Un contexte international sous tension énergétique
Rareté du brut sur certains marchés, tensions géopolitiques liées à la mer Noire, volatilité quasi chronique des prix : depuis deux ans, la planète hydrocarbures évolue dans une zone de turbulences. Les grands producteurs africains, à l’image du Congo-Brazzaville, jonglent entre obligations domestiques et opportunités d’exportation, tandis que la demande interne, portée par l’urbanisation fulgurante et l’essor du transport individuel, ne cesse de croître. Pour de nombreux foyers brazzavillois, la moindre rupture de stock se traduit par des files d’attente interminables et une hausse des coûts de mobilité. L’épisode de pénurie enregistré au premier semestre a rappelé l’étroite dépendance du pays à son raffinage local et à des cargaisons d’appoint arrivant souvent dans un calendrier serré.
Les chiffres clés d’une autonomie annoncée
Devant l’Assemblée nationale, le ministre des Hydrocarbures, Bruno Jean Richard Itoua, a détaillé un calendrier d’importations « massives » orchestré par la SNPC, garantissant selon lui cent-cinq jours d’autonomie pour le super et soixante-dix jours pour le gasoil, hors production de la Coraf. Les premières cargaisons ont déjà été déchargées au terminal de Djeno, et deux autres mouilleront avant le 10 juillet, a-t-il précisé. Cette enveloppe logistique prétend ramener progressivement le marché à l’équilibre. Dans le même temps, la raffinerie de Pointe-Noire tourne à plein régime pour combler, à hauteur d’environ 60 %, la demande nationale évaluée à près de 900 000 m³ par an toutes catégories confondues.
Des correctifs conjoncturels au service de la stabilité
Pour éviter la reproduction des épisodes de disette observés dans certaines stations-service, l’exécutif a initié ce qu’il qualifie d’« opération Coup de poing ». Il s’agit d’un approvisionnement massif et régulier, combinant la montée en cadence de la Coraf et des cargaisons importées, afin de constituer des stocks équivalant à deux mois de consommation nationale. L’amélioration du Chemin de fer Congo-Océan est également placée au cœur du dispositif : en fluidifiant le transport des dérivés pétroliers entre Pointe-Noire et Brazzaville, le rail doit réduire la pression sur les convois routiers et sécuriser des volumes constants à l’intérieur du pays. Des capacités de stockage supplémentaires sont, par ailleurs, identifiées dans plusieurs centres urbains, avec l’appui de la logistique privée afin de minimiser les pertes et les ruptures.
Vers une refonte structurelle de l’aval pétrolier
Au-delà des urgences du moment, le gouvernement met en avant une révision profonde du modèle économique de l’aval pétrolier. Le projet d’oléoduc Pointe-Noire-Brazzaville, dont l’accord de coopération technique a été signé avec la Fédération de Russie, figure en tête de liste. À terme, trois dépôts de 300 000 m³ cumulés devraient tripler la capacité actuelle de la Sclog. L’objectif affiché consiste à lisser les flux entre la façade atlantique et la capitale tout en réduisant les coûts de transport. Cette vision se double d’une réflexion sur la dérégulation éventuelle des prix de vente, recommandée par le FMI pour résorber le déficit chronique du sous-secteur. Toutefois, l’option demeure à l’étude ; ni le président de la République ni le gouvernement n’y ont encore souscrit, soucieux d’éviter une hausse brutale du panier énergétique des ménages.
Impact socio-économique chez les jeunes urbains
Pour la génération des 20-35 ans, souvent tributaire des motos-taxis ou de l’autopartage, la volatilité des prix et l’incertitude logistique représentent un frein tangible à la mobilité professionnelle. Dans les start-up du hub numérique de Talangaï ou dans les ateliers de menuiserie de Makélékélé, le moindre renchérissement du transport se répercute sur les marges et les délais de livraison. « La disponibilité régulière du carburant reste une condition sine qua non de la compétitivité des micro-entreprises », observe Dimitri Loubaki, analyste au Centre d’études économiques de Brazzaville. Nombre de jeunes actifs saluent donc la fermeté du plan gouvernemental, tout en appelant à un suivi rigoureux pour que les promesses de stocks ne se diluent pas dans les aléas du marché. Certains plaident déjà pour l’accélération de solutions alternatives, à l’instar des initiatives de covoiturage soutenues par des plateformes locales.
Entre résilience et anticipation
En conjuguant approvisionnement séquencé, modernisation logistique et ambition infrastructurelle, le Congo-Brazzaville affiche l’intention de transformer une crise récurrente en levier de souveraineté énergétique. Les prochains mois seront déterminants : ils devront attester de la robustesse des prévisions à 105 jours et de la capacité des réformes structurelles à pérenniser l’équilibre obtenu. Pour la population, la réussite de cette stratégie se mesurera d’abord à la fluidité retrouvée des pompes et à la maîtrise des tarifs, gages d’une mobilité essentielle au dynamisme économique et à la cohésion sociale.
