Un investissement royal de 5 milliards de dirhams
Le 18 septembre, le roi Mohammed VI a donné depuis la jetée principale le coup d’envoi officiel aux travaux de modernisation du port de Casablanca, confirmant l’ambition de hisser la capitale économique du Maroc au rang de hub maritime régional.
Cet immense chantier, conduit par l’Agence nationale des ports, mobilise près de cinq milliards de dirhams, soit environ 465 millions de dollars, destinés à remodeler les infrastructures, fluidifier la logistique et consolider l’attractivité de la métropole.
Le projet se veut le prolongement naturel de la success-story Tanger-Med, aujourd’hui premier port de conteneurs d’Afrique, et s’inscrit dans la vision royale d’un réseau côtier moderne incluant Nador West-Med et le futur port de Dakhla Atlantique.
À Casablanca, la priorité porte sur la diversification des usages : pêche, réparation navale, croisière, services administratifs, afin de créer un écosystème capable d’aimanter investisseurs, entrepreneurs touristiques et start-up de la blue economy.
Un nouveau port de pêche high-tech
Le premier volet visible concerne l’aménagement d’un port de pêche flambant neuf évalué à 1,2 milliard de dirhams; il sera capable d’accueillir 260 barques artisanales et une centaine de chalutiers côtiers, selon les chiffres du ministère de l’Équipement.
Outre la capacité d’accostage, les plans prévoient un hall au poisson de dernière génération, équipé de systèmes de réfrigération connectés et de zones sanitaires aux normes HACCP, garantissant une chaîne du froid ininterrompue du quai jusqu’aux marchés urbains.
Des unités de fabrication de glace, des ateliers de réparation de filets et des guichets administratifs réuniront, en un même espace, services publics et opérateurs privés, réduisant le temps d’attente pour les marins et améliorant la traçabilité des captures.
Pour les pêcheurs artisanaux de la région, ce nouvel écrin représente un saut qualitatif qui devrait accroître la valeur ajoutée locale, limiter les pertes post-récolte et renforcer la réputation des produits casablancais sur les marchés internationaux.
Un chantier naval pour doper l’industrie maritime
Juste à côté, un chantier naval modernisé verra le jour afin de répondre à la demande croissante de construction et de réparation de navires, marché en plein essor avec la relance post-pandémie des échanges maritimes.
Les premières études tablent sur la création de centaines d’emplois directs, notamment des soudeurs, chaudronniers, ingénieurs en architecture navale et spécialistes en systèmes de propulsion, compétences souvent recherchées mais encore rares sur le continent.
Selon le management de l’Agence nationale des ports, de nouvelles darses seront dimensionnées pour des navires jusqu’à 250 mètres, tandis que les ateliers seront dotés d’outillages numériques permettant le scan 3D de coques pour des interventions millimétrées.
L’objectif affiché est double : réduire les coûts d’entretien pour les armateurs nationaux et attirer des contrats étrangers, transformant Casablanca en plate-forme de services navals à même de concurrencer les chantiers espagnols ou canariens.
Le pari de la croisière et du tourisme d’affaires
Autre pièce maîtresse du plan, un terminal de croisières flambant neuf doit pouvoir traiter simultanément deux paquebots de 300 mètres, soit plus de 5 000 passagers par escale, ouvrant à la ville un nouveau canal de flux touristiques.
La municipalité parie sur un effet halo : chaque croisiériste dépense en moyenne 70 dollars lors d’une journée à terre; injecter ces sommes dans l’artisanat, la restauration et les circuits culturels pourrait dynamiser les quartiers historiques de l’ancienne médina.
Les autorités insistent également sur le segment MICE — meetings, incentives, conventions, exhibitions — qui s’appuie sur l’aéroport Mohammed V et un parc hôtelier en expansion pour transformer Casablanca en destination incontournable des congrès africains.
Le futur complexe administratif du port, qui regroupera armateurs, douanes, capitainerie et autorités sanitaires, permettra un traitement unifié des formalités, raccourcissant les délais d’accostage et séduisant les compagnies internationales à la recherche de gains d’efficacité.
Un modèle inspirant pour les ports africains
En engageant des travaux d’une telle envergure, le Maroc envoie un signal fort : l’économie bleue devient un accélérateur de croissance à l’échelle continentale, complémentaire des corridors routiers et ferroviaires en construction.
Pour les experts de la Banque africaine de développement, l’amélioration de la connectivité portuaire pourrait booster de quatre points le PIB du commerce intra-africain, encore trop dépendant de plateformes extérieures au continent.
Certains responsables portuaires d’Afrique centrale, notamment ceux du Port autonome de Pointe-Noire, suivent de près l’évolution du chantier casablancais pour répliquer certaines innovations, comme la facturation numérique unique ou les guichets marins multiservices.
À terme, l’expérience marocaine pourrait servir de laboratoire grandeur nature : un port multifonctionnel, écologiquement optimisé et adossé à un tissu industriel solide, démontrant qu’un investissement ciblé et une gouvernance intégrée restent les meilleurs remparts face à la volatilité des échanges mondiaux.
Les architectes du projet affirment que 30 % de l’énergie du site proviendra de panneaux solaires, tandis qu’un système de récupération des eaux de pluie alimentera le lavage des quais et la production de glace, limitant l’empreinte écologique du port.
En parallèle, un programme de formation continue, élaboré avec l’Institut supérieur des études maritimes de Casablanca, permettra aux jeunes techniciens d’acquérir des certifications internationales, garantissant une main-d’œuvre qualifiée et compétitive pour les décennies à venir.