Un conclave continental aux enjeux stratégiques
En dressant le décor de ses Tours Jumelles, Brazzaville s’est transformée en véritable agora panafricaine. La Commission Culture des Cités et Gouvernements Locaux Unis d’Afrique y tient son premier conclave, accompagné d’un message clair : la culture ne constitue plus un supplément d’âme, mais bien un socle stratégique pour le développement des territoires. Autour de la table, une trentaine de délégations municipales provenant de toutes les régions du continent entendent redéfinir le rôle des politiques culturelles dans l’amélioration des conditions de vie des citoyens africains. L’exercice se veut collégial, méthodique, prospectif.
La culture comme paramètre du développement local
Dans son allocution d’ouverture, le préfet Gilbert Mouanda-Mouanda a rappelé le pari formulé de longue date par les autorités congolaises : intégrer la culture au même rang que l’économie ou l’environnement dans les plans de développement. « Force de cohésion, levier économique, vecteur de paix », a-t-il martelé, soulignant l’objectif de création d’emplois pérennes autour des industries créatives, un secteur déjà évalué à plus de trois pour cent du PIB continental par la Banque africaine de développement. Cette approche transversale place, pour la première fois, le patrimoine immatériel aux côtés des grands indicateurs socio-économiques, et appelle un changement de paradigme parmi les collectivités locales.
Un engagement institutionnel confirmé à Brazzaville
La présence de Madame Fatimétou Abdelmalek, présidente exécutive du bureau de CGLU-Afrique, a conféré à l’événement une dimension politique affirmée. Saluant « la diversité culturelle comme moteur d’unité et de prospérité », elle a insisté sur la nécessité de mutualiser les bonnes pratiques entre villes africaines. De son côté, le député-maire Dieudonné Bantsimba, également président de la Commission Culture, a inscrit les débats dans la dynamique ESG, rappelant que les préoccupations environnementales et l’insertion des jeunes constituent le cœur battant des collectivités. À Brazzaville, l’alignement entre gouvernement central, autorités municipales et réseau continental apparaît comme un modèle de gouvernance partagée, gage de continuité des actions à l’issue du conclave.
Soutien européen et coopération multilatérale
Le chargé d’affaires de l’Union européenne, Augustin Bondo Tshiani, a annoncé la disponibilité de Bruxelles à accompagner la Commission Culture. Ce partenariat, pensé dans la logique des accords de Cotonou révisés, cible le financement d’infrastructures légères, la formation des opérateurs culturels et la mobilité des artistes. L’apport européen se conjugue à celui de la Banque mondiale et de la BAD qui, selon les informations recueillies auprès du ministère congolais des Finances, envisagent d’inscrire la filière culturelle dans leurs prochaines lignes de crédit dédiées aux collectivités. Brazzaville se positionne ainsi comme plaque tournante d’une coopération triangulaire Sud-Sud-Nord.
Prospective : feuille de route vers 2026
Au-delà des discours, les délégations s’attellent à préciser une feuille de route en trois étapes : diagnostic des besoins, définition des mécanismes de financement et évaluation des retombées. Les travaux de groupe aboutiront à la rédaction d’un référentiel commun qui servira de fil conducteur jusqu’à la célébration de la Capitale africaine de la Culture en 2026. Parmi les propositions déjà évoquées figurent la mise en place d’observatoires culturels municipaux, l’indexation budgétaire de la culture à hauteur d’un pour cent des recettes propres, ainsi qu’un passeport créatif africain destiné à faciliter la circulation des œuvres et des professionnels du secteur.
Impact attendu sur la jeunesse congolaise
Pour de nombreux jeunes Brazzavillois, l’événement représente bien plus qu’un simple symposium. Les incubateurs culturels installés ces dernières années à Ouenze et Talangaï espèrent bénéficier d’un effet d’entraînement. Elikia, entrepreneure de 27 ans, y voit « l’occasion de transformer les talents musicaux locaux en entreprises génératrices de valeur ». D’après le ministère de la Jeunesse, près de vingt-cinq mille emplois pourraient être créés à l’échelle nationale si les recommandations sont appliquées. L’articulation entre formation technique, pratiques numériques et entrepreneuriat créatif s’annonce déterminante pour amplifier l’employabilité des 20-35 ans.
Brazzaville, laboratoire de la diplomatie culturelle africaine
À l’issue des trois journées, la capitale congolaise aura conforté son image de carrefour des dialogues créatifs. Après avoir accueilli les Jeux africains de la jeunesse et le Forum panafricain de la musique, elle s’offre un nouveau rendez-vous qui conforte sa réputation internationale. Dans le hall du Hilton, un délégué sénégalais résume l’atmosphère : « Brazzaville prouve qu’une ville peut écrire son avenir en misant sur le génie artistique de ses habitants ». Cette ambition rejoint la vision défendue par le président Denis Sassou Nguesso, pour qui la culture représente « l’âme vivante du développement national ». En définissant des indicateurs mesurables, la Commission Culture des CGLU-Afrique inscrit désormais cette conviction dans les tableaux de bord des collectivités. À moyen terme, le rendez-vous brazzavillois pourrait devenir la matrice d’une diplomatie culturelle africaine capable de fédérer, d’innover et de rayonner au-delà des frontières.