Une soirée parisienne à haute teneur mémorielle
Le 7 juin 2025, l’élégant cercle diplomatique d’un hôtel particulier du 7ᵉ arrondissement de Paris s’est transformé en véritable agora africaine. Autour d’un menu mêlant filet de dorade au moambe revisité et crémant de Normandie, la Maison de la Mémoire Africaine, conduite par l’écrivain-chercheur Marcellin Mounzéo-Ngoyo, a orchestré un dîner-débat consacré à « Brazzaville, la grande capitale oubliée ». La présence du Corps consulaire de Normandie, emmené par son président Jean-Philippe Carpentier, a témoigné du souci d’ancrer les échanges dans un réseau institutionnel capable de convertir les idées en partenariats effectifs.
Dans un protocole alliant chaleur africaine et rigueur française, les interventions des officiels – Emmanuel Brouiller, consul honoraire du Congo à Rouen, et Armand Rémy Balloud-Tabawe, premier conseiller de l’ambassade du Congo en France – ont rappelé la vocation historique de Brazzaville : cité refuge de la France libre, mais surtout capitale d’un Congo tourné vers l’avenir. Les accords de coopération culturelle récemment renouvelés par le gouvernement congolais ont été évoqués comme autant de signaux positifs pour la réhabilitation de ce patrimoine commun.
Brazzaville, pivot géopolitique et économique
Au-delà de la charge symbolique, les convives ont souligné la valeur stratégique de Brazzaville dans la région d’Afrique centrale. Située sur l’un des plus grands corridors fluviaux du continent, la capitale dispose d’atouts logistiques auxquels s’ajoutent les investissements publics dans les infrastructures portuaires et routières. « La mémoire n’est pas un refuge du passé, mais un levier pour bâtir l’avenir », a insisté Mounzéo-Ngoyo, invitant à conjuguer récit historique et projection économique.
La formation d’un hub industriel léger autour du bois, des produits forestiers non ligneux et des services numériques a été identifiée comme un secteur porteur. Les partenariats en cours avec les régions normandes, spécialisés dans l’économie circulaire et l’hydrogène vert, laissent augurer des transferts de savoir-faire profitables. Jean-Philippe Carpentier a proposé, à court terme, une task-force mixte pour piloter la transformation des berges du fleuve en « laboratoire d’innovation climatique ».
La diaspora congolaise, catalyseur d’initiatives
Soulignant l’importance d’une diplomatie économique inclusive, Armand Rémy Balloud-Tabawe a salué la mobilisation d’un réseau diasporique estimé à plus de 160 000 membres en Europe occidentale. « Les échanges Nord-Sud ne peuvent être féconds qu’à travers des passerelles humaines stables », a-t-il déclaré, rappelant que la feuille de route gouvernementale mise à jour en 2024 plaide pour l’implication directe des talents de la diaspora dans les pôles d’innovation de Brazzaville et Pointe-Noire.
L’entrepreneur congolais Brian Huffret Bazebifoua, basé à Lyon, a esquissé un projet d’incubateur bi-continental pour start-up dédiées à la fintech agricole. Patrick Banakissa lui a emboîté le pas en annonçant la création d’un fonds d’impact de cinq millions d’euros destiné aux entreprises dirigées par des jeunes de moins de trente-cinq ans, reflétant la volonté partagée de générer des retombées rapides et tangibles sur l’emploi.
Patrimoine et tourisme urbain, leviers de renaissance
La dimension culturelle a occupé le devant de la scène, portée par les performances du baryton du Vatican Raoul Gamez, de l’artiste franco-congolais Jhey Marini et du rasta Mad Pluma. Ces interludes ont rappelé que la création artistique constitue un langage universel capable de fédérer investisseurs, touristes et populations locales autour d’un même récit. Les convives ont plaidé pour la réhabilitation des villas art déco de Poto-Poto et du mythique quartier Bacongo, inscrivant Brazzaville dans la tendance mondiale du storytelling patrimonial.
Dans le même élan, Emmanuel Brouiller a insisté sur l’intérêt d’un visa touristique simplifié pour les courts séjours culturels, proposition en phase avec les orientations du ministère congolais du Tourisme en matière de promotion des circuits mémoriels. L’idée d’un pass combiné qui relierait les hauts lieux brazzavillois à ceux de Rouen ou du Havre a séduit l’audience, tant elle épouse la logique d’un tourisme de mémoire transcontinental.
Perspectives pour la jeunesse congolaise
En clôture, la table ronde a mis l’accent sur la jeunesse, majorité démographique du Congo. Les programmes nationaux d’entrepreneuriat numérique, impulsés depuis Brazzaville Tech Community, ont été présentés comme des tremplins vers une économie diversifiée. Les intervenants ont salué l’accompagnement des autorités congolaises dont les incubateurs publics ouvrent désormais leurs appels à projets aux créateurs issus de la diaspora.
Le mot de la fin est revenu à Marcellin Mounzéo-Ngoyo : « Nous ne réveillons pas seulement une capitale, nous stimulons une conscience collective prête à innover. » Des propos qui résument l’esprit d’une soirée où la diplomatie culturelle s’est faite alliée du développement durable, et où Brazzaville, loin d’être une capitale oubliée, a démontré sa faculté à redevenir le point de convergence des ambitions congolaises et européennes.
