Feuille de route financière 2026
Publié le mois dernier, le document de cadrage signé par le Premier ministre Anatole Collinet Makosso trace la voie du budget 2026. Il rappelle le calendrier constitutionnel, définit les enveloppes indicatives et fixe les responsabilités avant la transmission du projet de loi de finances à l’Assemblée nationale.
Le gouvernement y décline dix objectifs phares : réduire les exonérations, optimiser la collecte, surveiller les recettes issues des mines, du pétrole et des forêts, muscler l’investissement public, contenir la dette et diversifier l’économie, tout en perfectionnant la gestion des risques et la programmation pluriannuelle.
Réduire les dépenses, élargir les recettes
Premier chantier : comprimer les dépenses non essentielles. La lettre vise la rationalisation des missions publiques, la mutualisation des achats et la priorisation des projets. Selon un conseiller budgétaire, « chaque franc économisé doit libérer de la marge pour les hôpitaux, les routes et l’éducation ».
Côté recettes, l’exécutif cible une hausse notable grâce à l’extension de l’assiette fiscale. L’imposition minimale sur les revenus bancarisés, la fin des compensations dérogatoires et la fiscalisation progressive du numérique devraient, d’après le ministère des Finances, « garantir une contribution plus équitable de tous les acteurs ».
Ressources naturelles sous haute surveillance
Les ressources naturelles restent le principal poumon budgétaire. Le texte insiste sur la maîtrise des droits relatifs aux contrats miniers, pétroliers et forestiers. Des équipes mixtes Finances-Hydrocarbures devront renforcer le suivi en temps réel des cargaisons et aligner les redevances sur les standards régionaux de transparence.
Pour le géologue Cédric Ngampika, une telle vigilance permettra « d’éviter les fuites de recettes et de financer la diversification après l’or noir ». Son analyse reflète les attentes des jeunes diplômés du secteur extractif, convaincus que de meilleures pratiques ouvriront davantage de stages, d’emplois et de start-up.
Dépenser mieux pour croître plus vite
L’autre pilier concerne l’augmentation des dépenses en capital. Le gouvernement annonce 40 % du budget orienté vers les infrastructures numériques, agricoles et touristiques. La logique vise un effet multiplicateur sur la croissance. « Un pont achevé crée une chaîne de valeur où investisseurs et PME trouvent leur place », rappelle une note interne.
Pour garantir l’efficacité, les projets seront inscrits dans le budget-programme adopté en 2021. Chaque ministère devra justifier ses engagements à travers des indicateurs précis. Les retards de paiement, souvent pointés du doigt par les entrepreneurs, devraient décroître grâce au déploiement d’un système intégré de suivi en ligne.
Dette, risques et résilience économique
La trajectoire de la dette reste sous contrôle d’après la Direction générale du Trésor. L’objectif est de ramener le ratio dette/PIB sous 70 % en 2026, contre 78 % estimés cette année. Le gouvernement mise sur des renégociations ciblées et sur la croissance pour réduire le fardeau.
Parallèlement, une cellule d’alerte surveille les risques budgétaires, notamment la volatilité du brut et l’impact climatique. Des stress tests trimestriels guideront les arbitrages. Cette démarche préventive, saluée par la Commission de la CEMAC, renforce la crédibilité de Brazzaville auprès des investisseurs régionaux et internationaux.
Digitalisation : la révolution fiscale
La modernisation fiscale passe par la digitalisation. L’interconnexion du centre d’identification des contribuables et du centre de gestion des impôts aura lieu dès janvier, selon le calendrier officiel. Objectif : automatiser le suivi, limiter le cash et sécuriser les données pour rendre l’action publique plus rapide et traçable.
L’État testera aussi le paiement mobile des taxes locales via un portail unique. Pour l’expert fintech Rachelle Mabika, « le téléphone est déjà le premier guichet des jeunes urbains ». La mesure devrait réduire les files d’attente, mais surtout augmenter la conformité grâce aux notifications de rappel automatisées.
Ce que cela change pour les jeunes actifs
Au-delà des chiffres, ces orientations intéressent directement les jeunes actifs. L’introduction d’un impôt minimal sur les salaires bancarisés facilitera leur accès au crédit, les banques valorisant davantage les revenus déclarés. Les exonérations ciblées pour les start-up tech demeureront, soutenant l’innovation dans les applications de livraison ou l’agritech.
Le développement annoncé des zones économiques spéciales à Pointe-Noire et Oyo créera de nouvelles zones d’emplois. Les diplômés en logistique, génie civil ou marketing pourront y trouver des débouchés. « L’enjeu est de former des profils adaptés à la chaîne de valeur locale », souligne un responsable de l’Agence nationale de l’emploi.
Enfin, la priorité accordée à l’agriculture, du manioc à l’hévéa, devrait stabiliser les prix alimentaires et ouvrir des coopératives modernes. Couplée aux formations numériques annoncées, cette orientation offre aux jeunes ruraux une alternative viable à l’exode. Le budget 2026 s’affirme ainsi comme un levier de cohésion et de prospérité.
Regard des partenaires internationaux
La Banque africaine de développement, dans son dernier rapport, salue la cohérence du cadrage congolais avec l’Agenda 2063. Elle estime qu’un gain annuel de deux points de croissance est envisageable si les réformes fiscales et la maîtrise du portefeuille public sont appliquées avec rigueur.
De leur côté, plusieurs organisations de la société civile demandent un suivi citoyen du budget-programme. Le ministère des Finances envisage d’ouvrir un portail public de données budgétaires. Pour l’économiste Audrey Yoka, « la transparence accroît la confiance, condition indispensable à l’arrivée d’investissements d’impact ».
