La BVMAC sous les projecteurs régionaux
Depuis plusieurs mois, la Bourse des valeurs mobilières d’Afrique centrale attisait la curiosité des analystes qui guettaient l’arrivée d’un acteur de poids. C’est désormais chose faite : le conglomérat financier BGFIBank, né au Gabon mais solidement implanté dans l’ensemble de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, officialise son entrée en Bourse le 15 juillet prochain. Ce mouvement stratégique, confirmé à Libreville lors d’une assemblée générale extraordinaire, traduit la volonté du groupe de consolider sa position de locomotive bancaire régionale tout en diversifiant ses sources de financement.
Observateurs et investisseurs y voient le signe d’une maturation progressive du marché boursier sous-régional. À la faveur d’une gouvernance désormais unifiée à Douala, la BVMAC multiplie les réformes destinées à rendre les transactions plus fluides. L’arrivée d’un établissement dont le total bilan excède 5 000 milliards de francs CFA confère à la Place un surcroît de crédibilité, susceptible d’attirer d’autres entreprises majeures du bassin congolais et au-delà.
Une augmentation de capital pensée pour l’innovation
L’opération d’introduction s’articulera autour d’une levée de 15,7 milliards de francs CFA, somme que la direction destine en priorité au financement du « Projet d’entreprise 2026-2030 ». Selon Huguette Oyini, directrice générale adjointe du groupe, « il s’agit d’une étape normale après avoir stabilisé nos fondamentaux ». Dans le détail, les fonds frais serviront à accélérer la transformation digitale, à renforcer les départements de financement des PME et à poursuivre l’expansion géographique, notamment dans les corridors commerciaux reliant Pointe-Noire, Libreville et Douala.
Pour nombre de jeunes adultes congolais, cette augmentation de capital représente une opportunité d’acquérir des titres d’un établissement reconnu pour sa rentabilité. Le résultat net consolidé de 122 milliards de francs CFA en 2024, soit une progression annuelle de 27 %, atteste d’une capacité bénéficiaire soutenue. Les experts estiment que la valorisation proposée tiendra compte de la croissance organique et des perspectives de crédit dans des économies encore sous-bancarisées mais à fort potentiel démographique.
Gouvernance clarifiée, confiance renforcée
Le passage en Bourse a contraint BGFIBank à dissocier les fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général, jusqu’ici cumulées. Cette réorganisation répond aux standards de bonne gouvernance recommandés par la Commission bancaire de l’Afrique centrale et rassure les agences de notation sur la fluidité des processus décisionnels. Désormais, le président se concentrera sur les orientations stratégiques de long terme tandis que la direction générale pilotera l’exécution opérationnelle.
Pour les actionnaires potentiels, ce découplage est perçu comme un gage de transparence. Il devrait fluidifier la communication financière trimestrielle et éviter tout conflit d’intérêts, des exigences devenues incontournables dans un contexte où les milléniaux congolais exigent plus de redevabilité de la part des grandes entreprises.
Quels atouts pour les jeunes épargnants congolais ?
Dans les quartiers dynamiques de Brazzaville et de Pointe-Noire, une génération férue de fintech s’interroge : le ticket d’entrée sera-t-il abordable ? Les premières estimations évoquent un prix par action conçu pour attirer, entre autres, les investisseurs individuels de la sous-région. Les campagnes d’éducation financière, déjà soutenues par la Commission de surveillance du marché financier, devraient être intensifiées afin d’expliquer aux jeunes actifs la différence entre dépôt à vue et placement actionnarial.
L’autre attrait réside dans la politique de dividende du groupe. En 2024, le taux de distribution approchait 40 % du résultat net, un ratio supérieur à la moyenne continentale. Dans une conjoncture où les rendements des comptes d’épargne demeurent modestes, posséder des actions BGFIBank pourrait constituer une alternative séduisante pour ceux qui souhaitent diversifier leurs portefeuilles au-delà de l’immobilier ou du commerce en ligne.
Un levier de compétitivité pour l’ensemble de la CEMAC
Plus qu’une opération isolée, l’introduction de BGFIBank intervient alors que les États membres de la CEMAC accélèrent le déploiement de l’Acte additionnel créant un marché financier unique. La rationalisation des infrastructures de règlement-livraison et la mise en commun des systèmes de cotation visent à réduire les coûts de transaction, à l’avantage des PME technologiques de Brazzaville ou d’Owando en quête de capitaux.
Sur le plan macroéconomique, l’afflux de nouveaux investisseurs institutionnels, notamment des fonds panafricains, pourrait consolider les réserves de change de la sous-région et soutenir la stabilité du franc CFA. À court terme, la banque centrale y voit un mécanisme de transmission de la politique monétaire plus efficace : la réactivité des cours boursiers offrirait un baromètre supplémentaire pour jauger la confiance des agents économiques.
Regards croisés d’experts et de clients
Pour Sylvain Obambi, analyste indépendant basé à Brazzaville, « la réussite de cette introduction constituera un test grandeur nature de l’appétit boursier sous-régional ». Il rappelle toutefois que la profondeur actuelle du marché reste limitée, d’où l’importance d’une communication permanente afin d’éviter toute surchauffe spéculative.
Côté clientèle, Grâce Moussavou, entrepreneure de 28 ans dans le e-commerce, confie envisager un placement modeste : « Je préfère un produit bancarisé transparent plutôt qu’un montage obscur. Si BGFIBank maintient la clarté de ses rapports trimestriels, je franchirai le pas. » Son témoignage illustre la quête de sécurité et de visibilité exprimée par une classe moyenne émergente, pleinement consciente des leçons de la précédente décennie marquée par la volatilité des matières premières.
Entre prudence réglementaire et ambition stratégique
À Libreville comme à Brazzaville, les autorités de régulation rappellent que la multiplication des opérations de marché doit s’accompagner d’un encadrement rigoureux. Les exigences de fonds propres, les stress tests macroprudentiels et les audits indépendants figureront donc au premier rang des priorités. Cette prudence n’entrave pas l’ambition stratégique du groupe qui vise, dès 2025, un produit net bancaire de 363 milliards de francs CFA et un portefeuille de crédits de 3 500 milliards.
En définitive, l’entrée de BGFIBank à la BVMAC redessine les contours de la finance régionale. Pour les jeunes adultes congolais, habitués à naviguer entre réseaux sociaux, cryptomonnaies et commerces informels, l’opération offre une fenêtre tangible pour s’approprier les codes d’une économie formelle en pleine mutation. L’envolée des chiffres devra toutefois s’accompagner d’une pédagogie continue afin que l’engouement boursier se transforme durablement en prospérité partagée.
