Passation sans fausse note
Au siège du Conseil économique, social et environnemental, la sonnerie républicaine a précédé une poignée de mains symbolique, signes d’une transition sans heurts. Autour du drapeau tricolore, anciens et nouveaux responsables ont affiché une unité saluée par les invités venus observer la passation.
Madame Émilienne Raoul, reconduite à la présidence, a profité de l’estrade pour rappeler que « toute nomination est une injonction à produire des résultats ». Sa voix posée a insisté sur l’obligation de continuité, tout en laissant entendre que des ajustements stratégiques se profilent déjà.
L’événement, présidé par le conseiller politique du Chef de l’État, Rodrigue Malanda Samba, a aussi offert un instant pédagogique : la présentation au public du rôle du Conseil, souvent confondu avec le parlement alors qu’il intervient plutôt comme vigie consultative auprès des pouvoirs publics.
Des profils qui racontent une diversité
La vice-présidence confiée à Jean de Dieu Goma illustre une montée en puissance des experts du secteur social. Ancien porte-voix des personnes vivant avec handicap, il apporte un regard centré sur l’accessibilité, dimension appelée à irriguer toutes les politiques publiques évaluées par le Conseil.
À ses côtés, l’économiste Hyacinthe Defoundoux hérite de la fonction de rapporteur. Ce professionnel passé par la Banque des États de l’Afrique centrale est réputé pour son goût des chiffres et sa défense d’une budgétisation sensible aux besoins des territoires hors Brazzaville.
Le poste de questeur échoit enfin à l’administrateur Arsène Mokoma, ancien chef de projet dans la logistique portuaire. Son expertise financière devrait sécuriser les moyens alloués aux missions du Conseil, enjeu majeur alors que la conjoncture internationale renchérit le coût des importations.
Le CESE, pivot discret de la gouvernance
Créé en 2003, le Conseil remet chaque année des avis sur les projets de loi touchant au social, à l’économie et à l’environnement. Ses textes ne sont pas contraignants, mais plusieurs réformes, comme celle de la Caisse nationale d’assurance maladie, en sont directement issues.
« Notre force est de capter les signaux faibles avant qu’ils ne deviennent des crises », explique un ancien membre sous couvert d’anonymat. Dans les faits, le CESE agit comme laboratoire d’idées, croisant données scientifiques, retours d’entreprises et ressentis citoyens recueillis lors d’ateliers participatifs.
La présidente affirme vouloir renforcer la publication des recommandations. L’idée est d’offrir aux jeunes chercheurs congolais un corpus de données auquel s’adosser, mais aussi de faciliter l’évaluation par la presse et la société civile du suivi réservé aux propositions endossées par l’exécutif.
Jeunesse et démocratie participative
Pour de nombreux étudiants, la cérémonie a été l’occasion de découvrir un organe encore loin des amphithéâtres. Nina, 24 ans, inscrit en sociologie, confie avoir surtout entendu parler du Conseil « dans les sujets d’examens ». Il espère désormais assister à des sessions publiques.
Le nouveau bureau entend justement multiplier les consultations délocalisées. Émilienne Raoul parle de « forums par arrondissement » où des jeunes, des artisans et des associations pourraient formuler des avis synthétisés ensuite par le secrétaire permanent. Une manière de tester grandeur nature la démocratie participative prônée.
Les associations de jeunesse saluent l’annonce, mais rappellent la nécessité de budgets spécifiques pour la logistique et la communication digitale. Sans diffusion sur les réseaux sociaux, prévient l’influenceur Fabrice Mankessi, « l’initiative risque de rester une autre promesse institutionnelle ignorée des timelines ».
Défis techniques et agenda 2025
Sur le plan matériel, le Conseil prépare la migration vers une plateforme numérique d’archivage et de consultation. Le projet, estimé à deux milliards de francs CFA, vise à réduire les délais de transmission des avis au gouvernement et à faciliter l’accès pour la diaspora.
Parallèlement, l’exécutif a fixé à 2025 l’élaboration d’un rapport thématique sur la transition énergétique, sujet crucial dans un pays producteur de pétrole mais engagé dans les Objectifs de développement durable. Le nouveau bureau devra coordonner des auditions d’experts, d’industriels et de communautés riveraines des forêts.
Jean de Dieu Goma insiste sur l’importance d’indicateurs mesurables. « Nous ne pouvons plus publier des rapports simplement narratifs », affirme-t-il. Des tableaux de bord semestriels devraient voir le jour, assortis d’infographies compréhensibles par un public non spécialiste, notamment les jeunes entrepreneurs.
Visibilité et responsabilité partagée
Si le Conseil demeure un organe consultatif, son influence dépend de l’écoute accordée par les décideurs. Dans un contexte budgétaire contraint, la crédibilité passera autant par la qualité des expertises que par la capacité à communiquer clairement les bénéfices attendus pour la population.
Le politologue Brice Ibara voit dans la nouvelle équipe « une configuration intergénérationnelle capable de rajeunir l’image de l’institution ». Mais il avertit : sans mécanisme d’évaluation publique des recommandations, la jeunesse risque de juger l’expérience à l’aune de la simple nomination politique.
À court terme, le Conseil économique, social et environnemental testera sa capacité d’attraction lors de la Semaine nationale de la citoyenneté prévue au second semestre. Des stands interactifs y sont annoncés pour permettre aux jeunes de simuler une délibération et de voter des résolutions.
