Un Conseil attendu pour refonder le secteur
Quarante et un ans après sa dernière convocation, le Conseil national de la santé s’est à nouveau réuni du 16 au 18 juillet, à un moment où les attentes sociétales se cristallisent autour de l’accès universel aux soins. Dans l’amphithéâtre du ministère de la Santé et de la Population, responsables publics, experts, praticiens et représentants de la société civile ont débattu avec ardeur de la gouvernance sanitaire face aux impératifs de l’Objectif de développement durable 3. Le retour de cette instance, salué comme un signal de maturité institutionnelle, a permis de remettre au centre du jeu la nécessité d’une approche systémique, tant sur le plan normatif que financier.
Financements innovants et équité sanitaire
La question du financement a dominé les échanges, tant elle conditionne la robustesse d’un système de santé. Les participants ont plaidé pour une augmentation progressive de la part budgétaire allouée au secteur, mais également pour des mécanismes novateurs : mobilisation de taxes spécifiques, élargissement de la couverture maladie universelle, incitations fiscales pour l’investissement privé. Selon plusieurs économistes de la santé présents, chaque franc investi dans la prévention générerait un retour social significatif, en réduisant le coût des maladies évitables et en améliorant la productivité nationale. La perspective d’un fonds de solidarité, abondé par les industries extractives et les partenaires internationaux, a été évoquée comme levier d’équité, notamment pour les zones rurales.
Ressources humaines : le défi de la relève
Le système congolais compte moins de trois médecins pour dix mille habitants, un ratio en deçà des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé. Les travaux du Conseil ont insisté sur la nécessité d’un plan de formation et de fidélisation des professionnels, en mettant l’accent sur les spécialités prioritaires telles que la santé mentale, la gynécologie obstétricale et la médecine communautaire. Le ministre Jean-Rosaire Ibara, rappelant que « l’équité en santé n’est pas une option, c’est une exigence morale », a promis la création de centres de simulation clinique et la révision du statut des agents afin de rendre l’exercice en périphérie plus attractif. Une collaboration renforcée avec les universités étrangères figure également parmi les pistes explorées pour accélérer le transfert de compétences.
Infrastructures résilientes face aux aléas climatiques
Les récents épisodes d’inondations dans les départements du Nord ont rappelé la vulnérabilité des structures sanitaires aux dérèglements climatiques. Le Conseil recommande la construction d’établissements modulaires capables de fonctionner même en cas de crue, ainsi que la rationalisation de la chaîne logistique du médicament grâce à des plateformes numériques de traçabilité. Des architectes spécialisés ont présenté des prototypes de dispensaires à énergie solaire dont le coût, bien qu’initialement élevé, serait amorti sur dix ans par la réduction des dépenses énergétiques. L’objectif affiché est de garantir la continuité des services essentiels, y compris la vaccination et la prise en charge des urgences, quelles que soient les conditions météorologiques.
Engagement communautaire et secteur privé : synergies à consolider
La démocratisation de la santé passe, selon les participants, par une implication accrue des communautés et un partenariat assumé avec le secteur privé. Associations de jeunes, réseaux de relais communautaires et start-up de télémédecine se sont dits prêts à coproduire des campagnes de prévention ciblant les infections sexuellement transmissibles, les addictions et les maladies non transmissibles. Les cliniques privées, pour leur part, se sont engagées à partager leurs données anonymisées afin d’alimenter les registres épidémiologiques nationaux. Cette stratégie de co-responsabilité vise à décloisonner l’action publique et à tirer parti du dynamisme entrepreneurial qui caractérise la jeunesse congolaise.
Gouvernance et veille stratégique en temps réel
La session a réaffirmé le rôle du Conseil national de la santé comme organe de veille et de proposition, chargé d’éclairer la décision publique par une analyse des meilleures données probantes. Un tableau de bord numérique en open data, alimenté par les districts sanitaires, doit permettre le suivi en temps réel des indicateurs clés : mortalité maternelle, couverture vaccinale, disponibilité des médicaments essentiels. Les experts estiment que cet outil renforcera la redevabilité et réduira les délais de réaction face aux menaces émergentes, qu’il s’agisse d’épidémies ou de crises environnementales.
Perspectives post-Forum : de la recommandation à l’action
En clôturant les travaux, le ministre Jean-Rosaire Ibara a invité l’ensemble des acteurs à « transformer nos ambitions en actions concrètes et efficaces ». Les recommandations issues de la session seront prochainement soumises au gouvernement pour validation, avant d’être déclinées dans les plans d’investissement sectoriels. La réussite de cette réforme dépendra de la capacité collective à maintenir une concertation permanente, à sécuriser les ressources financières annoncées et à mesurer les progrès de façon transparente. Si le calendrier opérationnel reste à préciser, l’élan consensuel observé à Brazzaville laisse entrevoir la possibilité d’un système de santé plus résilient, plus inclusif et mieux adapté aux défis contemporains.