Cantines scolaires : de la graine au plateau
Au terme de trois années d’expérimentation, la phase pilote du projet « Semences d’avenir » livre aujourd’hui ses premiers fruits. Vingt-cinq écoles réparties dans plusieurs départements ont servi de laboratoire à une idée simple : ancrer l’alimentation scolaire dans les terroirs congolais tout en améliorant les débouchés des petits producteurs. Selon Gon Meyers, représentant du Programme alimentaire mondial, l’accord signé avec le ministère de l’Enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’Alphabétisation ouvre la voie à un Programme national appelé à « scaler » les acquis dans l’ensemble du pays.
Ce changement d’échelle intervient à un moment charnière. D’une part, les écoles rurales affichent un taux de fréquentation en hausse dès lors qu’un repas chaud est garanti ; de l’autre, les coopératives villageoises voient leurs revenus se stabiliser grâce à des contrats prévisibles. L’idée de transformer la cantine en maillon économique et social fait progressivement consensus parmi les partenaires techniques et financiers.
Un partenariat sud-sud à maturité
Brasilia, par la voix de la chargée d’affaires Ana Suza, a confirmé l’engagement du Brésil à « mobiliser d’autres partenaires » pour pérenniser l’initiative. Le modèle brésilien, fondé sur l’achat public de denrées produites localement, inspire en effet de nombreux pays du Sud. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture y voit un levier de souveraineté alimentaire propre à réduire la dépendance aux importations tout en stimulant les filières vivrières nationales.
La coopération sud-sud joue ici le rôle de catalyseur. Formations croisées, rédaction de manuels techniques et appui à la certification sanitaire des denrées constituent le socle de cette transition. Les experts brésiliens soulignent la nécessité d’un encadrement juridique clair afin d’assurer la continuité des financements publics et la transparence des marchés scolaires.
Un moteur pour l’agriculture familiale congolaise
Le projet cible prioritairement les groupements de femmes, largement majoritaires dans la production maraîchère et la petite transformation. En contractualisant avec les cantines, ces entrepreneures rurales sécurisent leurs recettes et accèdent plus aisément au crédit. « Nous pouvons enfin investir dans l’irrigation et la conservation », témoigne Pauline Makosso, présidente d’une coopérative de Kinkala.
Au-delà du volet économique, l’approche intègre des critères nutritionnels. Manioc bio-fortifié, niébé riche en protéines et légumes feuilles à haute densité micronutritionnelle composent désormais les menus. Plusieurs nutritionnistes congolais saluent une planification alignée sur les recommandations de l’OMS et adaptée aux habitudes culinaires nationales.
Défis logistiques et dynamisme communautaire
La généralisation du programme pose toutefois des défis de chaîne du froid, d’accessibilité routière et de stockage. Les ministères de l’Agriculture et des Transports travaillent à cartographier les routes secondaires afin de réduire les pertes post-récolte. Des unités de séchage solaire et des entrepôts communautaires, financés par un partenariat public-privé, commencent à émerger à Sibiti et Owando.
Sur le terrain, les comités de parents d’élèves participent à la supervision des cuisines scolaires, renforçant ainsi le contrôle citoyen. Cette gouvernance partagée, encore inégale selon les régions, constitue un indicateur clé pour la réussite du programme.
Perspectives d’une jeunesse nourrie et instruite
À moyen terme, le gouvernement ambitionne de couvrir 100 % des écoles publiques d’ici 2030. L’impact espéré va au-delà de la simple assiette : baisse de la déscolarisation, renforcement du capital humain et émergence d’un marché agricole local robuste. Les premières estimations du PAM suggèrent qu’un franc investi dans la cantine génère jusqu’à trois francs d’activité économique locale.
En promouvant une alimentation scolaire enracinée dans les territoires, le Congo-Brazzaville inscrit l’éducation et l’agriculture familiale dans une dynamique vertueuse. Pour la nouvelle génération, les cantines ne seront plus un luxe, mais un droit concrétisé, nourri par les terres et les talents du pays.