Un engouement francophone inédit à Brazzaville
Sous le ciel moite de la capitale congolaise, la 5ᵉ Rencontre des entrepreneurs francophones (Ref) a fait vibrer les salons du Centre international de conférences de Kintélé. Plus de mille décideurs, venus d’une trentaine de patronats nationaux, ont répondu à l’invitation conjointe d’Unicongo et de l’Alliance des patronats francophones. Cette affluence record consacre Brazzaville comme nouveau carrefour d’une francophonie économique où s’entrelacent ambitions africaines et expertise nord-sud. Dans les allées, start-ups numériques, majors de l’énergie, bailleurs d’impact et incubateurs panafricains ont échangé cartes de visite et promesses de co-investissement, preuve qu’au-delà des discours, les convergences se cherchent et se construisent.
Les attentes présidentielles : cap sur les synergies gagnantes
Ouvrant les travaux, le président Denis Sassou Nguesso a campé le décor : « La francophonie économique ne peut prospérer sans partenariats publics-privés solides et sans ententes actives entre entreprises ». À travers cet appel, le chef de l’État trace une feuille de route où infrastructures, agro-industrie, économie verte et services numériques deviennent autant de terrains de jeu pour investisseurs aguerris et jeunes pousses locales. Son propos, mesuré mais ferme, traduit la volonté de voir les initiatives privées s’imbriquer aux programmes nationaux de diversification, afin de consolider une croissance résiliente face aux chocs exogènes. Loin des slogans, il s’agit, pour le Congo, d’ancrer chaque projet dans les réalités du territoire et dans une logique de chaîne de valeur régionale.
La dynamique de l’Alliance des patronats francophones
« Brazzaville marque un tournant », s’enthousiasme Geoffroy Roux de Bézieux, président de l’Alliance. Trois ans plus tôt, la jeune organisation réunissait quelques dizaines d’acteurs ; la voilà portée par un millier de participants. Ce changement d’échelle illustre la quête de relais de croissance hors des circuits traditionnels et la prise de conscience d’un potentiel africain encore sous-exploité. Les échanges de la Ref reposent sur un dialogue d’égal à égal, où la complémentarité des savoir-faire prime sur la logique donateur-bénéficiaire. À mesure que se multiplient les table-rondes, le narratif d’un marché francophone fluide, de Québec à Kinshasa, gagne en consistance, appuyé par un triptyque : mutualisation des risques, partage d’expertise et co-financement durable.
Atouts congolais : terreau pour investisseurs audacieux
Le choix de tenir la Ref à Brazzaville n’est pas anodin. Michel Djombo, président d’ENI-Congo, rappelle que « le Congo dispose d’atouts majeurs qui font de lui un acteur stratégique ». Ses 5,5 milliards de mètres cubes d’eau douce, son taux d’électrification en progression constante, ses forêts certifiées et ses corridors de transport transfrontaliers esquissent une plateforme logistique naturelle entre Golfe de Guinée et hinterland d’Afrique centrale. La zone économique spéciale de Pointe-Noire, les projets d’hydrogène vert ou encore les incubateurs universitaires de la capitale offrent des points d’entrée concrets pour capitaux étrangers et talents locaux. S’y ajoute un cadre macro-économique stabilisé, porté par des réformes fiscales incitatives et un climat d’affaires que les observateurs considèrent en amélioration continue.
Jeunesse et innovation : fers de lance d’une croissance partagée
Dans les couloirs de la Ref, la moyenne d’âge tranche avec les assemblées patronales d’antan : une nouvelle génération de fondateurs congolais, souvent formés entre Brazzaville, Dakar et Paris, apporte son lot d’applications mobiles dédiées à l’agritech, à la santé communautaire ou à la fintech inclusive. Leur credo : s’appuyer sur la francophonie pour accéder à des marchés élargis sans perdre l’ancrage local. Amanda Mabiala, créatrice de solutions blockchain pour la traçabilité du cacao, confie que « le français demeure un pont pour lever des fonds à Montréal tout en gardant nos producteurs de Sangha au centre de la chaîne ». Ce réalisme entrepreneurial répond à l’ambition politique de retenir les compétences dans le pays, tout en amplifiant la circulation des idées au-delà des frontières linguistiques.
Vers un marché francophone intégré : pistes de concrétisation
En clôture, les participants ont listé plusieurs priorités : accélérer la reconnaissance mutuelle des normes, fluidifier les procédures de visa d’affaires et renforcer les mécanismes de co-garantie bancaire. L’Agence de promotion des investissements du Congo a, pour sa part, annoncé la mise en ligne d’un guichet unique entièrement bilingue destiné aux entrepreneurs de l’espace francophone. Ces avancées, si elles se matérialisent, permettraient de transformer l’élan brazzavillois en résultats mesurables. Car, derrière les discours d’optimisme, subsistent des défis logistiques et la nécessité de financer des infrastructures communicantes. Pourtant, comme le souligne un observateur de l’Organisation internationale de la Francophonie, « la dynamique est lancée : l’Afrique centrale veut désormais être co-auteur de l’agenda francophone plutôt que simple chapitre ».
Cap sur 2025 : la confiance comme moteur
À l’heure où se ferment les carnets de notes, une certitude se dégage : la Ref 2025 aura installé un climat de confiance propice aux partenariats pérennes. Le Congo, en hôte attentif, a démontré sa capacité à fédérer. Les entrepreneurs repartent avec la conviction que Brazzaville n’est pas seulement un point sur la carte, mais un hub de collaboration où l’audace de la jeunesse rencontre la vision stratégique des décideurs. Reste désormais à traduire les memoranda signés en usines, en fermes connectées et en plates-formes numériques. Si le pari est tenu, la francophonie économique pourra, dans un avenir proche, se targuer d’avoir placé l’innovation congolaise au cœur d’une croissance véritablement partagée.
