Une médaille coréenne qui résonne à Brazzaville
Au gymnase de Yongin, dans la banlieue de Séoul, le cri d’enthousiasme d’Edmond Narcisse Gantsie Dzia a fusé samedi. Le président de la Fédération congolaise de hapkido venait d’assurer la troisième place des +83 kg au Championnat international combinant hapkido et taekgyeon.
Devant les délégations américaines et françaises, le Congolais s’est hissé sur le podium, offrant au drapeau vert-jaune-rouge une visibilité rare sur la scène mondiale des arts martiaux. Un bronze précieux qui nourrit déjà l’espoir d’une nouvelle vague sportive parmi la jeunesse brazzavilloise.
Le parcours d’Edmond Narcisse Gantsie Dzia
Avant de soulever la coupe en Corée, Gantsie Dzia avait ouvert la saison par un bronze à l’Open de Moscou le 4 mai. Certains observateurs saluent un itinéraire ascendant bâti patiemment, d’abord comme athlète, ensuite comme dirigeant, toujours animé par la promotion du hapkido national.
Né à Pointe-Noire, formé dans les dojos exigus du quartier Tié-Tié, il témoigne souvent de la discipline apprise en mer du temps où il était marin. Selon lui, la rigueur des gardes de nuit a renforcé l’endurance mentale indispensable aux combats de trois minutes.
Un séminaire stratégique en toile de fond
Le championnat était adossé à un séminaire international portant sur le développement des arts martiaux coréens. Maîtres venus de onze pays ont décortiqué l’évolution des règles, la sécurité des athlètes et l’intégration des nouvelles technologies d’arbitrage vidéo, désormais incontournables pour attirer un public connecté.
La délégation congolaise, composée de trois coaches et d’un arbitre, a pris part à ces tables rondes. Elle a plaidé pour la mutualisation des formations avec la Corée du Sud afin d’améliorer le niveau des instructeurs locaux et d’homologuer les ceintures délivrées à Brazzaville et à Pointe-Noire.
La situation du hapkido au Congo
Au Congo-Brazzaville, le hapkido reste une discipline de niche comparée au football ou au basket. Pourtant, selon les chiffres communiqués par la fédération, le nombre de licences est passé de 600 en 2018 à 1 400 cette année, signe d’un attrait croissant chez les 18-35 ans.
Plusieurs clubs scolaires ont ouvert leurs tatamis, encouragés par un programme ministériel axé sur la diversification sportive. Les coachs y soulignent les bénéfices physiques, mais aussi la confiance en soi et la gestion du stress que la pratique procure, éléments particulièrement recherchés par les étudiants en fin de cycle.
Des partenariats en construction
Profitant de sa présence en Asie, Gantsie Dzia a rencontré des responsables de l’Université Yong In pour négocier un protocole d’échanges. L’idée serait d’envoyer chaque année cinq athlètes congolais en stage intensif en Corée, puis d’accueillir des maîtres coréens lors du tournoi national de Brazzaville.
Contacté par téléphone, le directeur des sports de haut niveau, Arsène Mavoungou, confirme que les discussions avancent. Il précise que des bourses pourraient être co-financées par l’Agence coréenne de coopération internationale, réduisant ainsi le coût pour les familles et valorisant la diplomatie sportive entre les deux pays.
L’ambition d’un label congolais
Au-delà des médailles individuelles, la fédération ambitionne de créer un label « Hapkido Congo » certifiant les instructeurs locaux. Le projet inclut une charte pédagogique, un registre biométrique des grades et la mise en place de compétitions régionales dans les chefs-lieux des douze départements.
Selon la responsable de la commission féminine, Grâce Moukassa, cette démarche garantira une progression standardisée, compatible avec les attentes internationales. « Les filles veulent des repères clairs sur la valeur de leur ceinture, pas seulement une couleur donnée par leur club », insiste-t-elle, évoquant un futur championnat exclusivement féminin.
Des défis financiers persistants
Malgré l’élan actuel, les budgets restent serrés. Les voyages vers l’Europe ou l’Asie coûtent souvent plus cher que les primes de victoire. Les responsables visent donc une diversification des sources, mêlant partenariats privés, billetterie numérique et campagnes de financement participatif portées par la diaspora.
Plusieurs start-up locales, actives dans la finance mobile, explorent déjà le micro-crowdfunding sportif. Selon un rapport interne consulté par notre rédaction, près de 60 % des jeunes connectés déclarent prêts à verser l’équivalent d’un dollar par mois pour soutenir un athlète national reconnu.
Vers les prochaines échéances internationales
La feuille de route fédérale fixe désormais le cap sur le World Hapkido Championship prévu à Istanbul l’an prochain. Gantsie Dzia vise clairement l’or, mais affirme qu’il devra avant tout bâtir un collectif élargi, afin que la délégation congolaise compte au moins quatre catégories engagées.
De retour à Maya-Maya, l’athlète a été accueilli par une poignée de fans, téléphones levés. Une scène modeste, mais qui résume l’évolution d’un sport encore discret et désormais porté par un storyteller charismatique. Reste à transformer l’engouement numérique en soutien durable sur le tatami.
Regards d’experts africains
Pour le technicien camerounais Alain Tchuinte, présent comme juge, la médaille congolaise confirme « l’émancipation de l’Afrique centrale dans les disciplines d’origine coréenne ». Il estime que l’échange d’entraîneurs entre voisins pourrait accélérer la progression régionale.
De son côté, la professeure marocaine Saïda El Haïdi, spécialiste des politiques sportives, voit dans ce résultat la preuve qu’un investissement ciblé peut combler des décennies de retard, à condition que la gouvernance reste transparente et adaptée aux réalités locales.
