Cap sur l’entrepreneuriat congolais
À Pointe-Noire, le Forum horizon initiative et créativité, cinquième du nom, vient de donner un écho significatif aux ambitions nationales en matière de création d’activités. Trois jours d’échanges ont réuni entreprises, institutions et pouvoirs publics autour d’une même question : comment doper l’entrepreneuriat local.
La signature d’un accord entre le Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement et l’Organisation de développement des entreprises locales constitue l’une des annonces majeures du forum, associant dispositifs publics et savoir-faire privé pour faciliter l’accès des jeunes créateurs aux financements durables.
Un accord pour faire sauter le verrou du financement
Par cette convention, le Figa met à disposition une ligne de garantie de cinq milliards de francs CFA. La somme doit couvrir partiellement les risques bancaires liés aux prêts accordés aux petites et moyennes entreprises, encourageant ainsi les établissements financiers à ouvrir davantage leurs guichets.
Selon Dayi Allaire Branham Kintombo, directeur général du Figa, « le rôle du fonds n’est pas de prêter directement, mais de créer la confiance nécessaire ». Sa structure agit tel un catalyseur, entre porteurs de projets ambitieux et organismes de crédit parfois frileux face aux dossiers naissants.
L’Odel, présidée par Ebeh Deschagrains, devient le relais opérationnel de cette manne ciblée. Sur ses soixante-quinze entreprises membres, chacune pourra solliciter des prêts adossés à la garantie et, à terme, l’organisation espère accompagner mille structures pour générer près de huit mille emplois additionnels.
Cinq milliards en garantie, un signal de confiance
Le montant alloué s’inscrit dans la trajectoire du Plan national de développement 2022-2026, qui mise sur la diversification économique et la montée en puissance du secteur privé. Pour de nombreux analystes, la garantie publique agit comme un thermomètre de confiance pour mesurer l’appétit d’investissement.
Du côté des banques locales, l’effet de levier pourrait atteindre un ratio de quatre, estiment des responsables interrogés en marge du Fhic. Concrètement, chaque franc mis en garantie est susceptible d’entraîner quatre francs de prêts, créant ainsi un volume potentiel de vingt milliards injectés dans l’économie.
Kolisa, un crédit pensé pour la jeunesse
Au-delà de l’accord institutionnel, la remise très attendue des chèques Kolisa a retenu l’attention du public. Cinq cents entrepreneurs, contre les deux cent cinquante initialement prévus, ont été sélectionnés par le comité du Figa après une instruction minutieuse de leurs dossiers et une visite des sites d’activité.
Le montant global, 63,8 millions de francs CFA, sera réparti selon la solidité des projets, de cent mille à un million de francs. Les secteurs servis couvrent restauration, e-commerce, habillement, cosmétique ou coiffure, des domaines porteurs qui séduisent particulièrement les 20-35 ans.
Pour Ricci El Louemba, lauréate d’un million de francs, « ce soutien arrive au moment où la demande explose en ligne, mais où les fournisseurs exigent des paiements comptant ». À l’instar d’autres bénéficiaires, elle voit dans Kolisa une bouffée d’oxygène plutôt qu’un simple coup de pouce.
Témoignages d’entrepreneurs portés par le Fhic
Doriane Mayoukou, spécialisée dans la cosmétique naturelle, évoque un marché en croissance, tiré par une classe moyenne avide de produits locaux. « J’importais encore mes matières premières, désormais je peux contractualiser avec un laboratoire de Pointe-Noire », confie-t-elle, soulignant la dynamique d’intégration des chaînes de valeur.
Prince Jospin Sitou, quant à lui, érige une petite unité de restauration mobile pour répondre aux besoins des salariés du port. Le financement couvrira l’aménagement d’un food-truck neuf, tandis qu’une formation en gestion est prévue, en partenariat avec l’Institut national de gestion.
Pour Sarah Paka Zoulouka, créatrice d’une boutique en ligne de prêt-à-porter, la priorité sera la mise en place d’un système logistique fiable. « Livrer sous 48 heures est devenu la norme, même au Congo. Sans capital de départ, c’est impossible », justifie-t-elle.
Vers un tissu économique plus résilient
Au total, le Fhic 2025 confirme son rôle de carrefour d’idées et de solutions pour la ville océane. Les discussions ont aussi porté sur la nécessité d’un suivi technique, condition essentielle pour transformer des décaissements rapides en entreprises viables et créatrices d’emplois stables.
Des économistes basés à Brazzaville rappellent que l’entrepreneuriat ne s’arrête pas au chèque ; il exige un accompagnement fiscal, un accès continu à l’information de marché et un esprit de collaboration. Le gouvernement a déjà annoncé la digitalisation prochaine des procédures d’immatriculation des petites sociétés.
Avec la combinaison d’une garantie publique robuste et d’outils de microcrédit ciblés, les experts voient émerger une génération de PME capables de soutenir la production locale, de limiter les importations non essentielles et de répondre aux attentes des consommateurs urbains en quête de qualité.
Cap sur 2026 : défis et opportunités
Dans les mois à venir, Figa et Odel prévoient de déployer des antennes régionales à Dolisie, Oyo et Ouesso afin de rapprocher l’offre de crédit de la population. L’idée est de réduire les coûts de déplacement souvent rédhibitoires pour les jeunes porteurs d’idées.
Parallèlement, un programme d’incubation devrait voir le jour, assorti de mentors expérimentés issus de la diaspora congolaise. Les organisateurs misent sur ces synergies internationales pour introduire de nouvelles technologies, encourager les partenariats transfrontaliers et positionner le Congo comme hub innovant d’Afrique centrale.
