Un vote sénatorial sans suspense mais porteur d’enjeux
Dans l’hémicycle de la Chambre haute, au cœur de Brazzaville, la ratification du troisième financement de la Banque mondiale a été adoptée à main levée, dans une atmosphère où le sens du devoir républicain a primé sur la rhétorique partisane. D’un montant de 46,3 milliards FCFA, l’appui s’inscrit dans le Financement à l’appui des politiques de développement, un instrument conçu pour aligner décaissements et réformes structurelles. Le président de séance a salué « une opportunité de consolider la stabilité macroéconomique conquise de haute lutte ». Les sénateurs des différentes sensibilités ont rappelé la responsabilité partagée d’orienter l’enveloppe vers les secteurs prioritaires, notamment l’éducation, la santé et l’appui à l’entrepreneuriat des jeunes.
Une manne budgétaire calibrée pour la reprise post-pandémique
La trajectoire macroéconomique congolaise, chahutée par la pandémie et les fluctuations des cours pétroliers, a montré des signaux d’accalmie depuis 2023. L’accord conclu avec la Banque mondiale intervient trois mois après la clôture positive du programme triennal avec le FMI, dont la sixième revue a confirmé l’amélioration du solde budgétaire primaire. Pour les analystes, l’enveloppe approuvée consolide l’arsenal de financement concessionnel, allégeant la charge d’un service de la dette déjà maîtrisé grâce aux efforts de rééchelonnement engagés depuis 2021. Selon le ministère des Finances, la tranche obtenue permettra de sécuriser les besoins de trésorerie sans recourir à des emprunts plus onéreux sur les marchés régionaux.
Le recentrage du PND 2022-2026 : cap sur la jeunesse et la diversification
Juin 2024 a marqué une inflexion stratégique : le Plan national de développement a été réorienté afin de répondre plus directement aux aspirations de la jeunesse, qui représente plus de 60 % de la population. Cette révision met en exergue la transformation numérique, l’agro-industrie et les industries culturelles comme vecteurs d’emplois décents. Le financement de la Banque mondiale devrait catalyser ces ambitions en créant des espaces budgétaires pour des investissements ciblés. Paul Moukala, économiste à l’Université Marien-Ngouabi, relève que « la cohérence entre la politique budgétaire et le capital humain conditionnera la survie d’un tissu productif hors pétrole ».
Gouvernance renforcée et transparence budgétaire
Le Programme d’accélération de la gouvernance institutionnelle, lancé en 2023, constitue la pierre angulaire des réformes attendues par les partenaires techniques. Les autorités ont déjà institué un système intégré de gestion des finances publiques couvrant l’engagement, la liquidation et le paiement des dépenses. À la faveur du nouveau décaissement, plusieurs directions générales des régies financières seront dotées d’outils de traçabilité numérique destinés à réduire les déperditions de ressources. Un conseiller du Trésor confie que « l’évaluation des dépenses sociales deviendra plus fine, ce qui permettra de mieux mesurer l’impact sur les communautés locales ». La Banque mondiale insiste, par ailleurs, sur la nécessité de rapports semestriels accessibles au public, gages de la crédibilité du processus.
Perspectives de croissance inclusive et responsabilité collective
Selon les projections actualisées de la Banque mondiale, la croissance congolaise pourrait atteindre 4 % en 2025, portée par le rebond du secteur non pétrolier et la consolidation de la discipline budgétaire. Les jeunes entrepreneurs, qui multiplient les incubateurs à Pointe-Noire, attendent désormais un accès facilité aux mécanismes de garantie de crédit annoncés dans le budget rectificatif. Si les prévisions demeurent tributaires d’un contexte international volatil, les partenaires techniques soulignent l’effort constant de dialogue entre le gouvernement, le secteur privé et la société civile. Les sénateurs ont conclu leurs travaux en réaffirmant que la réussite du financement dépendra moins du montant que de la mobilisation collective pour transformer chaque franc en valeur ajoutée sociale et économique.