Sous le soleil de Martil, un sable stratégique
Martil, station balnéaire marocaine désormais familière aux passionnés de volley sur sable, sert depuis quelques jours de théâtre à une bataille sportive où chaque grains de silice pèse dans le classement continental. Dans cette arène informelle, la température dépasse souvent les trente degrés, ce qui accentue la résistance physique requise pour rivaliser. Les délégations accréditées par la Confédération africaine de volley-ball côtoient un public bigarré, composé d’amateurs locaux et de scouts internationaux en quête de révélations avant le Mondial 2025 programmé en Australie. Dans cet environnement vibrant, la sélection béninoise, surnommée les Guépards, a trouvé l’espace idéal pour exprimer une ambition qui ne cesse de croître depuis cinq saisons.
Le sable fin est aussi une métaphore : mouvant pour ceux qui s’y laissent surprendre, ferme pour ceux qui l’embrassent avec méthode. Les Guépards, mieux préparés qu’au cycle précédent, semblent avoir apprivoisé l’instabilité inhérente à la surface. Selon un technicien ivoirien rencontré en marge de la compétition, « l’équipe est passée d’un jeu instinctif à un projet de jeu où chaque service cible une zone précise, ralentissant la relance adverse et amplifiant la pression mentale. » Cette mutation stratégique commence à produire des résultats tangibles.
La paire Daouda–Tobby, moteur de la dynamique béninoise
Déjà auteurs d’une victoire convaincante contre l’Égypte, Yacoubou Daouda et Tohouegnon Tobby ont récidivé face au Ghana en s’imposant 25-23, 21-18. Derrière ces chiffres se cache une double lecture : la capacité à démarrer fort, puis à verrouiller la fin de set, signe d’une gestion émotionnelle qui faisait parfois défaut par le passé. L’entraîneur national Jawal Tabe insiste sur la constance de la paire : « Pour rivaliser à ce niveau, il faut réduire la marge d’erreur à moins de trois fautes directes par set, or nos joueurs y sont parvenus. »
Au-delà des statistiques, l’alchimie humaine retient l’attention. Daouda, ancien réceptionneur en salle, apporte une lecture de trajectoire fine, tandis que Tobby, plus explosif, capitalise sur des impulsions courtes pour clore les points à proximité du filet. Leur complicité s’est forgée dans les tournois locaux de Cotonou, puis consolidée lors de stages à Dakar. Désormais, chacun anticipe le positionnement de l’autre, un avantage décisif sur un terrain réduit à seize mètres carrés par camp.
L’équation de la qualification et les résonances continentales
Le format du Championnat d’Afrique laisse peu de place au relâchement : seule la première paire de chaque groupe accède aux quarts sans passer par un barrage supplémentaire. Avec deux succès et zéro set concédé, le Bénin dispose d’un confortable différentiel mais doit encore valider son ticket contre le Burundi, adversaire réputé accrocheur. Au-delà de l’enjeu immédiat, la compétition sert de passerelle vers l’Australie 2025, où le continent africain ne bénéficiera que de trois places, contingence qui intensifie la rivalité entre nations émergentes.
Sur le plan géopolitique sportif, la montée en puissance béninoise bouscule le classique triptyque Égypte-Maroc-Afrique du Sud. Certains observateurs y voient la preuve de la diffusion des savoir-faire techniques au-delà des pôles fédéraux historiques. Le sociologue congolais Jean-Karel Ladouce note que « l’irruption d’équipes d’Afrique de l’Ouest dans le dernier carré rebat les cartes du leadership, pérennisant l’idée d’un sport moins polarisé et donc plus attractif ». Cette redistribution pourrait catalyser des investissements nouveaux dans les pays limitrophes, soucieux de ne pas rester à quai.
Échos brazzavillois et aspirations régionales
Au Congo-Brazzaville, la performance béninoise suscite un intérêt particulier. La Fédération congolaise, qui a récemment inauguré un terrain homologué sur les berges du fleuve, voit dans cette épopée la confirmation qu’une progression rapide reste envisageable pour peu que soient réunis encadrement technique et cycles compétitifs réguliers. Plusieurs clubs universitaires de Brazzaville ont d’ailleurs prévu de visionner les matches décisifs afin de décortiquer le jeu de serve-bloc instauré par Daouda et Tobby.
Dans les couloirs du ministère des Sports, on souligne le rôle catalyseur de ces parcours réussis pour la jeunesse. Un conseiller confie que « l’exemple béninois rappelle aux étudiants athlètes que la discipline, même jeune sur le continent, peut offrir une vitrine internationale. À nous d’entretenir cet élan par des compétitions régionales mieux dotées ». Le message est clair : s’inspirer d’un voisin immédiat pour consolider un écosystème sportif qui épouse les aspirations de la génération 20-35 ans.
Perspectives d’Australie et héritage sur la plage
À Martil, les Guépards n’ont pas seulement remporté des matches ; ils ont, selon leurs propres mots, « gagné la conviction que rien n’est irréaliste ». Si la qualification pour Sydney se dessine, elle sera l’aboutissement d’un projet amorcé dans l’anonymat des plages béninoises. Les retombées iraient au-delà d’une participation : émergence d’une filière touristique autour d’événements sportifs, création d’emplois indirects, mais aussi démocratisation d’une pratique qui conjugue bien-être et compétitivité.
Dans l’immédiat, la vigilance reste de mise. Un excès de confiance face au Burundi serait rédhibitoire. Néanmoins, quelle que soit l’issue, le Bénin aura déjà inscrit son empreinte dans la mémoire collective africaine et rappelé que, sur le sable comme sur l’asphalte, la ténacité réécrit souvent la hiérarchie. À l’heure où la jeunesse congolaise scrute de nouveaux horizons, cette saga constitue un repère, voire un appel discret : oser se lancer peut déplacer les frontières les plus compactes, même celles d’un terrain de seize mètres sur huit.