Mercato des Congolais de la diaspora : un été animé
Le gong du mercato estival a résonné comme un coup de tonnerre pour les supporters congolais. Entre rumeurs et officialisations, la diaspora a monopolisé l’attention avec des montants inédits et des destinations prestigieuses, confirmant la bonne santé de ses ambassadeurs.
Dans ce concert de signatures, le Racing Club de Strasbourg a longtemps tenu le haut du pavé. Deux de ses pépites, Jérémy Bakwa et Junior Mwanga, ont animé les dernières heures du marché, renvoyant aux clubs formateurs un message de crédibilité.
Pour les observateurs, ces mouvements confirment qu’un joueur issu de la diaspora congolaise peut désormais aspirer à des transferts comparables aux valeurs sûres européennes. « La barrière psychologique des petits montants est tombée », souligne un agent FIFA basé à Paris.
Bakwa à Nottingham Forest : un envol en Premier League
Ailier droit, dribbleur vorace, Bakwa n’aura passé qu’un an en Alsace. Ses statistiques express, un but, trois passes décisives et un penalty provoqué en seulement trois journées, ont convaincu Nottingham Forest d’investir lourd avant même la fermeture du marché.
Le club, septième de Premier League la saison dernière, aurait déboursé 35 millions d’euros pour sécuriser le joueur, selon la presse britannique. Un montant qui place l’ex-strasbourgeois parmi les dix plus grosses ventes de l’histoire de la Ligue 1 récente.
« Forest cherchait un profil capable d’éliminer en un contre un, explique Pierre Sage, recruteur indépendant. Bakwa correspond parfaitement à cette idée d’audace, tout en offrant un volume de courses compatible avec l’intensité anglaise. » La validation médicale a été immédiate.
Un transfert à 35 millions : lecture économique
Derrière le chiffre, se cache la nouvelle stratégie des propriétaires américains de Strasbourg, désireux de valoriser leur académie. En achetant Bakwa pour un peu plus de dix millions en 2023, ils réalisent en douze mois une plus-value de près de 250 %.
Pour Nottingham, la mise est réfléchie. Les recettes TV anglaises couvrent largement les risques, et la revente d’un joueur de 23 ans à l’horizon 2027 reste plausible. « Le business-model exige d’acheter jeune et de valoriser vite », rappelle l’analyste économique Jean-Marc Maro.
Le mouvement profite aussi aux Girondins de Bordeaux, détenteurs d’un pourcentage à la revente, confirmant l’importance des clauses intelligentes. Ce système alimente la chaîne de formation française, tout en ouvrant un pont financier vers les académies congolaises partenaires.
Les droits dérivés, dont les maillots Bakwa, intéressent déjà les communautés africaines du Royaume-Uni. Forest veut exploiter ce créneau pour renforcer sa visibilité sur un continent où la Premier League règne.
Mwanga, prêté à Nantes pour franchir un palier
Moins médiatique, le dossier Mwanga illustre une autre voie. Défenseur central de métier, le joueur formé à Lyon s’est révélé latéral droit sous Patrick Vieira et a disputé quatre matches solides. Nantes est venu chercher cette polyvalence pour sécuriser son couloir défensif.
Le prêt court, sans option d’achat, rappelle que Strasbourg compte encore sur lui. « Une saison avec les Canaris peut lui donner l’expérience manquante avant de revenir titulaire », estime Yvan Durel, consultant Téléfoot. Le joueur, lui, insiste sur la régularité recherchée.
Mwanga sort d’un prêt contrasté au Havre, sauvé du maintien mais ponctué d’un carton rouge. L’intéressé assure avoir « gagné en maturité tactique ». À 21 ans, l’avenir international reste ouvert, Congo-Brazzaville suivant de près son évolution hebdomadaire.
À Nantes, la concurrence avec Centonze promet une émulation saine. Antoine Kombouaré exige des latéraux capables de se projeter. Mwanga, à l’aise balle au pied, devra cependant gagner en puissance aérienne.
Conséquences possibles pour la sélection congolaise
Depuis plusieurs années, la Fédération congolaise mène une politique d’attractivité auprès des binationaux. Les cas Bakwa et Mwanga illustrent cet enjeu. Des discussions informelles auraient déjà été nouées avant la CAN 2025, selon un proche du staff technique.
Un responsable, sous couvert d’anonymat, rappelle que le temps de jeu au plus haut niveau pèse dans la décision. Si Bakwa perce en Premier League, l’argument sportif deviendra incontournable. Mwanga, lui, doit d’abord engranger des minutes régulières à Nantes.
La perspective d’un groupe jeune, emmené par des joueurs exposés à l’intensité européenne, séduit les supporters. « Voir nos compatriotes triompher à l’étranger inspire toute une génération », confie Sita Bemba, fan du club Ajax de Ouenzé, croisé à Brazzaville.
L’effet crossover Ligue 1 – Premier League
Ces deux trajectoires illustrent la porosité croissante entre la Ligue 1 et l’élite anglaise. Bakwa y arrive directement, Mwanga espère convaincre via la Loire. Pour les formateurs congolais, cette dynamique ouvre des passerelles nouvelles, tant sportives qu’économiques.
Le directeur de l’académie de Diata-Talents rappelle qu’en 2010, un seul scout anglais visitait Brazzaville chaque saison. Ils sont aujourd’hui une dizaine. Les performances récentes incitent les recruteurs à miser plus tôt, accélérant la professionnalisation locale des infrastructures.
Reste l’adaptation culturelle, souvent sous-estimée. « Le temps maussade de Nottingham ou la pression de la Beaujoire peuvent perturber les jeunes », prévient la psychologue du sport Clarisse Okemba. Le suivi mental devient donc un atout concurrentiel pour les clubs.
