Un pilier du CNOSC s’éteint
Le sport congolais vient de perdre l’une de ses voix les plus constantes. Jean-Paul Ngaloua, secrétaire général du Comité national olympique et sportif congolais durant dix-sept ans, est décédé le 10 octobre 2025 au Centre hospitalier universitaire de Brazzaville, plongeant les acteurs en pleine stupeur.
La nouvelle s’est rapidement répandue sur les fils WhatsApp des fédérations, rappelant la place centrale qu’occupait cet homme calme, souvent discret, dont la signature figurait au bas de la plupart des décisions olympiques congolaises depuis 2009.
Pour beaucoup, son bureau au siège du CNOSC était devenu un passage obligé. Entre un mot d’encouragement et une anecdote d’archives, il savait écouter avant d’orienter, offrant un précieux mélange d’expérience administrative et de passion sans faille pour l’idéalisme olympique.
La disparition de Jean-Paul Ngaloua intervient dans une saison déjà marquée par la perte d’autres figures sportives, accentuant chez les supporteurs le sentiment qu’un chapitre entier de la mémoire collective se tourne plus vite qu’ils ne l’avaient redouté.
Une carrière dédiée à l’olympisme
Nommé secrétaire général après le départ de Joseph Mokanda Moramwa, il avait su faire rimer continuité et innovation. Pendant dix-sept années, il a réuni les présidents de fédérations autour d’objectifs partagés, veillant à ce que chaque discipline dispose d’un espace d’expression équitable.
Sa marque de fabrique restait la diplomatie. Dans les couloirs parfois tendus des assemblées, il désamorçait les rivalités à coups d’arguments juridiques précis, puis rappelait le serment olympique, un sourire malicieux au coin des lèvres, comme pour mieux souligner la gravité de l’engagement.
« On peut gagner l’or sans perdre l’honneur », aimait-il rappeler aux athlètes en stage de préparation, selon le témoignage d’un entraîneur de karaté joint samedi matin. Cette petite phrase, devenue quasi proverbiale, résume l’éthique qu’il défendait sur et hors des terrains.
Construire des ponts pour la jeunesse
Parmi ses œuvres les plus saluées figure la création, en décembre 2012, de la Chambre de conciliation et d’arbitrage. Cette instance donnait enfin aux sportifs une justice interne capable de régler différends et suspensions sans passer par les tribunaux classiques, souvent engorgés.
Le secrétaire général y voyait un double avantage : accélérer les décisions pour préserver la carrière des athlètes et former les jeunes juristes sportifs, segment encore méconnu au Congo-Brazzaville. Des cliniciens du droit sportif s’y sont faits la main avant de poursuivre des carrières internationales.
Il répondait ainsi à la préoccupation majeure des fédérations, la précarité des parcours post-compétition. Offrir des débouchés techniques contribuait, selon lui, à stabiliser les talents locaux et à ancrer l’esprit olympique dans la société civile, bien au-delà des Jeux régionaux.
Un parcours au-delà des stades
Avant d’embrasser les dossiers du CNOSC, Jean-Paul Ngaloua avait sillonné les pistes rouges du Stade de la Révolution en tant que directeur. Cette nomination, effective jusqu’en 1977, l’a confronté très tôt aux défis logistiques liés aux grands rendez-vous sportifs organisés à Brazzaville.
Le 23 décembre 1977, il est propulsé directeur des Études, équipements et installations sportives au secrétariat général aux sports. Un rôle exigeant, où il devait planifier les infrastructures, négocier les budgets et superviser la maintenance pour garantir la sécurité des pratiquants.
Cette expertise technique nourrissait ensuite ses arbitrages au sein du mouvement olympique. Lorsqu’une fédération soumettait un projet de salle ou de tatami, il interrogeait la durabilité, l’accessibilité et la capacité d’accueil, convaincu qu’un équipement bien pensé vaut souvent autant qu’un bon entraîneur.
Sa trajectoire a même croisé la gestion urbaine : maire de l’arrondissement de Ouenzé entre 1987 et 1991, il a découvert d’autres urgences, du ramassage des ordures à l’animation des quartiers. Cette immersion municipale renforçait sa vision d’un sport ancré dans la vie quotidienne.
Hommages et héritage durable
Depuis l’annonce de sa disparition, les réseaux sociaux bruissent de souvenirs. Des anciens élèves d’éducation physique se remémorent les conseils reçus, tandis que de jeunes volleyeuses postent une photo de 2019 où il signe leur ballon souvenir, « pour que vous alliez plus haut ».
Le CNOSC prépare une veillée officielle, a confirmé un membre du bureau exécutif. Les fédérations devraient défiler avec leurs couleurs, symbole de l’unité qu’il a patiemment cultivée. Un registre de condoléances numérique sera également ouvert pour la diaspora, très attachée à sa personne.
Les proches insistent surtout sur la discrétion qui le caractérisait. « Il n’a jamais cherché la lumière, mais il éclairait nos projets », résume un ancien collègue. Cette humilité, assez rare aux sommets des organisations sportives, constitue peut-être le legs le plus inspirant.
À l’heure où Brazzaville planifie ses prochains Jeux africains de la jeunesse, son exigence de rigueur et de transmission demeure un repère. Pour le public comme pour les décideurs, le meilleur hommage consistera sans doute à porter plus loin son ambition d’un sport citoyen.