Une table ronde au timing stratégique
Il y a parfois des coïncidences de calendrier qui sonnent comme des avertissements. Tandis que les marchés internationaux ondulent au gré des annonces de l’OPEP+, Brazzaville a accueilli, du 10 au 11 juillet, une table ronde nationale consultative consacrée à l’après-pétrole. L’initiative émane de la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme (RPDH) et s’inscrit dans la première phase du projet « Préparer l’après au Congo » (PapCo), conduit avec l’appui technique d’Energy Transition Fund et le financement de Rockefeller Philanthropy Advisors. L’objectif affiché est limpide : installer un débat pragmatique sur la transition énergétique au moment précis où le baril demeure le principal pourvoyeur de devises du pays.
Le pari d’une diversification inclusive
Réunissant représentants ministériels, entrepreneurs, chercheurs et organisations communautaires, la rencontre a cherché une forme de consensus sur la redirection de l’appareil productif. Les échanges ont mis en avant la nécessité de promouvoir des pôles de croissance alternatifs, depuis l’agro-industrie responsable jusqu’aux services numériques, en passant par la valorisation durable du bois et des minerais critiques. Les experts conviés ont martelé qu’une diversification réussie suppose l’appropriation locale des chaînes de valeur, afin que les flux d’investissement irriguent les jeunes talents autochtones plutôt que de filer vers les places financières étrangères.
Entre impératif écologique et réalités budgétaires
« Le monde bifurque vers des énergies bas carbone ; nous devons anticiper avant que le marché ne nous y contraigne », a plaidé Christian Mounzeo, coordonnateur national du RPDH. Le diagnostic élaboré par son équipe confirme qu’une baisse structurelle de la demande pétrolière mondiale pourrait réduire les recettes publiques de plusieurs points de PIB si rien n’est fait. Or, dans le même temps, les projections gouvernementales tablent toujours sur une hausse des volumes offshore, illustrée par les récents entretiens avec TotalEnergies au sujet des blocs en eau profonde. La tension entre urgence climatique et impératif de financement du budget a constitué le fil rouge des discussions.
Voix de la société civile et cap gouvernemental
La présence de la directrice générale par intérim du développement durable, Rosine Olga Ossombi Mayela, a rappelé que l’exécutif entend demeurer pilote de la transition. Elle a invité les participants à « plus de pragmatisme » dans leurs propositions, soulignant que les initiatives privées gagneraient à s’aligner sur la Stratégie nationale de développement 2022-2026 et sur les engagements climatiques de l’Accord de Paris. Plusieurs représentants de start-ups congolaises ont salué la création d’un ministère dédié à la diversification de l’économie, tout en appelant à des facilités fiscales pour les filières vertes en phase d’amorçage.
Des jalons pour une feuille de route partagée
Au terme de deux journées d’échanges soutenus, les parties prenantes ont convenu d’élaborer une pré-feuille de route commune. Celle-ci entend consolider l’adhésion du gouvernement au projet PapCo, définir des indicateurs de progrès et instaurer un mécanisme de redevabilité public-privé. Parmi les pistes prioritaires figurent l’accélération des zones économiques spéciales, la montée en compétences des jeunes diplômés sur les métiers de l’efficacité énergétique et la promotion d’instruments financiers innovants pour capter les fonds climat. Si aucun calendrier définitif n’a encore été officialisé, l’idée d’un suivi semestriel a fait consensus.
Perspectives : agir avant que le marché ne dicte sa loi
Le Congo demeure le quatrième producteur de pétrole du Golfe de Guinée et pourrait le rester au-delà de 2025. Mais les participants à la table ronde rappellent qu’un statut de rente n’est pas un plan de développement. « Nous avons la fenêtre d’une décennie pour convertir la manne actuelle en investissements d’avenir », synthétise un économiste invité. La transition vers des ressources plus diversifiées, couplée à une gouvernance transparente, apparaît désormais moins comme une option politique que comme une condition de résilience nationale. Les jeunes adultes congolais, déjà tournés vers l’entrepreneuriat numérique et l’économie verte, seront à la fois les principaux acteurs et les premiers bénéficiaires de cette évolution.