Fluctuation des tarifs : une équation sociale
Sur les grandes artères de Moungali comme sur les quais ombragés de Talangaï, la même rengaine revient : le trajet le plus anodin coûte désormais de deux à quatre fois plus cher qu’il y a trois mois. Si l’on en croit les relevés recueillis auprès d’un échantillon d’usagers âgés de 20 à 35 ans, un aller-retour domicile-travail absorbe parfois plus du quart d’un salaire minimum mensuel. La récente raréfaction du carburant, résolue fin août grâce à un ravitaillement additionnel de la Société nationale des pétroles du Congo, a mécaniquement hissé les tarifs, lesquels demeurent élevés malgré le retour à la normale des approvisionnements.
Régulation institutionnelle et dialogue sectoriel
Au ministère des Transports, l’on se veut rassurant. « Le tarif de référence reste fixé à 150 FCFA par course intra-urbaine », rappelle Ludovic M’Bemba, directeur de la mobilité urbaine. Des contrôles inopinés et des tables rondes avec les syndicats de chauffeurs ont, selon lui, déjà permis de stabiliser certains couloirs majeurs, notamment Makélékélé-Plateau. Les autorités municipales, quant à elles, privilégient la pédagogie en expliquant que tout abus manifeste peut être dénoncé via le numéro vert mis en service en septembre. Reste que la montée soudaine de l’offre privée, favorisée par la liquidation de la Société des transports publics urbains en 2022, réduit la portée coercitive de tout encadrement strict.
Entrepreneurs du volant : contraintes et marges
Assis au volant de son minibus Coaster bleu ciel, Victor Tchicaya justifie la hausse par un « effet ciseau » : flambée du prix du gasoil, pièces détachées importées en devises et taxation para-fiscale plus rigoureuse depuis le déploiement des polices d’assiette. À ses calculs, un plein qu’il payait 24 000 FCFA en avril lui coûte encore 30 500 FCFA aujourd’hui, même après le retour à la normale. « Si je veux payer mon équipage et rembourser mon crédit, je ne peux plus rester à 150 », dit-il. Des économistes de l’Université Marien-Ngouabi confirment que la structure des coûts du transport urbain reste volatile ; ils plaident pour un mécanisme d’indexation transparent adossé aux données du marché pétrolier.
Perspectives d’équilibre pour les usagers
Face à une jeunesse dont le budget mobilité explose, plusieurs pistes sont à l’étude. Le projet de relance partielle de la STPU, déjà budgétisé dans la loi de finances 2024, vise la mise en circulation de cinquante bus hybrides subventionnés. Parallèlement, un dispositif incitatif encourage les coopératives de jeunes conducteurs à mutualiser entretien et achat de carburant sous contrat-cadre, ce qui pourrait, selon la Banque africaine de développement, réduire les tarifs de près de 15 %. En attendant, les citadins jonglent avec les horaires, partagent des courses via des applications locales ou adoptent la marche comme ultime variable d’ajustement. L’équilibre, fragile, dépendra donc de la capacité de l’écosystème public-privé à concilier viabilité économique et pouvoir d’achat, priorité affichée par les autorités congolaises dans leur stratégie de mobilité durable.
