Un partenariat bilatéral recentré sur la salubrité urbaine
Le 31 juillet dernier, dans le calme feutré du Sénat à Brazzaville, le maire de Charly, Olivier Araujo, esquissait un projet d’envergure : rapprocher les compétences françaises et congolaises autour de l’assainissement. En insistant sur « une vision commune », l’élu rhodanien réaffirme une volonté partagée d’élever le niveau de salubrité au sein des principales agglomérations du Congo. L’initiative, saluée par le président du Sénat Pierre Ngolo, s’inscrit dans le prolongement des relations de coopération historique entre Paris et Brazzaville, tout en ciblant désormais un enjeu immédiat : la qualité de vie urbaine, corollaire direct de la santé publique et de l’attractivité économique.
Au-delà du symbole diplomatique, le projet répond à un besoin tangible. Selon les services du ministère congolais de l’Environnement, près de la moitié des ménages urbains n’est pas raccordée à un système d’évacuation des eaux usées conforme aux standards internationaux. L’expertise française, forte de plusieurs décennies de gestion intégrée des déchets liquides et solides, offre un catalogue de solutions éprouvées, depuis la cartographie des réseaux jusqu’à la valorisation énergétique des boues d’épuration.
Les enjeux techniques d’une modernisation des services d’assainissement
Les premières discussions laissent entrevoir l’envoi d’ingénieurs-conseils, de formateurs et d’équipements pilotes, notamment des stations de traitement compactes adaptées aux contraintes hydroclimatiques d’Afrique équatoriale. Les municipalités de Pointe-Noire et de Brazzaville pourraient servir de laboratoires à ciel ouvert pour des technologies dites low-carbon, destinées à réduire l’empreinte environnementale tout en rationalisant les coûts de maintenance.
Ce transfert de technologie s’accompagnerait d’un volet académique. Des bourses croisées sont envisagées pour des étudiants congolais en génie sanitaire, afin de garantir la continuité des compétences locales. « Former sur place, c’est sécuriser la pérennité des infrastructures », résume un cadre du ministère de l’Enseignement supérieur, convaincu que la jeunesse urbaine fera la différence dans l’exploitation quotidienne des réseaux.
La décentralisation comme levier de gouvernance locale efficace
L’assainissement, longtemps perçu comme une prérogative centrale, se trouve aujourd’hui au cœur des débats sur la décentralisation. Les récents textes législatifs congolais, qui renforcent les marges de manœuvre financières des collectivités, créent un terrain propice aux partenariats public-privé. Pour Olivier Araujo, « l’efficacité passe par une articulation fine entre élus locaux et acteurs économiques ». Autrement dit, la commune devient l’échelon stratégique pour piloter des projets agiles, calibrés sur les réalités de quartier.
Cette orientation rejoint la dynamique impulsée par le gouvernement, qui encourage la responsabilisation des mairies dans la gestion des services essentiels. En impliquant les populations dès la phase de diagnostic participatif, les autorités espèrent réduire les comportements à risque tels que le rejet sauvage de déchets dans les drains de pluie. L’enjeu, reconnaissent les techniciens, est autant culturel que technique.
Perspectives économiques et sociales pour les jeunes urbains
Une filière d’assainissement efficace nourrit un marché d’emplois qualifiés et semi-qualifiés. La Banque africaine de développement estime qu’un plan national complet pourrait générer, à moyen terme, plus de 10 000 postes, depuis la maintenance des canalisations jusqu’à la gestion des stations de compostage. Ces projections résonnent particulièrement chez les 20-35 ans, dont la quête d’opportunités se heurte souvent à la saturation du secteur tertiaire classique.
Par ailleurs, la valorisation des déchets organiques en biogaz ou en fertilisants ouvre des perspectives entrepreneuriales. Des start-up congolaises, soutenues par des incubateurs locaux, ont déjà entamé un dialogue avec des opérateurs français spécialisés dans l’économie circulaire. Le défi sera de structurer cette nouvelle économie verte sans créer de distorsions sur le marché agricole ni alourdir la facture énergétique des ménages.
In fine, l’alliance Congo-France autour de l’assainissement se distingue par sa portée transversale : elle conjugue santé publique, création de valeur et gouvernance inclusive. Les prochains mois, rythmés par des missions techniques et des ateliers participatifs, diront si cette ambition partagée se traduira par des quartiers enfin délivrés des effluves insalubres et, surtout, par une nouvelle génération de professionnels africains conscients du potentiel économique de la propreté urbaine.