Un déficit d’offre historique sous la loupe des jeunes automobilistes
Depuis plusieurs mois, les files d’attente devant les stations-service rythment les matinées des livreurs à moto, des chauffeurs de taxi-bus et de milliers de jeunes actifs qui composent l’ossature économique des grandes villes congolaises. Le ministre des Hydrocarbures, Bruno Jean Richard Itoua, a rappelé à l’Assemblée nationale que la Congolaise de raffinage, la Coraf, ne couvre que soixante pour cent des besoins du pays, le reste dépendant d’importations rendues aléatoires par un contexte international volatil. À ses yeux, la pénurie découle moins d’un problème technique que d’un « déséquilibre structurel entre prix de cession et coût réel », générant des tensions de trésorerie dans tout l’aval pétrolier (selon le ministre des Hydrocarbures).
La stratégie des 105 jours d’autonomie : un pari logistique audacieux
Pour briser ce cercle vicieux, la Société nationale des pétroles du Congo a publié un calendrier d’importations massives censé offrir cent-cinq jours d’autonomie en essence et soixante-dix jours en gasoil pour la période juillet-août. Les premières cargaisons sont déjà amarrées au large de Pointe-Noire, tandis que deux autres navires sont attendus avant le dix juillet. À court terme, cette manœuvre vise à inonder le marché afin de « réinstaller la confiance », selon les termes du ministre, et d’endiguer la spéculation de rue qui fait grimper les prix à la pompe informelle. Pour la jeunesse urbaine, dont la mobilité conditionne l’accès à l’emploi, ces arrivages constituent un soulagement tangible.
Coraf, chemin de fer et stocks réglementaires : la riposte conjoncturelle
Le gouvernement ne se limite pas aux importations. Il prévoit le rétablissement continu du flux de brut vers la Coraf afin d’accroître la cadence de raffinage. Parallèlement, l’amélioration des performances du Chemin de fer Congo-Océan doit permettre un acheminement massif de produits vers l’hinterland, réduisant la pression sur les routes déjà saturées. Des entrepôts supplémentaires seront mobilisés pour constituer deux mois de consommation nationale, seuil jugé indispensable pour stabiliser les prix dans les zones rurales. L’exécutif lance également une opération « Coup de poing » : des approvisionnements itératifs, organisés presque à flux tendu, afin de prévenir tout retour de la pénurie durant la haute saison des déplacements.
L’oléoduc Pointe-Noire – Brazzaville, colonne vertébrale attendue de l’aval pétrolier
En toile de fond, le projet d’oléoduc signé avec la Fédération de Russie pourrait changer la donne. Long d’environ six cents kilomètres, il reliera le terminal maritime de Pointe-Noire aux dépôts de Brazzaville et, à terme, à ceux de la Sclog, triplant ainsi la capacité de stockage nationale pour atteindre trois cent mille mètres cubes. Pour les analystes, cet équipement réduira le coût unitaire du transport, renforcera la sécurité énergétique et ouvrira la voie à une redistribution plus équitable entre les régions. Si le calendrier d’exécution reste à affiner, les premiers travaux topographiques commenceraient dès 2024, ce qui nourrit déjà les espoirs d’emplois qualifiés pour les jeunes ingénieurs formés à l’École polytechnique de Pointe-Noire.
Entre dérégulation des prix et protection du pouvoir d’achat : l’équation sociale
La mission d’assistance du Fonds monétaire international a, quant à elle, recommandé de déréguler les prix à la pompe afin de refléter les coûts réels et d’assainir les comptes publics. Le gouvernement, soucieux de préserver le pouvoir d’achat, n’a pas entériné cette option. « Nous privilégions des solutions qui ne pénalisent pas les populations les plus vulnérables », a insisté Bruno Jean Richard Itoua devant les députés. Dans un pays où le salaire médian des jeunes diplômés peine à franchir le seuil de cent mille francs CFA, chaque franc additionnel sur le litre d’essence se répercute sur le panier de la ménagère et la tarification des transports urbains.
Les stations-service de demain : vers une culture de la transparence énergétique
Au-delà des infrastructures, la bataille se joue aussi sur la gouvernance. Le ministère des Hydrocarbures veut mettre en place un système de traçabilité numérique du carburant, du quai pétrolier jusqu’au pistolet de distribution. L’objectif est double : réduire les détournements et fournir en temps réel des données de disponibilité aux consommateurs via des applications mobiles. Cette transparence pourrait redorer l’image du secteur, attirer des investisseurs et, surtout, rassurer une génération connectée qui exige des réponses rapides. En filigrane, c’est toute la chaîne de valeur énergétique congolaise qui se modernise, préparant le terrain à une transition plus large vers des carburants moins carbonés, horizon que nombre de jeunes entrepreneurs verts appellent de leurs vœux.