Vers un ancrage étatique des repas scolaires
À Brazzaville, la perspective d’une politique nationale de cantines scolaires, attendue avant la fin de 2025, trace les contours d’un virage institutionnel majeur. Porté par le ministère de l’Éducation et soutenu par le Programme alimentaire mondial (PAM), le projet vise à substituer progressivement aux financements externes un pilotage budgétaire et opérationnel assumé par l’État. « Le processus de transition est désormais irréversible », confie Gon Myers, représentant du PAM, rappelant que tout accord formel est déjà paraphé pour transférer la gestion aux autorités congolaises. Cette étape s’inscrit dans l’ambition présidentielle de renforcer les filets sociaux tout en dynamisant les filières agricoles nationales.
Un laboratoire grandeur nature : « Semence d’Avenir »
Lancé en décembre 2023, le projet pilote a converti vingt-cinq établissements, répartis dans trois départements, à une restauration basée sur l’achat direct de produits locaux. Dix écoles appliquent déjà l’intégralité du nouveau référentiel, résultat d’un compagnonnage entre cadres congolais, experts brésiliens et techniciens du PAM. La formation de personnels éducatifs, la structuration de dix coopératives paysannes et la rédaction de quatre manuels pratiques constituent autant de jalons pour consolider un dispositif reproductible à l’échelle nationale.
La dynamique Sud-Sud, moteur silencieux
Pour la ministre brésilienne de la Coopération internationale, Ana Suza, « l’expérience congolaise démontre qu’un achat public tourné vers l’agriculture familiale peut conjuguer inclusion et performance ». Le modèle brésilien, cité en référence, irrigue aujourd’hui l’Afrique centrale via un transfert de compétences plutôt que de simples apports financiers. Maria Giulia, du Centre d’excellence contre la faim, voit dans la remise des manuels un « héritage durable », adapté aux réalités culturelles et logistiques du Congo.
Défis logistiques et volonté politique
Les concepteurs du programme n’ignorent pas les obstacles : insuffisance des pistes rurales, variations saisonnières de l’offre vivrière, capacité de stockage limitée. Toutefois, le gouvernement mise sur la convergence des politiques publiques agricoles et éducatives pour absorber ces contraintes. Pitchou Prudence Banga-Mboko, directrice de l’Enseignement préscolaire, souligne la synergie recherchée : « Nourrir nos enfants tout en soutenant nos producteurs n’est pas un slogan, c’est un levier de développement local. » Selon les projections, un basculement complet des cantines sous gestion étatique pourrait générer un marché annuel de plusieurs milliards de francs CFA pour les exploitations familiales, tout en améliorant la fréquentation scolaire et la rétention des élèves en zones rurales.
Cap sur 2025 : vers une politique publique intégrée
À l’horizon 2025, dossier juridique, feuilles de route budgétaires et cadres de suivi-évaluation devraient être finalisés, ouvrant la voie à l’adoption d’une politique nationale pérenne. Les autorités entendent capitaliser sur l’engouement des jeunes producteurs et sur l’adhésion des communautés éducatives pour installer une cantine scolaire congolaise pleinement souveraine. Si la mise à l’échelle exigera constance et rigueur, l’opportunité de créer un cercle vertueux entre santé, éducation et agriculture suscite un optimisme mesuré, mais tangible, au sein des partenaires techniques comme des décideurs nationaux.
