Des chiffres qui parlent
Publié le 5 juillet, le verdict des copies du Certificat d’études primaires élémentaires – premier examen d’État de la scolarité congolaise – confirme une dynamique ascendante. Sur 137 247 écoliers inscrits, 120 518 ont obtenu le précieux sésame ouvrant les portes du collège, soit un taux global de 87,81 %. Ce résultat, salué au sein des directions départementales de l’enseignement, dépasse de plus de six points celui de l’an passé, attestant d’un regain de performance rarement observé depuis une décennie.
Les grandes agglomérations concentrent naturellement l’essentiel des admis : Brazzaville en compte 46 263, Pointe-Noire 33 748. Mais la progression la plus spectaculaire revient aux départements de la Likouala et de la Sangha, où la logistique scolaire demeure exigeante ; ces deux territoires franchissent respectivement la barre des 4 000 et 2 800 lauréats, preuve de l’impact croissant des internats publics et des transports fluviaux subventionnés (Ministère de l’Enseignement, rapport interne 2025).
Une progression constante malgré les défis
Cette embellie statistique n’efface pas les contraintes qui pèsent sur le cycle primaire : salles de classe parfois saturées, rotation des maîtres dans les zones rurales, ou encore manque de manuels récents dans certaines écoles isolées. Toutefois, la moyenne nationale de participation grimpe elle aussi à 98,14 %, soit plus deux points comparée à 2024, illustrant le succès des campagnes de sensibilisation « Une classe, un avenir » diffusées sur les radios communautaires (Radio Congo, 6 juillet 2025).
À l’heure où les pays de la sous-région cherchent à réduire les redoublements précoces, le Congo-Brazzaville bénéficie d’un maillage associatif solide. Les programmes de rattrapage menés par des étudiants bénévoles des universités publiques offrent un soutien après les cours. « Nous avons adopté une approche par compétences tout en renforçant les fondamentaux », souligne Ange-Arlette Mouanga, inspectrice générale adjointe. Selon elle, l’allègement graduel des effectifs – grâce à de nouvelles salles préfabriquées – a permis une relation pédagogique plus individualisée.
Vers un nouveau format d’examen : la vision ministérielle
Lors du lancement des épreuves en juin, le ministre Jean Luc Mouthou rappelait qu’une fois la nouvelle loi scolaire promulguée, le CEPE sera adapté pour mieux correspondre aux standards internationaux. Il est envisagé d’introduire une épreuve d’expression orale et une composante numérique afin de mesurer la capacité des candidats à mobiliser les outils technologiques de base, compétence désormais incontournable à l’entrée au collège.
Cette mutation ne devrait toutefois pas bouleverser la nature inclusive de l’examen. Le ministère travaille avec l’UNICEF et l’Organisation internationale de la Francophonie pour garantir l’accessibilité du matériel informatique dans chaque chef-lieu de district, tout en formant les enseignants aux nouvelles grilles d’évaluation. « Nous ne changerons pas l’esprit du CEPE : il restera un tremplin égalitaire », insiste Léon-Charles Odzé, directeur des examens et concours.
Les enjeux socio-économiques d’une réussite précoce
Au-delà de la symbolique, un taux de réussite élevé au primaire influe directement sur les indicateurs de développement humain. Chaque élève admis réduit statistiquement le risque d’abandon scolaire au cours du premier cycle secondaire, ce qui se traduit, selon la Banque mondiale, par une augmentation potentielle de 8 % du revenu futur (Banque mondiale, note d’analyse 2024). Dans les quartiers périphériques de Brazzaville, plusieurs familles confient avoir réorienté leur budget mensuel pour maintenir les enfants à l’école, encouragées par la perspective d’une réussite désormais perçue comme accessible.
La dimension genrée est également significative : 49,3 % des admis sont des filles, franchissant pour la première fois la barre symbolique de la parité. Les organisations de la société civile voient là un pas déterminant vers la réduction des inégalités professionnelles à long terme. Des initiatives pilotées par le ministère de la Promotion de la femme financent par exemple des bourses de transport pour les collégiennes issues des zones périurbaines, consolidant ainsi la continuité éducative.
Perspectives pour la jeunesse congolaise
Dans un contexte continental où l’économie numérique et les industries culturelles recrutent des profils toujours plus qualifiés, la massification de l’accès au secondaire pose les bases d’un capital humain renouvelé. Les start-ups brazzavilloises applaudissent la tendance : « Une cohorte plus large d’élèves formés facilitera notre repérage de talents sur le long terme », indique Gaëtan Dzanga, fondateur d’une plateforme de formation en ligne.
Pour maintenir cet élan, plusieurs observateurs prônent la multiplication des partenariats public-privé, l’extension du haut débit dans les établissements et la valorisation des langues nationales comme vecteur d’inclusion. Entre ambition modernisatrice et respect des réalités locales, le CEPE 2025 aura donc constitué bien plus qu’un simple examen : un révélateur d’opportunités, voire un avant-goût de l’excellence que la République du Congo souhaite insuffler à toute sa jeunesse.
