Un bond inédit du chiffre d’affaires
Sur la scène économique ouest-africaine, l’exercice 2024 restera comme celui d’une prompte métamorphose pour les entreprises publiques burkinabè. Avec 3 090 milliards de francs CFA — l’équivalent de 5,51 milliards de dollars —, ces sociétés, jadis regardées avec une retenue teintée de scepticisme, ont généré une progression annuelle de 61,7 %. « Nous n’avions jamais observé un tel saut depuis la création du portefeuille public moderne », confie l’analyste financier Abdoul Karim Ouédraogo, rappelant que le seuil des 2 000 milliards de francs CFA paraissait encore hors d’atteinte il y a deux ans.
Des facteurs multiples et complémentaires
Cette performance spectaculaire ne procède pas d’un unique levier. D’une part, l’intégration récente de nouvelles sociétés d’État — notamment dans le secteur minier et dans les services d’ingénierie numérique — a mécaniquement élargi le périmètre comptable. D’autre part, plusieurs entités historiques, à l’instar de la Nationale des Hydrocarbures, ont bénéficié d’un regain d’efficacité grâce à la modernisation de leurs chaînes logistiques. « La digitalisation des procédures a réduit de moitié notre cycle de facturation », précise un cadre de la Société burkinabè d’électricité, soulignant l’impact direct sur les revenus.
Impact sur l’économie burkinabè et enjeux sous-régionaux
Au-delà des chiffres bruts, l’onde de choc suscitée par ce bond se lit dans la progression concomitante des recettes fiscales, la hausse de la liquidité bancaire et un regain de confiance des investisseurs régionaux. Pour la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, cette embellie améliore la soutenabilité de la dette, tandis que le ministère burkinabè des Finances y voit « une marge de manœuvre nouvelle pour financer la jeunesse et les infrastructures routières ». Dans l’espace UEMOA, les partenaires scrutent la possibilité d’un effet d’entraînement, à l’heure où le défi de l’industrialisation régionale reste central.
Quelles leçons pour les jeunes acteurs congolais
Si le contexte institutionnel diffère du bassin du fleuve Congo, les ressorts du succès burkinabè demeurent transposables. L’ouverture de secteurs stratégiques à la technologie, la contractualisation transparente avec le privé et la formation continue des cadres publics sont des axes salués par l’économiste congolaise Clémence Mbemba : « Le rapprochement entre l’État actionnaire et la génération de start-ups crée un cercle vertueux que nos jeunes peuvent revendiquer ». Pour les entrepreneurs de Pointe-Noire comme pour les ingénieurs de Brazzaville, l’exemple ouagalais démontre qu’une gouvernance adaptée peut libérer une valeur insoupçonnée, sans renoncer à l’ancrage public.
Vers une gouvernance publique plus performante
Le ministère burkinabè de l’Économie n’occulte pas pour autant les zones de vigilance. L’augmentation rapide du chiffre d’affaires doit se doubler d’une rentabilité durable, faute de quoi les sociétés d’État retourneraient à la contrainte budgétaire. Un audit consolidé est prévu afin d’évaluer la solidité des marges, la gestion des créances clients et la résilience face aux fluctuations des cours internationaux. Dans la même veine, l’universitaire Francis Nana rappelle que « la performance publique se mesure au service rendu à la population autant qu’aux résultats comptables ». La trajectoire 2024 inscrit cependant le Burkina Faso parmi les modèles émergents de gouvernance d’entreprise publique, invitant les capitales voisines à scruter, adapter et réinventer leurs propres mécanismes.