Intervention musclée dans la nuit
Un grondement de sirènes, puis des gyrophares bleus ont illuminé plusieurs arrondissements de Brazzaville dans la nuit de samedi à dimanche. Les unités mixtes DGSP et Garde républicaine ont lancé une opération coup de poing contre les bandes surnommées « bébés noirs » et « kulunas ».
Selon le commandement, l’intervention s’est concentrée sur Moungali, Talangaï et certains quartiers périphériques où la recrudescence d’agressions à l’arme blanche inquiétait commerçants et usagers des transports en commun. Les patrouilles ont procédé à plusieurs interpellations et à la saisie de machettes, couteaux et substances illicites.
Quartiers soulagés au petit matin
Au lever du jour, les riverains ont découvert des rues inhabituelles: pas de groupes armés à l’angle des échoppes, pas de course-poursuite improvisée. « On a enfin dormi sans le moindre cri », souffle Mireille, coiffeuse à Poto-Poto, le regard encore étonné devant sa boutique intacte.
Dans plusieurs stations de bus, la fréquentation matinale a bondi. Les élèves ont repris les trajets à pied, smartphones visibles, signe d’une confiance retrouvée. « Si l’armée reste deux semaines, les jeunes voyous décamperont », estime Papa Nganga, retraité, tout en observant les militaires contrôler un angle de rue.
Comprendre le phénomène kuluna
Le phénomène kuluna s’enracine dans les années 2010. Inspirées de certains gangs de Kinshasa, ces bandes à la hiérarchie floue recrutent parmi les adolescents déscolarisés. Leur organisation repose sur le territoire: un carrefour devient fief, un nom de rue se transforme en identité de clan.
Les « bébés noirs », version brazzavilloise hyper-mobile, se signalent par des razzias éclairs à l’heure de la fermeture des bars et terrasses. Armés de lames sorties d’outils agricoles, ils visent d’abord les portefeuilles, puis les téléphones, avant de disparaître en enjambées furtives parmi les maisons alignées.
Pauvreté, récidive et cherche d’issue
Derrière le vernis violent se cache souvent une réalité sociale complexe. Beaucoup disent avoir quitté l’école faute de moyens, puis avoir été happés par l’oisiveté des ruelles. Sans diplôme ni formation, l’économie informelle se résume à débrouille, jobs ponctuels et tentation du gain rapide offert par la menace.
Arsène, 22 ans, ancien chef d’équipe interpellé l’an dernier, confie sous réserve d’anonymat qu’il a déjà envisagé la réinsertion. « Quand tu sors, on te demande des attestations que tu n’as pas, alors les gars reviennent vers la machette ». Son témoignage illustre la boucle infernale de la récidive.
Bilan officiel de l’opération
Selon la préfecture de police, plus de soixante arrestations ont été enregistrées durant la seule première nuit, dont une quinzaine de figures identifiées par les services de renseignement. Les auditions se poursuivent afin de déterminer l’implication de chaque suspect dans les vols, rackets ou menaces recensés ces derniers mois.
Le colonel Michel Oba, porte-parole des forces engagées, promet que l’action restera « proportionnée et respectueuse des droits » tout en ciblant les zones rouges. Il rappelle le mot d’ordre présidentiel d’assurer la quiétude des citoyens pour soutenir le dynamisme économique et culturel de la capitale.
Sur le terrain, les agents de la DGSP patrouillent désormais à pied et en moto, créant un maillage serré. Les checkpoints improvisés contrôlent pièces d’identité et bagages. L’atmosphère reste cordiale: les soldats saluent, expliquent la démarche, et invitent même les passants à signaler tout mouvement suspect via WhatsApp officiel.
Mobilisation sociale et réinsertion
Cette coopération civilo-militaire séduit les associations de jeunesse, qui y voient un levier pour relancer le dialogue. Des bénévoles proposent déjà des ateliers de slam et de foot de rue destinés aux adolescents repérés pendant les rondes. Objectif: occuper les soirées, valoriser le talent et couper l’herbe sous le crime.
En parallèle, le ministère des Affaires sociales annonce la réactivation des centres d’apprentissage accéléré. Menuiserie, mécanique, numérique basique: un panel de cours de six mois sera proposé avec l’appui de partenaires privés. Les jeunes arrêtés, mais non poursuivis, pourront y être orientés pour rompre définitivement avec la violence.
Les économistes soulignent toutefois que la sécurité doit s’accompagner d’opportunités durables. Le sociologue Martial Bouity rappelle que « la rue recrute plus vite que les entreprises ». Il plaide pour des microcrédits dédiés aux petits commerces de quartier, afin que la réinsertion devienne un choix viable, pas une contrainte.
L’effet viral sur les réseaux
Pour l’heure, la rue applaudit l’opération. Des vidéos filmées depuis les balcons inondent TikTok et Instagram, cumulant des milliers de vues en quelques heures. Les internautes encouragent les forces de l’ordre par emojis drapeau et tambour, tandis que certains remixent les sirènes sur un beat afro-trap qui cartonne.
Vers une sécurité durable
Reste à savoir si l’embellie tiendra au-delà du coup de filet initial. Les prochains jours seront décisifs: patrouilles maintenues, jugements rapides et formation accélérée pourraient fixer un nouveau cap. En attendant, Brazzaville goûte un rare moment de répit, et l’espoir germe à chaque carrefour apaisé.
Les organisations de la diaspora observent également la mobilisation. Depuis Paris, l’association Espoir Brazza salue « un signal fort pour rassurer les investisseurs et les familles expatriées ». Elle promet de financer des kits scolaires pour les quartiers pacifiés, histoire d’entretenir la dynamique positive.