Un scrutin feutré sous les lambris d’Abuja
Le 28 juin, dans l’enceinte feutrée du centre de conférences d’Abuja, les actionnaires d’Afreximbank se réuniront pour une session à huis clos dont l’enjeu paraît limpide : désigner la personnalité appelée à prolonger l’élan imprimé depuis 2015 par le professeur Benedict Oramah. Les règlements internes de l’institution imposent un vote à la majorité simple, mais la coutume veut qu’un consensus africain se dégage en amont afin d’éviter toute fracture symbolique entre régions. Cette recherche d’unanimité explique l’épais voile de confidentialité qui recouvre les tractations, même si, dans les couloirs, un nom revient avec insistance, celui du Camerounais George Elombi, actuel Executive Vice President en charge de la gouvernance, des affaires juridiques et de la conformité.
Le parcours d’excellence du Dr George Elombi
Docteur en droit de l’université de Londres, passé par le Barreau d’Angleterre et du Pays de Galles, George Elombi s’est imposé au fil de deux décennies comme l’un des architectes silencieux d’Afreximbank. Entré en 1996 au siège du Caire comme conseiller juridique, il a accompagné la montée en puissance de la banque auprès des économies anglo- et francophones, supervisant notamment la structuration de plus de 80 milliards de dollars de financements cumulés. Sa double culture common law–droit civil en fait un pivot rare sur un continent où la diversité normative demeure un défi partagé. « George connaît le moindre alinéa des statuts mais aussi la réalité du terrain ; il passe avec la même aisance d’une négociation à Lagos à une séance de travail à Brazzaville », confie un haut cadre ayant requis l’anonymat.
Critères institutionnels et jeu d’équilibres régionaux
Au-delà de l’expertise technique, le conseil d’administration scrute la capacité du futur président à ménager équité géographique et cohérence stratégique. La présidence Oramah avait été portée par l’Afrique de l’Ouest ; une alternance en faveur de l’Afrique centrale, moins souvent représentée, satisferait le principe de rotation tacite encouragé par l’Union africaine. À Abuja, plusieurs capitales pourraient ainsi voir dans la candidature Elombi un signal inclusif. Officieusement, des candidatures issues d’Afrique australe circulent encore, mais le contexte économique post-pandémie appelle à limiter les voix dissonantes. « L’heure est à la visibilité collective plutôt qu’aux postures nationales », glisse un diplomate nigérian proche du dossier.
Des enjeux macroéconomiques aux aspirations de la jeunesse congolaise
Pour la jeunesse congolaise, majoritairement tournée vers l’entrepreneuriat numérique, l’enjeu dépasse la simple bataille de fauteuils. Afreximbank demeure l’un des rares guichets continentaux capables de refinancer des start-ups ou des PME exportatrices hors des filières extractives. En 2023, plus de 500 millions de dollars ont ainsi été orientés vers des projets de diversification économique en Afrique centrale, dont une ligne de crédit destinée aux sociétés congolaises opérant dans l’agro-transformation. Les entrepreneurs de Pointe-Noire espèrent que le prochain président pérennisera ces instruments. « Le fonds d’accélération mis en place l’an dernier nous a permis de doubler notre capacité de production de chocolat local », témoigne Odile Samba, fondatrice de ChocoNkéni, symbole d’un renouveau industriel que les autorités de Brazzaville encouragent.
Scénarios prospectifs pour la nouvelle décennie d’Afreximbank
Les chantiers qui attendent le successeur d’Oramah sont légion : mise en œuvre effective de la Zone de libre-échange continentale, numérisation des procédures douanières, verdissement des portefeuilles de prêts, sans oublier la consolidation du système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS). Sur chacun de ces axes, le profil juridique et multiculturel de George Elombi semble cocher les cases de la continuité réformatrice. « Sa marque de fabrique est la prudence audacieuse : il innove, mais sur une base juridique solide », analyse l’économiste ivoirien Kouadio Fofana. Si d’autres prétendants se maintiennent, les actionnaires devront trancher entre la stabilité incarnée et la tentation du renouvellement. Quelle que soit l’issue, le continent espère un leadership capable d’amplifier la résilience macroéconomique, afin que les jeunes Africains, du Congo au Cap, puissent transformer leurs idées en exportations tangibles.
