Clap de fin pour Canal Olympia au Congo
Le 11 octobre 2025, l’information est tombée comme un générique de fin : les trois salles Canal Olympia de Brazzaville, Pointe-Noire et Oyo cessent leurs projections après six années d’activité saluées par le public urbain et la diaspora de passage.
La ministre de l’Industrie culturelle, Lydie Pongault, a confirmé la nouvelle à l’issue d’une rencontre avec Christine Pujade, présidente du réseau. Les complexes avaient été inaugurés en fanfare en 2019, apportant du son Dolby 5.1 et du pop-corn dans des villes avides de loisirs modernes.
Les raisons derrière la décision
Ni le ministère ni Canal Olympia ne détaillent officiellement les motifs, évoquant seulement une réorientation stratégique. Selon des sources proches du dossier, le groupe cède la gestion des infrastructures à un opérateur dont l’identité reste à dévoiler, signe qu’un nouveau chapitre pourrait s’écrire rapidement.
Un connaisseur du secteur rappelle que l’exploitation cinématographique en Afrique centrale reste fragile : taxation élevée, piratage endémique et fréquentation fluctuante compliquent la rentabilité. Malgré des billets autour de 2 500 FCFA, les séances hors weekends affichaient parfois un taux de remplissage inférieur à 30 %.
Impact immédiat sur le public urbain
À Brazzaville comme à Pointe-Noire, les jeunes habitués aux blockbusters Marvel ou aux avant-premières nigérianes se disent déçus. « C’était notre sortie du vendredi, on se retrouvait pour commenter le film sur Instagram », confie Angélique, 23 ans, étudiante à l’Université Marien-Ngouabi.
La fermeture se fait d’autant plus sentir que les alternatives restent limitées : quelques salles indépendantes, souvent dépourvues de climatisation ou de projecteurs numériques, peinent à proposer une expérience comparable. Pour les adeptes de TikTok, l’effet FOMO est réel.
Quelles suites pour le 7e art congolais ?
Le réalisateur Hassim Tall Boukambou, auteur de « Mémoires du CFRAD », analyse avec nuance : « C’est un coup dur, mais pas une fatalité. Si le nouveau gestionnaire mise sur les productions locales, le public suivra. » Il appelle à un plan national pour la diffusion culturelle.
Depuis 2020, une trentaine de courts-métrages congolais ont circulé dans les festivals d’Afrique de l’Ouest, mais peinent à trouver des écrans domestiques. L’absence temporaire de Canal Olympia risque donc de réduire encore la visibilité des créations made in Congo.
La voix des cinéastes face au défi
Au-delà de Boukambou, plusieurs réalisateurs plaident pour un modèle hybride : partenariats public-privé, séances scolaires subventionnées et programmation de contenus africains populaires. « Les spectateurs remplissent les salles lorsqu’ils se reconnaissent à l’écran », rappelle la documentariste Joséphine Bemba.
Les associations professionnelles envisagent une tournée nationale de projections en plein air pour maintenir la flamme. L’idée est simple : si les spectateurs ne peuvent plus aller au cinéma, le cinéma ira vers eux, quitte à déployer des écrans géants sur les places publiques dès la prochaine saison sèche.
Le rôle attendu de l’État et des investisseurs
Le ministère de tutelle assure suivre le dossier avec attention. « Nous veillerons à ce que la transition se fasse sans rupture durable de service », affirme un conseiller, soulignant que la culture reste un vecteur d’emploi et de cohésion sociale prévu dans le Plan national de développement.
Des start-up locales, spécialisées dans la billetterie digitale, se positionnent déjà pour moderniser la distribution. Leur pari : réduire le piratage grâce à des systèmes QR code et proposer des abonnements mensuels inspirés des plateformes de streaming, mais centrés sur les salles physiques.
Le public, acteur clé de la renaissance
Les chiffres parlent : chaque avant-première de film congolais drainait jusqu’à 600 spectateurs à Brazzaville. Pourtant, les séances d’après-midi se jouaient parfois devant vingt personnes. Pour les cinéphiles, la leçon est simple : soutenir les projections locales garantit la survie des écrans.
Boukambou insiste : « Quand nous proposons des récits qui parlent du quotidien congolais, les jeunes se mobilisent. Il faut donc consommer local, partager les bandes-annonces sur WhatsApp et défendre nos lieux culturels dès que l’occasion se présente. »
Scénario à venir pour les complexes fermés
Sur les sites des trois multiplexes, les enseignes demeurent, mais les guichets sont clos. Des agents de sécurité expliquent que des travaux légers de maintenance ont débuté, alimentant la rumeur d’une réouverture rapide sous une nouvelle bannière avant la fin de l’année 2026.
Parmi les noms cités dans les couloirs, un opérateur panafricain déjà présent à Dakar et Abidjan tiendrait la corde. Ce dernier souhaiterait développer des espaces e-sport et des studios d’enregistrement adjacents, misant sur la convergence entre cinéma, gaming et musique urbaine congolaise.
Vers une mutation de l’offre culturelle
La fermeture de Canal Olympia intervient alors que la consommation de vidéos sur smartphone explose au Congo. TikTok et Netflix captent une partie du temps libre, obligeant les salles à proposer plus qu’un simple écran : expériences immersives, rencontres avec influenceurs ou concerts acoustiques.
Certains observateurs y voient une opportunité : adapter l’offre aux attentes d’un public digital natif, créer des événements éphémères partageables en story et offrir aux artistes locaux des scènes équipées en son et lumière dignes des grandes capitales.
L’espoir d’un nouveau générique
Si l’on ignore encore qui reprendra officiellement les rênes, le sentiment dominant reste l’optimisme prudent. Les complexes sont construits, les projecteurs existent, les spectateurs n’attendent qu’un signal pour revenir s’asseoir dans le noir.
À l’image d’un film dont la scène finale ouvre sur une suite possible, la fermeture de Canal Olympia n’est peut-être qu’un cliffhanger. Les prochains mois diront si le cinéma congolais transformera cette page blanche en un blockbuster national.
