Retour attendu des Diables rouges à Brazzaville
Dix mois se sont écoulés depuis que les tribunes du stade Alphonse-Massemba-Débat ont vibré pour les Diables rouges. Le retour de la sélection, programmé le 5 septembre face à la Tanzanie, marque un nouvel épisode d’espoir pour un public resté longtemps sur sa faim durant la trêve interminable.
Cette rencontre s’inscrit dans la course aux billets africains pour la Coupe du monde 2026, même si, avec cinq défaites au compteur, la sélection congolaise n’entretient plus d’illusions mathématiques. L’enjeu principal devient donc la reconstruction d’un groupe soudé capable d’aborder sereinement la prochaine campagne continentale dès l’an prochain.
Un boycott qui interroge la diaspora sportive
Le limogeage d’Isaac Ngata à l’issue des éliminatoires de la CAN a laissé un vide comblé provisoirement par l’Italien Fabrizio Cesana, promu depuis les moins de dix-sept ans. Sa nomination tardive, confirmée fin août, a réduit la fenêtre de préparation à une poignée de jours à Brazzaville seulement.
Cesana a d’abord transmis ses convocations aux cadres évoluant en Europe et au Maghreb. La réponse, quasi unanime, fut un refus poli. Les joueurs concernés, menés par l’ancien Havrais Fred Dembi, estiment que leur arrivée précipitée mettrait en péril leur relation contractuelle avec leurs clubs respectifs et fragiles.
Selon les échanges internes consultés par notre rédaction, les invitations officielles ont été envoyées le 29 août, soit quatre jours après le délai recommandé par la FIFA. Ce décalage, attribué à des problèmes de transmission numérique, alimente un malaise récurrent autour de la planification fédérale depuis des années.
Clubs, fédération et ministère face à la logistique
Du côté des clubs, la position reste compréhensible. Plusieurs championnats européens reprennent à peine et chaque absence non prévue représente un risque sportif et financier. « Nous tenons à soutenir la sélection, mais la logistique doit être claire », insiste un dirigeant d’Oud-Heverlee Louvain ayant requis l’anonymat depuis Bruxelles hier.
Les problèmes d’organisation ne datent pas d’hier. En 2021, des retards de visas avaient déjà forcé l’équipe à déclarer forfait face au Bénin. Les supporters s’interrogent donc sur la persistance de ces couacs alors que plusieurs fédérations voisines ont modernisé leurs circuits administratifs et médicaux depuis cette époque.
Le ministère des Sports assure pourtant avoir accéléré la cadence. D’importants travaux de rénovation ont été menés dans les vestiaires et les salles de soins du stade, tandis qu’un système de réservation de billets en ligne vient d’être testé. Les officiels parlent d’une transition désormais irréversible vers 2024.
« Nous ne pouvons plus fonctionner comme il y a dix ans. Les joueurs expatriés doivent sentir que tout est prêt avant leur arrivée », souligne Barthélémy Okou, directeur des sports de haut niveau. Il promet un calendrier de convocation fixé « au moins trente jours à l’avance » dès la saison.
Une chance pour les talents locaux et l’économie
Le boycott offre néanmoins une fenêtre à de jeunes éléments locaux issus du championnat national. Pour l’attaquant de l’AS Otohô Junior Banzouzi, « c’est l’occasion de prouver que le talent domestique existe ». L’effectif actuel compte seize joueurs de Ligue 1 congolaise, un record sur la dernière décennie en date.
Dans les rues de Poto-Poto, les supporters partagent entre doute et optimisme. Certains regrettent l’absence des stars comme Chancel Massa, d’autres saluent la chance donnée aux clubs de proximité. Beaucoup soulignent que l’unité nationale se construit aussi dans l’adversité et appellent à un soutien sans conditions durable partout.
Le débat dépasse le rectangle vert. Un international performant peut valoriser le championnat local en attirant des recruteurs et des sponsors. Selon le cabinet Deloitte Afrique, chaque participation congolaise à une phase finale majore de 12 % les revenus marchands des clubs, un impact loin d’être négligeable financier.
Réformes et perspectives régionales pour 2026
La Fécofoot travaille actuellement à la digitalisation complète des convocations, du suivi médical et des primes. Un partenariat avec une start-up congolaise de fintech doit simplifier les virements et réduire les retards de paiement. Les dirigeants espèrent que ces avancées apaiseront les relations avec la diaspora sportive bientôt.
Pour le journaliste sportif Roland Obambi, l’impasse actuelle reflète un changement de génération : « Les joueurs formés dans les académies européennes sont habitués à des standards précis. Il faut inventer un modèle hybride, respectueux des contraintes budgétaires nationales et des exigences modernes de performance. » pour aller de l’avant.
Le Sénégal, le Maroc ou encore la Côte d’Ivoire ont tous franchi ce cap en instaurant des chartes claires entre fédération et professionnels. Des séminaires d’échanges Sud-Sud sont annoncés pour octobre afin d’identifier les meilleures pratiques et adapter une feuille de route applicable au contexte congolais dynamique future.
En attendant, le stade Alphonse-Massemba-Débat se prépare à accueillir une équipe rajeunie, déterminée à bousculer la hiérarchie. Un résultat positif contre la Tanzanie n’effacerait pas tous les doutes, mais il offrirait la preuve que dialogue et bonne volonté peuvent encore transformer le football congolais dans les années futures.
