Brazzaville, épicentre d’une dynamique économique francophone
Le 27 juin, les abords feutrés du Centre international de conférences de Kintélé sont devenus le théâtre d’une effervescence peu commune. À l’orée de la cinquième Rencontre des entreprises francophones, ministres, investisseurs et start-upers ont vu s’ouvrir un espace de partage inédit : la Communauté Afrique France Entrepreneurs, plus volontiers désignée par l’acronyme CAFE. Dans un Congo-Brazzaville où l’ambition gouvernementale encourage la diversification économique, la création d’un tel réseau traduit une volonté de tisser une toile d’échanges qualifiés entre deux sphères entrepreneuriales souvent complémentaires.
Du sommet de Montpellier à une plateforme continentale
L’idée de la CAFE germe en 2021 à Montpellier, lors du sommet Afrique-France consacré à la société civile. Les participants, majoritairement issus de la génération des 20-35 ans, avaient formulé un vœu simple : disposer d’un guichet unique pour accéder au mentorat, au financement patient et aux expertises techniques tricolores. Moins de trois ans plus tard, l’initiative a déjà essaimé à Kinshasa et Douala avant de faire escale à Brazzaville, consolidant ainsi un maillage francophone au service de l’innovation. « Le lancement de cette communauté est un signal de confiance », souligne Guillaume Prévost, chef du service économique de l’ambassade de France au Congo.
Un écosystème de mentorat et de capital patient
À rebours des clubs d’affaires traditionnels centrés sur le networking, la CAFE s’appuie sur la plateforme digitale EuroQuity, opérée par Bpifrance, pour adosser chaque porteur de projet à un binôme de mentors. Les premiers retours d’expérience en République démocratique du Congo montrent qu’une entreprise accompagnée enregistre une croissance moyenne de 25 % de son chiffre d’affaires dès la première année. Ce modèle est fondé sur la mise à disposition de capital patient, c’est-à-dire d’investissements dont l’horizon de retour dépasse cinq ans, offrant aux entrepreneurs le temps d’asseoir leur gouvernance et leur marque.
Ingrid Oramalu Nkounkou, point focal de la communauté au Congo, insiste sur la granularité de l’appui proposé : « Au-delà du financement, nous mettons l’accent sur la structuration juridique, la conformité fiscale et la veille technologique afin que nos jeunes pousses deviennent des PME régionales et, plus tard, des champions panafricains. »
Les secteurs porteurs plébiscités par la nouvelle génération
Selon les données échangées lors de la REF, le commerce bilatéral franco-africain représente 24,5 milliards d’euros, dont près de 11 milliards proviennent de la vente de matériels de transport, de produits agricoles et agroalimentaires vers l’Afrique. Tirant parti de ces flux, la CAFE met l’accent sur quatre filières : transformation agroalimentaire, numérisation des services financiers, agriculture de précision et énergies renouvelables. Ces segments affichent un potentiel élevé de création d’emplois qualifiés, notamment pour les détenteurs de diplômes STEM que forment les universités de Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie.
Le numérique, catalysé par l’arrivée du câble sous-marin 2Africa au large de la capitale économique, offre désormais une bande passante suffisante pour déployer des solutions de commerce électronique. De son côté, l’agro-industrie bénéficie du Programme national de développement (PND 2022-2026) qui réserve des incitations fiscales aux jeunes entreprises investissant dans la transformation post-récolte.
Relève congolaise et diplomatie économique
Parmi les visages de la nouvelle communauté figure Dexter Omono, fondateur d’une start-up de bioplastiques et ancien délégué du Congo au sommet de Montpellier. « Nous voulons démontrer qu’une innovation née à Oyo ou à Mfilou peut répondre aux mêmes standards qu’à Lyon ou à Nantes », confie-t-il, rappelant l’ambition de conquérir, à terme, les linéaires français de la grande distribution.
L’appui des autorités congolaises, soucieuses d’accélérer la diversification au-delà des hydrocarbures, se traduit par la mise à disposition d’espaces de coworking subventionnés et par l’assouplissement de certaines procédures douanières pour les prototypes. Cette diplomatie économique, adossée à l’Agence de promotion des investissements, renforce l’attractivité du pays auprès des incubateurs français, eux-mêmes à la recherche de relais de croissance en Afrique centrale.
Perspectives et enjeux d’une communauté en réseau
Les prochains mois seront décisifs. Une feuille de route prévoit d’intégrer 300 membres actifs d’ici à décembre, puis 1 000 à l’horizon 2026. La réussite passera par la capacité à maintenir un équilibre de gouvernance entre pairs français et africains, tout en mesurant l’impact réel sur l’emploi. Si les indicateurs sont au vert, la CAFE pourrait devenir un prototype d’intégration économique francophone, conciliant soft power, innovation et solidarité intergénérationnelle.
Au-delà des chiffres, l’enthousiasme palpable dans les allées de Kintélé rappelle que l’entrepreneuriat reste avant tout une aventure humaine. En réunissant les forces vives de deux continents, Brazzaville fait, pour un moment, vibrer l’idée que le commerce extérieur peut rimer avec partage, formation et responsabilité écologique. Une partition que les jeunes Congolais, nombreux à rêver d’exportations de valeur ajoutée, entendent désormais jouer à pleine voix.