Septembre s’ouvre sur un marathon sonore à Brazzaville
Onze jours auront suffi pour installer une atmosphère de festival permanent dans la capitale congolaise. Entre le Radisson Blu, le palais des Congrès et son esplanade, chaque lieu s’est mué en salle de légende pour accueillir des artistes capables de fédérer toutes les générations.
La programmation, condensée sur trois week-ends, a rempli hôtels, restaurants et couloirs de l’aéroport Maya-Maya. «Brazzaville vient de montrer qu’elle peut organiser un grand rendez-vous musical à échelle continentale», se réjouit l’animateur radio Cédric Mavoungou, croisé devant la salle des Congrès.
Reddy Amisi, quarante ans de rumba intemporelle
Le 13 septembre, Reddy Amisi a ouvert le bal au Radisson Blu, célébrant ses quatre décennies de carrière. Costume crème, sourire intact, il a enchaîné Mayase, Injustice puis Rendez-vous comme on déroule un carnet de souvenirs communs.
Les fans, du cousin venu de Makélékélé au cadre débarqué de Pointe-Noire, ont chanté chaque refrain sans temps mort. «Je suis là pour prouver que la rumba vieillit bien et que le Congo la porte toujours», a déclaré l’artiste entre deux pas de danse maîtrisés.
Moment fort: Prudence repris en chœur tandis que l’écran géant diffusait des images d’archives de ses débuts avec Viva-La-Musica. Le public a ovationné avant même le dernier accord de Libala, transformant la salle en piste de bal populaire chic.
Elveronne Ndinga illumine la grande salle des Congrès
Une semaine plus tard, le 20 septembre, la self-made diva surnommée «Miss» a pénétré la scène dans une robe dorée à paillettes qui reflétait chaque faisceau lumineux. Sa voix, ample et précise, a immédiatement enveloppé les trois mille spectateurs.
Pionnière de l’Afro kingoli, elle mêle percussions traditionnelles, guitare high-life et arrangements pop. «Je veux que chaque note raconte notre quotidien, nos rues, nos joies», confie-t-elle en coulisses. Le public, debout, a suivi les chorégraphies proposées par ses danseurs.
Le climax est venu avec Sonoko, tube radiophonique de l’année, repris en version acoustique puis en remix trap. La foule, smartphones levés, a tissé un ciel d’écrans qui a tapissé les réseaux dans les minutes suivantes.
Makhalba Malecheck électrise l’esplanade
Le lendemain, 21 septembre en milieu d’après-midi, les basses hip-hop ont pris possession de l’esplanade du palais des Congrès. Makhalba Malecheck, hoodie noir et lunettes fumées, a déboulé sur un beat aux accents coupé-décalé.
Connu pour ses textes engagés, le rappeur a glissé plusieurs extraits inédits de son projet à venir, notamment Leve-toi Mboté, ode à la solidarité urbaine. «Je rappe pour que la rue se sente écoutée», a-t-il lancé, micro pointé vers le public.
La foule compacte a répondu par un immense pogo bon enfant. Sur les bords, des stands de jeunes créateurs vendaient t-shirts et tote bags recyclés, prolongeant l’esprit citoyen que l’artiste revendique depuis ses débuts.
L’OSEB redéfinit la rumba en mode symphonique
Avant que les amplis ne refroidissent, le palais des Congrès a rouvert ses portes à l’Orchestre symphonique des Enfants de Brazzaville, toujours le 21 septembre mais en soirée. Vingt-cinq musiciens de 10 à 16 ans ont pris place sous la baguette du maestro Josias Ngahata.
Premières cordes, premier frisson: l’introduction de Mario, standard d’OK Jazz, a pris des airs de bande originale hollywoodienne. «Notre rêve est de prouver que la rumba se lit aussi en partitions classiques», explique Ngahata, ravi de l’acoustique quasi cathédrale de la salle.
Le medley final, mêlant Azda du Grand Kallé et un clin d’œil à Libala de Reddy Amisi, a levé tout le public. Certains spectateurs ont juré n’avoir jamais entendu une telle fusion entre héritage et modernité dans la capitale.
Brazzaville se positionne comme hub culturel régional
Au-delà des performances, cette série de concerts confirme un dynamisme créatif salué par les professionnels. Les maisons de production locales annoncent déjà de nouvelles signatures tandis que les hôtels enregistrent une hausse d’occupation de 18 % sur la période, selon l’Office du tourisme.
Les artistes étrangers, attirés par l’effervescence, sondent le terrain. Des managers ivoiriens et camerounais, présents incognito, évoquent des tournées croisées dès l’an prochain. «Le calendrier vient de prendre une nouvelle couleur grâce à Brazzaville», souffle un programmateur basé à Abidjan.
Pour le public, la page est déjà tournée vers les prochaines dates. Les stories Instagram témoignent d’une fierté palpable: la capitale a prouvé qu’elle peut offrir, en une semaine, une palette qui va de la rumba originelle au rap le plus contemporain, sans oublier l’audace symphonique.