Mvouba a implicitement invité les jeunesses congolaise et ivoirienne à se saisir des outils offerts par leurs institutions pour transformer les idées en projets tangibles. S’il reste des défis – connectivité numérique, diversification industrielle, adaptation climatique – le ton résolument constructif du déplacement laisse augurer une intensification des échanges, inscrite dans le temps long, au bénéfice d’un continent en quête de renaissance.
