Mobilisation générale à Brazzaville
Le samedi 1er septembre 2025, alors que la ville s’éveillait, des dizaines de balais et de pelles ont envahi les artères de Brazzaville. Sous l’impulsion du ministère de l’Assainissement urbain, la vaste campagne de curage des collecteurs a repris son souffle.
Cette opération, détaillée dans une circulaire gouvernementale, ambitionne de libérer caniveaux, berges et grands drains avant la grande saison des pluies. Objectif affiché : réduire les risques d’inondations et améliorer l’hygiène urbaine tout en créant une dynamique citoyenne.
Des ONG, des associations de quartiers, des confessions religieuses et de simples riverains ont répondu présent, formant un patchwork de gilets fluorescents et de chasubles colorées. L’image a inondé TikTok et WhatsApp, signe que l’engagement environnemental gagne aussi les réseaux.
Le ministre Juste Désiré Mondelé, à l’origine du coup d’envoi, avait fixé d’imposantes pancartes au-dessus de la Mfoa pour décourager les dépôts sauvages. Deux mois plus tard, habitants et autorités estiment que les messages visuels portent déjà leurs fruits.
Des ONG à l’œuvre sur les points noirs
Sur les berges du collecteur Maduku Tsékélé, les bénévoles de Salubrité sans Frontière et de Congo Propre se sont relayés toute la matinée. Entre la rue Mbochi et l’avenue de France, ils ont extirpé sacs plastiques, herbes et sédiments accumulés.
À Makélékélé et Bacongo, l’ONG Salubrité Hygiène a pris le contrôle du collecteur Zanga-dia-ba-Ngombé. Dans cette zone marquée par de fréquentes montées d’eau, chaque brouette de limon retiré représente un foyer épargné des débordements futurs.
L’avenue de la Tsiémé, à Ouenzé, vibrait au rythme des cantiques de l’Église Liloba. Entre deux refrains, fidèles et prêtres raclaient les parois du caniveau, transformant la corvée en moment de fraternité. Les passants saluaient l’initiative d’un signe complice.
Même les influenceurs locaux ont mouillé la chemise. Sur Instagram, la vidéo de @SisiRide, gants jaunes aux mains, franchissant l’eau stagnante pour hisser un pneu hors du canal, cumulait déjà plusieurs milliers de vues avant la fin de l’après-midi.
Techniciens et engins : la logistique en action
La direction générale de l’Assainissement ne s’est pas contentée d’orienter les foules. Plusieurs chargeurs, camions-bennes et motopompes ont été déployés pour accélérer l’évacuation des déblais, limitant l’impact sur la circulation dans des axes déjà saturés en semaine.
Les hommes de la société Albayrak, prestataire municipal pour les ordures, ont assuré le relais. Un convoi de bennes a tourné sans interruption entre les points de collecte et la décharge de Mpila, réduisant les montagnes de déchets visibles lors des précédentes éditions.
Entre l’avenue des Trois Martyrs et la rue Lénine, les Jeunes Éveillés ont travaillé par segments, encadrés par des techniciens équipés d’appareils de mesure du débit. Ces relevés permettront d’ajuster la fréquence des curages et d’affiner la cartographie des zones critiques.
Pour Roger Christian Itoua, conseiller au ministère, la clé réside dans la continuité. Il rappelle que les opérateurs de pré-collecte « connaissent désormais les dépôts officiels, il suffit qu’ils jouent le jeu et tout le monde y gagne ». Un rappel ferme mais courtois.
Sensibilisation et sanctions : le message passe
Dans le quartier 42, la cheffe Marie-Claire Bouanga ne mâche pas ses mots. Elle avertit quiconque serait tenté de vider un sac d’ordures dans le collecteur de la Mfoa : les contrevenants risqueront des amendes salées et des travaux d’intérêt communautaire.
La responsable de quartier note cependant une amélioration. « Depuis l’installation des pancartes, on compte moitié moins de dépôts clandestins », assure-t-elle. Les voisins, désormais habitués à trier leurs déchets, se passent le mot via les groupes WhatsApp communautaires.
Le ministère multiplie parallèlement les messages radiophoniques en lingala et en kituba pour toucher les publics éloignés d’Internet. Contenus courts, jingles accrocheurs et rappels des sanctions forment la colonne vertébrale d’une campagne qui épouse les codes de la pop culture.
Des partenariats avec des studios de rap émergent déjà. Plusieurs artistes envisagent de glisser des punchlines sur la propreté urbaine dans leurs prochains titres, histoire de transformer le geste écolo en tendance virale et d’enraciner les bons réflexes chez les plus jeunes.
Vers une capitale plus verte et résiliente
Au-delà du curage ponctuel, la ville planche sur une stratégie d’assainissement durable. Elle repose sur la modernisation des stations de pompage, le recouvrement de certains caniveaux et l’introduction de bacs de tri intelligents dans les marchés périphériques.
Le Programme des Nations unies pour les établissements humains accompagne la municipalité pour rechercher des financements verts. Un diagnostic hydrologique sera rendu public d’ici la fin de l’année afin de prioriser les investissements et anticiper les épisodes pluviométriques extrêmes.
Les habitants, conscients des enjeux climatiques, voient aussi un bénéfice économique. Un quartier propre attire commerces, clients et touristes. Dans les bars de Poto-Poto, on confie espérer que la réduction des inondations limitera les fermetures répétées et protégera les petites trésoreries.
À court terme, les acteurs saluent la mobilisation du 1er septembre. « Ce n’est qu’un début », résume Roger Christian Itoua, visiblement satisfait du taux de participation. Les prochains week-ends diront si l’élan populaire se mue en rituel citoyen durable.