Une querelle épiscopale révélée par des audios
La première semaine d’août 2025, trois enregistrements circulent sur WhatsApp. On y entend Mgr Gelasse Armel Kema, archevêque d’Owando, critiquer vertement Mgr Armand Brice Ibombo, évêque de Ouesso, jusqu’à viser son appartenance ethnique, selon plusieurs prêtres témoins.
Les deux prélats sont pourtant voisins : Owando et Ouesso n’ont que quelques centaines de kilomètres de forêts entre elles. Leur collaboration semblait paisible depuis que Mgr Kema avait assuré l’intérim du siège de Ouesso avant la nomination de Mgr Ibombo.
Pour de nombreux fidèles, la diffusion des audios a brisé l’image d’unité qui entoure traditionnellement la Conférence épiscopale du Congo. « J’ai cru à un montage », confie Diane, 28 ans, animatrice paroissiale, avant d’admettre avoir reconnu la voix des protagonistes.
La réaction rapide du Conseil permanent
Face au tollé, les quatre évêques membres du Conseil permanent publient, le 12 août, un message de contrition collective. Le texte reconnaît la gravité des propos, condamne toute forme de tribalisme et invite les fidèles à demeurer dans la prière.
Cette démarche ne suffit pas. Sur les réseaux, de jeunes laïcs demandent des actes concrets. « Un communiqué, c’est bien, mais les blessures sont profondes », écrit un influenceur catholique très suivi à Brazzaville.
Conscients que la crise dépasse le cercle clérical, les évêques mandatent Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou, archevêque de Brazzaville, pour mener une médiation directe. Son objectif : réunir les deux hommes, obtenir des excuses publiques et restaurer la fraternité.
Le cheminement vers la réconciliation publique
Dimanche 17 août, sur le parvis de la cathédrale Christ-Roi d’Owando, l’archevêque médiateur célèbre la messe devant une nef pleine. À l’homélie, Mgr Kema se lève, rejoint son confrère et demande pardon à voix haute. Les applaudissements couvrent les cloches.
Le lendemain, la scène se répète à Ouesso, en la cathédrale Saint-Pierre-Claver. Cette fois, Mgr Ibombo répond par une accolade suivie d’un « Je te pardonne » qui émeut les fidèles. Plusieurs jeunes filmant la célébration partagent les images, suscitant des milliers de vues.
Dans une brève déclaration à la presse locale, Mgr Ibombo souligne que « le pardon ne gomme pas la mémoire, mais il ouvre un avenir ». Mgr Kema, lui, évoque « la grâce d’un repentir sincère ».
Impact sur les fidèles et la jeunesse
Dans les jours qui suivent, les réseaux paroissiaux se transforment en forums de débats sur le pardon et le vivre-ensemble. Des groupes de jeunes organisent des veillées de prière contre le tribalisme à Gamboma, Impfondo et Pointe-Noire.
Pour Grâce, 25 ans, étudiante en communication, la rapidité de la réconciliation constitue « un exemple que la classe politique devrait méditer ». L’idée trouve un écho chez plusieurs observateurs, même si le contexte religieux diffère de la sphère publique.
Des psychologues de l’Université Marien-Ngouabi rappellent que le pardon public possède une valeur thérapeutique collective. Il permet aux communautés de ventiler les émotions et de prévenir la propagation de discours haineux, surtout dans un environnement numérique viral.
Au-delà du pardon, quelles leçons ?
L’affaire rappelle qu’aucune institution n’est à l’abri des dérives technologiques. Un simple téléphone a suffi à enregistrer et diffuser des propos privés. Les formateurs de séminaires envisagent déjà des sessions sur l’éthique numérique pour les futurs prêtres.
Elle montre aussi la force d’un leadership assumé. La médiation épiscopale a privilégié le dialogue interne avant toute sanction canonique, misant sur la responsabilité individuelle plutôt que sur la punition exemplaire.
Enfin, la séquence souligne l’attachement des Congolais aux valeurs de fraternité. Dans un pays jeune, où plus de 60 % de la population a moins de 35 ans, l’Église reste un espace d’influence majeure. Sa capacité à reconnaître ses failles peut inspirer d’autres secteurs.
