Un calendrier diplomatique millimétré
La silhouette élancée de Thierno-Habib Hann a foulé le tarmac de Maya-Maya au soir du 7 juillet, à l’heure où la chaleur du fleuve se mêle aux dernières lueurs du jour. De la passerelle de l’aéroport jusqu’aux salons du ministère de l’Économie, chaque étape de cette visite a été soigneusement programmée, confirmant la centralité du dossier logement dans l’agenda congolais. Placée sous le haut patronage du Président Denis Sassou Nguesso, la mission s’inscrivait dans une séquence diplomatique amorcée au récent Sommet de la Banque africaine de développement à Nairobi et poursuivie à Brazzaville avec la volonté affichée de muscler la coopération financière.
Le logement abordable, défi urbain de la décennie
Selon les dernières estimations du Centre national des statistiques, plus de 65 % des Brazzavillois de moins de trente-cinq ans vivent encore en habitat informel. Le modèle Shelter Afrique, né de la Charte de Lagos en 1982, consiste à drainer des ressources multilatérales vers des projets intégrant matériaux locaux, efficacité énergétique et loyers plafonnés. « La jeunesse congolaise ne demande qu’à devenir copropriétaire de son futur », a résumé le ministre de l’Urbanisme, Joseph Mboussa, en marge de la table ronde. L’enjeu dépasse la simple construction de murs : il s’agit d’urbaniser sans exclure tout en soutenant une croissance inclusive.
Financer l’espoir : la mécanique des accords
Aujourd’hui capitalisée à hauteur de 300 millions de dollars, Shelter Afrique propose des lignes de crédit libellées en francs CFA et adossées à des garanties souveraines. Les discussions ont porté sur un premier portefeuille de 15 000 unités résidentielles à Kintélé et Ignié. Le directeur général a confirmé la mise en place d’un instrument de dette mêlant obligations vertes et facilités concessionnelles. La partie congolaise, représentée par le ministre du Budget, Ludovic Ngatsé, a souligné la robustesse des finances publiques et la discipline budgétaire récemment saluées par le FMI. Un comité technique conjoint sera installé dès août pour harmoniser les paramètres de décaissement.
Jeunesse congolaise et emploi vert
La dimension socioéconomique du projet a retenu l’attention des associations étudiantes invitées au Palais des Congrès. L’université Marien-Ngouabi estime que chaque tranche de 1 000 logements génère près de 600 emplois directs dans la maçonnerie, la menuiserie ou le génie climatique. En mobilisant des matériaux biosourcés issus de la filière bambou et du recyclage plastique, le programme entend relever simultanément le défi du chômage et celui du changement climatique. « Nous voulons former une génération d’artisans capables de bâtir avec l’intelligence des forêts », a déclaré la professeure Adrienne Mouele, spécialiste en architecture vernaculaire.
Une coopération sud–sud en écho aux priorités continentales
Le cas congolais illustre l’évolution d’une diplomatie du logement qui s’affranchit progressivement des bailleurs traditionnels. Abritant déjà le siège de la Zone de libre-échange continentale, Brazzaville se positionne comme carrefour d’initiatives sud–sud. À travers Shelter Afrique, seize pays actionnaires, allant du Kenya au Zimbabwe, mutualisent leur épargne pour répondre à un besoin évalué à 56 milliards de dollars sur le continent. Les observateurs voient dans cette convergence une déclinaison sectorielle de l’Agenda 2063 de l’Union africaine, et un test grandeur nature pour les outils financiers africains.
Regards d’experts sur la trajectoire future
Les économistes de la Banque des États de l’Afrique centrale estiment que l’impact sur le PIB congolais pourrait atteindre 0,4 point annuel si les chantiers sont lancés dès 2026. D’autres analystes appellent toutefois à renforcer la gouvernance des projets, rappelant l’importance d’études d’impact social et environnemental indépendantes. Interrogé par nos soins, le consultant Alphonse Okemba nuance : « Le succès résidera dans la fluidité du cadastre et la rapidité des raccordements aux réseaux ». Le directeur général de Shelter Afrique, quant à lui, a conclu sa visite par une note optimiste, saluant « l’engagement clair des autorités congolaises à faire du logement un droit effectif ».
Une dynamique appelée à s’inscrire dans la durée
Alors que le cortège officiel quittait le Palais présidentiel au crépuscule du 8 juillet, le sentiment dominant était celui d’un momentum qu’il conviendra de transformer. Les jeunes adultes, principaux bénéficiaires, suivront avec attention la publication du décret d’exonération douanière sur les équipements de construction, annoncée par le Premier ministre Anatole Collinet Makosso. Si la promesse de toits abordables se concrétise, la visite de Thierno-Habib Hann à Brazzaville restera moins un instant diplomatique qu’un jalon dans la marche vers une ville inclusive, respirante et fière de ses couleurs fluviales.
