Une ratification au parfum de stabilité budgétaire
Il planait, sous les ors feutrés du Palais du Peuple, une atmosphère de soulagement institutionnel. En adoptant le projet de loi autorisant la ratification du « troisième financement à l’appui des politiques de développement », les sénateurs congolais entérinent la mise à disposition d’une enveloppe de 70,6 millions d’euros – soit près de 46,3 milliards de francs CFA – octroyée par le Groupe Banque mondiale. Derrière le cérémonial parlementaire, l’exécutif entend consolider une trajectoire budgétaire que les chocs pétroliers et la pandémie ont tour à tour bousculée. À Brazzaville, l’accord est présenté comme une pièce supplémentaire d’un édifice macroéconomique visant la crédibilité vis-à-vis des bailleurs et la « croissance inclusive » promise par le Plan national de développement.
Les deux piliers d’une promesse inclusive
Le document ratifié repose sur un diptyque que les techniciens du ministère des Finances décrivent comme « non négociable ». Le premier pilier concerne la mobilisation accrue des recettes et la solidification de la chaîne de la dépense publique. L’administration fiscale, encore marquée par des « fuites » évaluées à près de 3 % du PIB, se voit assigner des objectifs précis en matière de digitalisation et de lutte contre les exonérations discrétionnaires. Le second pilier, lui, s’attaque à la qualité de la dépense sociale. Santé maternelle, scolarisation primaire et filets de sécurité sont identifiés comme les vecteurs les plus immédiats d’une croissance pouvant bénéficier à l’ensemble de la population, et non plus aux seuls pôles urbains et extractifs.
Un chèque de 70,6 M€ aux contours exigeants
Si le montant paraît modeste à l’échelle des besoins (le budget 2025 dépasse 3 000 milliards de francs CFA), il intervient comme un signal d’adhésion des institutions de Bretton Woods à la trajectoire de réformes de Brazzaville. Le dispositif mobilise simultanément la Banque internationale pour la reconstruction et le développement et l’Association internationale de développement, preuve que le Congo navigue encore entre statut de pays à revenu intermédiaire et vulnérabilité structurelle. Les décaissements seront échelonnés et conditionnés à des indicateurs de performance : réduction du délai moyen de remboursement TVA, publication trimestrielle des données de trésorerie, et pourcentage d’enfants totalement vaccinés dans les zones rurales. Pour Christian Yoka, ministre des Finances, « ces critères imposent une discipline vertueuse et rappellent que l’argent public est un contrat moral avec la Nation ».
Au-delà du langage diplomatique, plusieurs économistes locaux pointent toutefois l’effet d’éviction potentiel sur les priorités nationales. « Le risque est de calibrer les politiques publiques davantage sur la satisfaction des tableaux de bord de Washington que sur les réalités du terrain », avertit la chercheuse Raymonde Malonga, spécialiste des finances publiques.
Les réformes déjà enclenchées et celles qui piétinent
Entre 2022 et 2023, les deux premières tranches d’appui budgétaire ont permis des avancées notables : adoption d’un code de transparence, mise en ligne du registre des marchés publics et création d’un comité de suivi citoyen. Pourtant, nombre de réformes restent inachevées. La déconcentration effective de la dépense sanitaire attend encore son décret d’application, tandis que la loi sur le contrôle des entreprises publiques dort dans les tiroirs de l’Assemblée nationale.
Le Sénat, en approuvant la nouvelle enveloppe, reconnaît implicitement ces retards. Le président Pierre Ngolo a d’ailleurs exhorté le gouvernement à « accélérer la cadence », conscient que la patience des bailleurs, mais surtout celle des jeunes diplômés confrontés à un taux de chômage de 19 %, n’est pas infinie.
Entre engouement politique et attentes citoyennes
La ratification intervient dans un contexte de regain d’intérêt pour les finances publiques chez une jeunesse connectée, qui scrute désormais les débats budgétaires via les réseaux sociaux. Pour beaucoup, l’enjeu dépasse le verbiage institutionnel : il s’agit de savoir si les salles de classe disposeront de bancs et si les centres de santé recevront enfin leurs dotations en médicaments essentiels. Des organisations de la société civile envisagent déjà des campagnes de suivi participatif afin d’évaluer l’impact réel des fonds.
À court terme, le gouvernement gagnera une marge de manœuvre pour financer ses engagements sociaux sans aggraver la dette domestique. Sur le moyen terme, l’équation reste plus complexe. Sans diversification économique ni réforme vigoureuse de la gouvernance, les flux extérieurs, si louables soient-ils, risquent de n’être qu’une perfusion. Reste donc à savoir si les 70,6 millions d’euros seront le déclencheur d’un cercle vertueux ou le simple prolongement d’un modèle sous perfusion. Le prochain rapport de la Banque mondiale, attendu début 2026, apportera sans doute un premier verdict, dont la jeunesse congolaise sera, in fine, la meilleure juge.