De l’ingénierie télécoms à la terre rouge de Gamboma
Le parcours de Michel Djombo, marqué par des études à Sofia, Londres puis Paris, illustre la circulation des savoirs au sein de la francophonie économique. Ingénieur télécoms devenu entrepreneur agricole en 2013, il incarne cette génération de décideurs qui investissent leur capital humain dans le développement endogène. « La fertilité de nos plaines est un actif plus durable que n’importe quel baril de Brent », confie-t-il lors d’un entretien accordé à Radio France Internationale, convoquant ainsi l’imaginaire des grandes fermes familiales de Gamboma que son équipe a modernisées.
Un plaidoyer pour l’autosuffisance alimentaire
Bien que douée d’un sol volcanique généreux et d’une pluviométrie régulière, la République du Congo importe encore une part significative de ses denrées de base. Michel Djombo rappelle que la facture alimentaire avoisine un cinquième des besoins en devises du pays. Dans une perspective d’intégration sous-régionale, il recommande un accès élargi aux semences améliorées, le déploiement d’intrants produits localement et la réhabilitation des pistes agro-pastorales. La récente mise en service de la route Ketta–Sembé–Souanké lui sert d’illustration : « La logistique est la clef de voûte sans laquelle le maïs reste au champ », explique-t-il, saluant le programme d’investissements publics qui cible les corridors Nord-Sud.
Francophonie économique : une plateforme d’influence partagée
La Rencontre des entrepreneurs francophones 2025, accueillie à Brazzaville, a confirmé le potentiel d’un marché francophone estimé à 1000 milliards de dollars. Pour Michel Djombo, cette communauté linguistique doit devenir un espace de coopérations opérationnelles plutôt qu’un simple cercle culturel. Il milite pour un label « Produit en francophonie » susceptible de fluidifier la circulation des biens entre Pointe-Noire, Dakar et Montréal, tout en créant des standards qualité attractifs pour les marchés asiatiques. Les premières discussions sur un fonds spécial d’exportation agricole francophone, auxquelles participe Unicongo, témoignent d’un alignement progressif entre acteurs privés et instances publiques.
Diversification et stabilité budgétaire : l’urgence d’une fiscalité calibrée
Avec une dette proche de 95 % du PIB, le Congo évolue dans un environnement où chaque point de croissance hors pétrole compte double. Michel Djombo défend une architecture fiscale plus prévisible afin de sécuriser l’équilibre entre recettes et incitations à l’investissement. Il plaide pour un guichet unique dédié aux PME agricoles, assorti d’exonérations ciblées sur la mécanisation et l’irrigation de précision. Cette démarche rejoindrait l’objectif gouvernemental de porter la part du secteur non pétrolier à 40 % du PIB d’ici 2030. « L’outil fiscal ne doit pas être un frein mais un levier de compétitivité », affirme-t-il, soulignant la complémentarité entre réformes domestiques et soutiens multilatéraux.
Jeunes entrepreneurs, formation duale et leadership inclusif
L’ascension de l’économie numérique et l’essor de l’agrotech créent un terreau d’innovation pour les 20-35 ans congolais. Michel Djombo encourage les universités à contractualiser avec les exploitations pilotes, instaurant ainsi une formation duale où l’étudiant devient co-acteur de la productivité. L’Agence nationale de l’emploi vient d’approuver un programme de stages agricoles subventionnés qui cible 10 000 jeunes d’ici deux ans. Pour le président d’Unicongo, cette synergie entre savoir académique et savoir-faire rural permettra de ralentir l’exode vers les capitales et de densifier le tissu de PME au sein des départements.
Les paramètres géopolitiques d’une stratégie d’ouverture
La compétition des puissances sur le continent, perceptible dans les corridors miniers et les réseaux de télécommunication, influence inévitablement l’agenda économique congolais. Face au repositionnement américain et à la montée en puissance des financements asiatiques, Michel Djombo privilégie un multilatéralisme pragmatique. Il salue la diversification récente des partenaires techniques du ministère de l’Agriculture, tout en rappelant l’importance de standards homogènes pour préserver la souveraineté sanitaire. La francophonie économique, à ses yeux, fournit un canevas stable où le Congo peut négocier des transferts de technologie sans sacrifier son autonomie réglementaire.
Vers une feuille de route partagée public-privé
Sous l’impulsion d’Unicongo, un comité de suivi rassemblant ministères, chambres consulaires et bailleurs vient d’être installé. Sa mission : aligner programmes publics et stratégies d’entreprise afin d’atteindre 1 million d’hectares cultivés en cultures vivrières d’ici 2028. La création annoncée d’un Observatoire des prix agricoles servira d’outil d’intelligence économique pour prévenir la spéculation et sécuriser le revenu des producteurs. « Nous pouvons convertir nos atouts naturels en chaînes de valeur régionales », conclut Michel Djombo, invitant la jeunesse congolaise à faire de l’agriculture un vecteur de prospérité collective et de rayonnement francophone.