Évasion nocturne à Bacongo
Dimanche 12 octobre vers 21 h 30, un silence inhabituel a enveloppé le commissariat d’arrondissement 2, Tâ Ngoma, à deux pas de La Case de Gaulle. Une coupure soudaine d’électricité a plongé les cellules dans l’obscurité quasi totale.
Profitant du noir, six détenus sous mandat de dépôt ont scié des barreaux et quitté l’enceinte avant que la relève ne s’en aperçoive. Les agents de garde affirment avoir réagi en moins de cinq minutes, mais les fugitifs restaient introuvables.
Selon une source policière, l’opération aurait bénéficié de l’aide logistique de codétenus restés sur place. Aucun blessé n’a été signalé, et les locaux n’ont subi que des dégâts minimes, limités à la fenêtre brisée.
Une enquête interne a été ouverte pour déterminer le niveau de complicité éventuelle et la provenance de l’outil utilisé. Des patrouilles renforcées sillonnent depuis les quartiers sud de la capitale à la recherche des évadés.
Un commissariat sous pression
Le commissariat de Tâ Ngoma accueille aujourd’hui près de 80 personnes, soit le double de sa capacité. Comme d’autres structures urbaines, il sert de lieu de détention provisoire en attendant les décisions de justice ou le transfert en maison d’arrêt.
Les policiers reconnaissent que ces locaux, initialement conçus pour de courtes gardes à vue, n’offrent pas les conditions d’une détention prolongée. Manque d’espaces ventilés, lits insuffisants et coupures d’eau intermittentes compliquent la gestion quotidienne.
Un brigadier confie que des rondes fréquentes, des visites médicales bénévoles et des caméras récentes limitent la violence interne. L’objectif, insiste-t-il, est de préserver la dignité tout en sécurisant les lieux.
Les associations de défense des droits humains saluent ces efforts, mais rappellent que la surcharge reste la cause principale de tensions. Elles plaident pour une coordination accrue entre la police et l’administration pénitentiaire afin d’alléger les cellules.
La surpopulation carcérale en chiffres
D’après les statistiques de la direction générale de la police, environ 500 personnes sous mandat de dépôt se trouvent aujourd’hui dans les commissariats de Brazzaville, et 250 autres dans ceux des chefs-lieux départementaux.
Les maisons d’arrêt, elles, affichent un taux d’occupation avoisinant 150 %. Des travaux de réhabilitation à Owando et Dolisie ont augmenté le nombre de lits, mais la croissance démographique urbaine fait rapidement disparaître ces gains.
Le juriste Armand Dinkoué souligne que la durée moyenne d’attente avant déferrement peut dépasser trois mois. « Au-delà d’un mois, la détention provisoire devient une réelle charge logistique pour la police », explique-t-il, appelant à des solutions durables.
En 2022, le gouvernement a lancé un programme de suivi numérique des procédures pour accélérer le transfert des dossiers au parquet. Les premiers rapports font état d’une réduction de quatorze jours du délai administratif moyen.
Plans et chantiers du ministère de la Justice
Le ministère dirigé par Ange Aimé Bininga planche sur la construction de trois nouveaux centres pénitentiaires, dont un à Kintélé, financé en partie par un partenariat public-privé. Les études d’impact environnemental sont finalisées et des appels d’offres ont été publiés.
Une ligne budgétaire distincte finance l’électrification solaire des commissariats. Supervisé par l’Agence nationale de l’énergie rurale et urbaine, le projet doit réduire les coupures propices aux évasions et aux interruptions d’interrogatoires.
Le porte-parole du ministère, Serge Mabiala, affirme que « la sûreté publique commence par des infrastructures adaptées ». Il assure que la première pierre du site de Kintélé sera posée avant la fin du semestre en présence des autorités locales.
Des formations continues sur la gestion des détenus sous mandat de dépôt sont aussi programmées pour les policiers. Financées par l’Union africaine de police criminelle, elles abordent la médiation, la santé mentale et la maintenance des équipements de surveillance.
Sécurité urbaine et confiance citoyenne
À Bacongo, commerçants et riverains s’inquiètent d’éventuelles intrusions nocturnes. Néanmoins, la présence d’équipes mixtes police-gendarmerie, visibles depuis lundi matin, rassure les habitants qui reprennent leurs activités sous le regard attentif des forces de l’ordre.
Le sociologue Jonas Makosso note que la circulation rapide d’informations sur WhatsApp peut amplifier la peur ou, au contraire, mobiliser la vigilance collective. « Plus la population est informée, plus elle coopère avec les enquêteurs », insiste-t-il.
Plusieurs témoignages circulent déjà sur la description des évadés. Les autorités demandent de ne pas tenter d’interpellation directe et de composer le 117 en cas de repérage, rappelant la politique nationale de sécurité participative lancée en 2021.
Dans les prochains jours, la préfecture de Brazzaville annoncera des réunions de quartiers pour expliquer les mesures prises. Objectif revendiqué : consolider le lien de confiance indispensable à la réussite des opérations anti-criminalité.
Les comités de veille citoyenne, engagés jusque-là dans l’hygiène publique, envisagent d’étendre leurs missions à la sécurité via une charte à signer avec la mairie.