Ebola aux portes : la menace venue du Kasaï
La réapparition d’Ebola dans la province du Kasaï, en RDC, ravive les souvenirs de 2018. La République du Congo, séparée seulement par le fleuve, observe les pirogues chargées de passagers avec une attention fébrile.
Chaque traversée quotidienne multiplie les contacts humains et commerciaux. Cette dynamique transfrontalière, essentielle à l’économie locale, représente aussi une voie rapide pour un virus aux taux de mortalité parfois supérieurs à 50 %.
Conscientes du risque, les autorités de Brazzaville ont déclenché l’alerte précoce dès les premiers communiqués de Kinshasa. Objectif assumé : rester hors du radar des flambées, grâce à une prévention active plutôt qu’une riposte tardive.
Mise à jour d’un plan national offensif
Le ministère de la Santé et de la Population a commandé, avec l’appui technique de l’OMS, une évaluation flash de ses capacités. Cette radiographie a précédé la refonte du Plan national de préparation et de riposte.
Les équipes ont identifié les maillons sensibles : surveillance aux frontières, chaîne d’alerte, stock de matériel de protection et formation du personnel. Chaque volet reçoit un calendrier resserré de dix semaines pour combler les écarts.
À la clé, un financement conjoint État-OMS pour l’impression de 1 000 dépliants, 1 000 affiches et sept kakemonos destinés aux gares fluviales, aux gares routières et aux marchés à grande affluence.
Les points d’entrée, première ligne de défense
Aéroport Maya-Maya, port Yoro et Beach de Brazzaville font figure de douaniers sanitaires. Des caméras thermiques et des postes de lavage des mains supplémentaires y ont été installés en moins de 48 heures.
Le 23 septembre 2025, près de cent agents, tous corps confondus, ont suivi une session éclair sur la détection précoce. Thermomètres infrarouges, protocoles d’isolement et fiches passagers numérisées composent désormais leur kit quotidien.
Christian Voumina, chef d’exploitation aéroportuaire, ne cache pas son zèle : « Prévenir vaut mieux que guérir ». Pour lui, chaque vol est une situation d’examen, chaque passager un potentiel maillon de transmission.
Aux guichets sanitaires, Emma Gisèle Monka distribue des fiches d’information. « Nous sommes en alerte permanente », répète-t-elle, rappelant que les symptômes précoces ressemblent parfois à un simple paludisme, d’où la vigilance nécessaire.
Surveillance renforcée sur le corridor fluvial
Le fleuve Congo, artère logistique historique, devient sous surveillance renforcée. Les autorités sanitaires y croisent désormais leurs données avec celles de la capitainerie pour tracer les embarcations en provenance du Kasaï.
Deux salles d’isolement prêtes au CHU et à l’Hôpital militaire complètent le dispositif. Une ambulance équipée de caissons sécurisés reste en stand-by pour tout cas suspect intercepté sur le quai.
Les agents de la police des frontières, formés à reconnaître la fièvre hémorragique, travaillent en binôme avec des infirmiers. L’objectif est de réduire à moins de deux heures le délai entre signalement et isolement.
L’appui de l’OMS, moteur de la riposte proactive
Le Dr Vincent Dossou Sodjinou, représentant de l’OMS, rappelle que l’accompagnement « va au-delà d’Ebola ». L’organisation finance des ateliers de simulation et la mise en réseau des laboratoires de Brazzaville et d’Owando.
Des protocoles de partage de données en temps réel sont testés. Une alerte émise sur le corridor fluvial apparaît instantanément dans le tableau de bord du ministère, permettant des décisions rapides, y compris le déploiement d’équipes mobiles.
Cette synergie institutionnelle s’inscrit dans la stratégie africaine de Sécurité sanitaire globale. Le Congo veut passer de la réaction ponctuelle à la prévention continue, en alignement avec le Règlement sanitaire international révisé.
Une vigilance collective appelée à durer
Pour le Dr Jean Claude Emeka, la bataille se gagnera grâce à l’implication de tous. Douaniers, transporteurs, tradipraticiens et associations civiles reçoivent des briefings réguliers afin de repérer tout cas suspect dans leur entourage.
La dernière flambée d’Ebola au Congo remonte à 2021, contenue en quelques semaines. Les leçons apprises nourrissent aujourd’hui cette posture plus offensive, fondée sur l’anticipation et la coordination multisectorielle.
Les autorités insistent : garder les frontières ouvertes mais sûres. Le défi est d’équilibrer le commerce vital avec la protection sanitaire, sans céder à la panique, ni freiner le dynamisme des échanges régionaux.
Au-delà d’Ebola, cette mobilisation pose les bases d’un système de santé résilient. Investir aujourd’hui dans la prévention signifie gagner du temps, sauver des vies et renforcer la confiance des populations dans leurs institutions.
La science au service de la prévention
Les laboratoires nationaux renforcent leur capacité de diagnostic moléculaire. Des kits RT-PCR dédiés à Ebola, fournis par l’OMS et l’Institut Pasteur, permettent d’obtenir un résultat en moins de quatre heures, contre deux jours auparavant.
Des biologistes congolais se forment en ligne avec l’université de Dakar pour maîtriser les nouvelles plateformes de séquençage. Cette compétence locale accélère le traçage des souches et facilite le partage de données avec les centres africains.
En parallèle, une étude comportementale lancée par l’Institut national de recherche en santé publique veut comprendre les pratiques de mobilité entre Kasaï et Brazzaville. Ses conclusions guideront les messages de sensibilisation afin d’être culturellement adaptés et efficaces.
Un numéro vert gratuit, 3434, vient d’être activé pour signaler anonymement tout symptôme suspect ou demander conseil.