Une dynamique collective en marche
À Brazzaville, la chaleur de fin juin n’a pas entamé l’enthousiasme des représentants d’une vingtaine d’organisations non gouvernementales venus dresser le bilan d’un marathon de formation long de trois ans et demi. Lancé avec le concours financier de l’Union européenne, le Projet de renforcement des capacités institutionnelles et opérationnelles des organisations membres du Cadre de concertation des organisations non gouvernementales de développement, plus connu sous l’acronyme Precap-CCOD, vient d’achever son cycle d’activités. Les parties prenantes, jeunes leaders en tête, saluent une « montée en puissance » de la société civile congolaise que l’on disait, hier encore, à la recherche d’outils méthodologiques solides.
Le maillage territorial d’un dispositif de formation inédit
Du littoral de Pointe-Noire aux forêts d’Ouesso en passant par Dolisie, Djambala et la capitale, les sessions se sont égrainées au rythme d’ateliers interactifs et d’études de cas inspirées de situations locales. Cette mobilité a permis de toucher les réalités sociales et économiques d’un pays pluriel, où la jeunesse représente plus de 60 % de la population. Les formateurs, issus à la fois d’organismes européens et de cabinets congolais, ont conjugué théorie et pragmatisme : conception de sites web au service de la transparence, élaboration de plans stratégiques sur cinq ans, maîtrise du cycle de projet selon les standards internationaux, sans oublier la gestion comptable adaptée aux exigences de bailleurs publics.
Transferts de compétences technologiques et managériales
« Nous avons opéré un saut qualitatif dans la façon d’appréhender nos responsabilités », confie Dominique Matondo, président du Conseil d’administration du CCOD. Selon lui, la mise en place de tableaux de bord numériques et l’apprentissage de la communication institutionnelle ont réduit la dépendance des jeunes ONG à l’assistance extérieure. Des plateformes collaboratives permettent désormais de partager, en temps réel, rapports d’activités et calendriers de suivi-évaluation, limitant ainsi les doublons entre structures et renforçant la crédibilité des projets auprès des autorités administratives.
Impacts concrets : l’agroalimentaire et l’environnement en première ligne
Les résultats les plus visibles se situent dans les filières porteuses pour l’emploi des 20-35 ans. À Kintélé, une unité de transformation de manioc pilotée par de jeunes diplômés en agronomie a doublé sa capacité grâce à un meilleur accès aux états financiers normalisés. À Ouesso, des éleveurs de poissons s’appuient sur des business plans certifiés pour négocier des micro-crédits auprès de banques locales. Luciano Thibault Boyeka Moussolo, point focal pour l’environnement et le développement durable, note que « l’intégration des entrepreneurs agricoles dans le dispositif a brisé le cloisonnement traditionnel entre ONG, secteur privé et pouvoirs publics ».
Synergie avec les institutions publiques congolaises
Le programme ne se contente pas de capitaliser l’expertise européenne. Il s’inscrit dans la dynamique nationale de diversification économique promue par les autorités congolaises. Une cellule de concertation permanente est désormais envisagée afin d’aligner les feuilles de route des OSC sur les priorités gouvernementales en matière d’infrastructures rurales et de protection des écosystèmes. « Si nous soutenons l’œuvre du gouvernement, il est naturel que celui-ci nous accompagne à son tour », plaide Dominique Matondo, qui voit dans ce dialogue renforcé un moyen de consolider la confiance et d’amplifier les retombées sociales du programme.
Cap vers la pérennité des acquis
Le retrait progressif des financements européens n’inquiète pas outre mesure les participants. Les manuels de procédures élaborés pendant la formation, désormais disponibles en version numérique libre d’accès, constituent un legs méthodologique appelé à guider de nouvelles générations d’acteurs. Des partenariats avec les universités de Brazzaville et de Pointe-Noire sont en cours de négociation, afin d’intégrer certains modules du Precap-CCOD dans les curricula de licence professionnelle. L’enjeu est clair : transformer l’essai pour que la société civile, forte de compétences rénovées, devienne un partenaire stratégique crédible dans la réalisation du Plan national de développement.