Héritage radiophonique et nouvelle dynamique
Le vendredi 1er août 2025, dans la salle sobre du Centre interdiocésain des œuvres à Brazzaville, des voix familières se sont retrouvées. Les anciens de Radio Congo ont entamé une nouvelle aventure collective, portée par la volonté de préserver un pan essentiel de la mémoire nationale.
Sous la houlette de Michel Rudel Ngandziami, élu président, l’Amicale des anciens journalistes de Radio Congo matérialise un projet évoqué depuis des années : réunir ceux qui, de la cabine de reportage au bureau de rédaction, ont façonné la voix publique du pays.
Vision solidaire au service de la jeunesse
Le contexte social actuel rend cette initiative particulièrement lisible pour la jeunesse. Beaucoup se demandent quelle place donner à l’entraide dans une carrière marquée par la précarité de certains contrats et les mutations technologiques qui brouillent les repères traditionnels du journalisme.
Sans surprise, le plan d’action adopté par l’association s’appuie sur trois piliers. L’assistance sociale, la formation continue et la promotion des loisirs culturels. Derrière ces mots, les adhérents y voient une manière concrète de garder une cohésion intergénérationnelle, tout en valorisant la compétence congolaise.
Selon l’expert en communication Stéphane Lékoundzou, « l’histoire sonore de la République s’est construite micro après micro ». Il estime que la mutualisation proposée par l’Amicale peut servir de catalyseur aux jeunes reporters avides de mentorat et d’échanges pratiques.
Lionelle Nkouka, 25 ans, stagiaire dans une radio communautaire de Pointe-Noire, confie avoir découvert le projet sur les réseaux sociaux. « J’y vois une chance de ne pas répéter certaines erreurs de démarrage », affirme-t-elle, soulignant l’importance de retours d’expérience locaux.
Déploiement concret des trois piliers
La première déclinaison du pilier social mise sur un fonds d’entraide destiné à soutenir les membres confrontés à des urgences sanitaires ou familiales. Les cotisations seront progressives afin de rester accessibles aux professionnels encore en activité comme à ceux déjà retraités.
Sur le volet formation, l’Amicale entend organiser des ateliers thématiques trimestriels. Les sujets pressentis vont de l’initiation au podcast à la vérification de l’information numérique, en passant par la prise d’antenne en langues nationales, un enjeu identitaire majeur pour le public jeune.
Le segment loisirs prévoit, lui, des tournées de découverte du patrimoine radiophonique. De l’ancienne régie analogique de l’avenue de l’Amitié aux nouveaux studios tout-numérique de Talangaï, les adhérents souhaitent montrer que la technologie avance sans effacer la valeur des archives.
À plus court terme, le bureau se concentre sur la commémoration de l’an I de l’Amicale prévue en 2026. Une cérémonie ouverte au public est envisagée, avec expositions, débats et remise de prix honorifiques aux pionniers qui ont marqué l’imaginaire radiophonique national.
La question du siège figure également en bonne place. Plusieurs pistes immobilières sont étudiées dans la capitale afin de disposer d’un espace permanent accueillant les réunions, mais aussi un centre de ressources documentaires où les jeunes pourraient consulter bandes magnétiques numérisées et journaux d’époque.
Témoignages et crédibilité retrouvée
Pour Serge Michel Odzocki, ancien ministre et ex-directeur général de Radio Congo, cette visibilité future est essentielle. « Marcher ensemble, c’est rappeler que la solidarité professionnelle reste une valeur sûre », a-t-il déclaré, appelant les adhérents à « tenir le cap ».
La création de l’Amicale intervient dans un paysage médiatique congolais en mouvement. L’arrivée de nouveaux formats audio, la percée de la vidéo courte et l’essor du streaming imposent de réinventer les modes de transmission des savoirs professionnels hérités de la radio d’État.
D’après le sociologue Médard Mabiala, la crédibilité reste l’actif majeur recherché par l’auditoire de 20 à 35 ans. « Les algorithmes trient l’info, mais la voix familière crée la confiance », observe-t-il, encourageant l’association à multiplier les podcasts pédagogiques.
Synergie avec les politiques publiques
Ces initiatives rejoignent la dynamique gouvernementale visant à améliorer la qualité de l’information et à renforcer la professionnalisation des médias nationaux. Plusieurs programmes de soutien à la presse ont déjà été lancés, notamment pour accompagner la transition numérique des rédactions.
En tissant un réseau d’anciens, l’Amicale offre donc un complément à ces politiques, en capitalisant sur l’expérience de terrain accumulée depuis les premières diffusions en ondes moyennes jusqu’aux plateformes en ligne d’aujourd’hui. Un cercle vertueux pourrait ainsi s’installer entre États, organismes et praticiens.
Les mois qui viennent diront si le tableau de bord annoncé sera tenu. La gestion quotidienne, la transparence financière et l’écoute des jeunes membres seront scrutées. Mais l’enthousiasme manifesté lors de la session inaugurale offre déjà un socle solide.
Vers un prix de la relève audio
À Brazzaville comme à Pointe-Noire, plusieurs antennes régionales se déclarent prêtes à relayer l’élan. De quoi envisager une couverture nationale de l’entraide journalistique, et, qui sait, stimuler d’autres corporations à suivre le même exemple dans l’intérêt du bien commun.
Dans les couloirs du Centre interdiocésain, certains vétérans évoquaient déjà la possibilité d’un prix annuel récompensant la meilleure enquête radio réalisée par un jeune journaliste. Le projet, encore informel, symbolise la volonté de l’Amicale de mêler reconnaissance et stimulation de la créativité.
