Brazzaville se mobilise pour la carte ID
Dans les ruelles animées de Makélékélé, les tee-shirts verts de l’Association Le Congo Ma Passion d’Afrique Centrale attirent les regards. Depuis jeudi, ces bénévoles frappent aux portes pour rappeler un message simple : la carte d’identité est un droit.
Sous la houlette de sa présidente, la dynamique Gaëtane Princesse Mouangassa, l’ONG lance la première vague d’une campagne baptisée « Ta carte est un droit », pensée pour toucher 1 500 habitants des quartiers Diata et Château d’Eau.
La carte nationale, sésame citoyen
Au Congo, ce document reste indispensable pour l’accès aux examens, aux concours et aux guichets bancaires. Sans lui, impossible aussi de récupérer un colis ou de faire une démarche administrative, rappellent les agents postés devant l’école Massamba-Débat.
Mme Mouangassa note que la carte constitue également une preuve d’existence civile, gage de protection sociale. « Chaque Congolais mérite d’être reconnu, peu importe son quartier. Avec ce rectangle plastifié, on ouvre les portes de la citoyenneté », insiste-t-elle.
Une campagne de proximité 100% terrain
Dès l’aube, les mobilisateurs quadrillent les venelles sablonneuses, munis de fiches d’information et d’un mégaphone prêté par le comité de quartier. Ils expliquent les pièces requises : acte de naissance ou duplicata et une photo d’identité récente.
Le commissariat de Diata, point d’enrôlement, prolonge ses horaires pour absorber l’affluence. « Nous restons jusqu’à la tombée de la nuit afin que personne ne reparte bredouille », confie un officier, visiblement satisfait de l’engouement.
Makélékélé, une circonscription test
Choisir le sud-de-Brazzaville n’a rien d’anodin. Makélékélé abrite une population jeune, souvent sans papiers officiels. Tester l’opération ici permet de peaufiner le dispositif avant un déploiement plus large dans les huit autres arrondissements.
Les comités locaux de la jeunesse, les chefs de rue et même certains footballeurs du quartier prêtent main-forte. Ils relaient l’information sur WhatsApp et TikTok, médias prisés par les 16-35 ans, cœur de cible de la campagne.
Objectif 1 500 enrôlés avant décembre
Selon les premières fiches de suivi, un millier de personnes se sont déjà rendues au guichet en trois jours. L’association espère franchir la barre symbolique des 1 500 avant la fin du mois, malgré les fortes pluies saisonnières.
Pour tenir la cadence, trente nouveaux volontaires seront formés cette semaine à la prise de données et à l’accueil. « Nous ne voulons pas de files d’attente interminables. L’expérience citoyenne doit rester positive », souligne la coordinatrice terrain, Irène Mabika.
Jeunes et femmes au cœur de l’opération
Parmi les inscrits, près de 60 % ont entre 18 et 30 ans, et deux tiers sont des femmes. Beaucoup n’avaient jamais entamé la procédure, dissuadées par les frais de transport ou la peur de démarches complexes.
Alvine, vendeuse de beignets à Château d’Eau, raconte avoir raté l’an dernier une formation faute de carte. « Cette fois, je ne laisserai pas passer ma chance », sourit-elle, brandissant son récépissé fraîchement délivré par le commissariat.
Gratuité : un argument qui fait mouche
L’opération bénéficie du programme étatique de gratuité des cartes lancé plus tôt cette année. Pour beaucoup de familles, économiser les 7 000 francs CFA habituels représente un soulagement non négligeable dans un contexte d’inflation persistante.
« C’est un vrai coup de pouce », commente le chef de secteur N’Dinga, venu saluer l’équipe. Selon lui, l’initiative atténue les inégalités et montre que l’administration peut se rapprocher concrètement des populations, au-delà des discours.
Vers un scrutin 2026 plus inclusif
À moins de trois ans de la présidentielle, posséder une carte d’identité devient stratégique. Mme Mouangassa rappelle que seul ce document ouvre l’accès aux listes électorales. L’association veut donc contribuer à un scrutin 2026 représentatif et apaisé.
Le ministère de l’Intérieur a d’ailleurs salué l’engagement de la société civile, précisant dans un communiqué que de telles actions complètent la campagne institutionnelle déjà en cours. Un partenariat public-associatif pourrait se dessiner pour les étapes futures.
Des témoignages qui motivent
Dans la cour poussiéreuse de l’école, Léonne Mpoui, 19 ans, agite fièrement sa nouvelle carte laminée. « Je voterai pour la première fois », lance-t-elle, entraînant un tonnerre d’applaudissements des voisins alignés derrière elle.
Plus loin, un retraité confie qu’il pourra désormais toucher sa pension sans dépendre d’un proche. Ces récits authentiques, relayés en story Instagram, créent un effet boule de neige et incitent les hésitants à franchir le pas.
Prochaines étapes pour l’Acmcap
Une fois l’objectif atteint, l’association projette d’installer un stand fixe devant le marché Total afin de poursuivre l’enrôlement. Des discussions sont en cours pour intégrer le commissariat mobile du district dans les zones périphériques moins couvertes.
Parallèlement, des ateliers d’alphabétisation aux formulaires d’état civil seront menés avec le soutien de partenaires privés. « Nous voulons un accompagnement complet », conclut Mme Mouangassa, espérant que l’élan citoyen observé à Makélékélé devienne un modèle national.
Un buzz positif sur les réseaux
Sur Facebook, la vidéo du lancement filmée en direct a déjà dépassé 12 000 vues. Les internautes partagent la localisation du commissariat et encouragent la formation de covoiturages pour se rendre ensemble à l’enrôlement.
Snapchat n’est pas en reste : un filtre spécial « Ta carte est un droit » ajoute aux selfies un cadre tricolore et la date limite de l’opération. De quoi transformer un acte administratif en défi viral aux accents de fierté nationale.
