Un livre-manifeste en librairie
Brazzaville a vibré lors de la dédicace du 19 septembre dernier à l’hôtel Olympic Palace. L’écrivain Yvon Wilfriede Lewa-Let Mandah y a présenté « L’Appel au devoir patriotique », un ouvrage de 296 pages qui annonce sa candidature présidentielle.
Publié en juillet 2025 aux éditions LMI de Pointe-Noire, le livre mêle roman autobiographique, essais historique et économique, réflexions sociales et promesse politique. L’auteur y pose les premières pierres d’un projet de société baptisé « révolution culturelle ».
Dans la salle, journalistes, étudiants et influenceurs ont partagé des extraits sur TikTok en temps réel, propulsant le hashtag #DevoirPatriotique dans les tendances locales. Un coup réussi pour celui qui ambitionne de parler directement à la jeunesse ultra-connectée.
La Namentitude, axe stratégique
Le septième et dernier épisode du livre dévoile « La Namentitude ». Ce néologisme prône l’art du bien-être pour tous et du bien-faire par tous. Pour l’auteur, aucun développement durable ne peut éclore sans ce nouvel état d’esprit collectif.
Concrètement, le concept s’appuie sur trois piliers : culture, éducation et inclusion économique. Lewa-Let Mandah promet des « maisons de la Namentitude » dans chaque département, espaces hybrides mêlant bibliothèque, studio numérique et guichet d’orientation professionnelle.
Il veut également instaurer un Service Citoyen Volontaire d’un an, où les bacheliers apprendraient à coder, planter ou secourir avant de poursuivre leurs études. « Mettre la main et la tête ensemble », résume-t-il devant un parterre conquis.
Une carrière polymorphe qui intrigue
À 44 ans, l’intéressé coche plusieurs cases. Manager de logistique sur barges pétrolières, interprète bilingue, metteur en scène primé et président du Centre congolais de l’Institut international du Théâtre, il revendique une identité « pont » entre arts et industrie.
Cette polyvalence trouve racine dans un parcours interrompu par le conflit du 5 juin 1997. Inscrit en médecine-géologie à l’Université Marien-Ngouabi, il avait dû remettre ses ambitions scientifiques à plus tard, optant pour la voie littéraire pour raconter la résilience.
Treize ouvrages plus tard, il sillonne forums et festivals d’Afrique à l’Europe, récitant ses poèmes en lingala, en français ou en anglais. Sa dernière halte remonte au Salon du livre de Limoges, partagée en stories sur Instagram par des bookstagrammeurs.
Le journaliste Hermann Rodrigues Bouitis estime que cette exposition internationale « donne de la crédibilité à un discours de modernisation » tout en soulignant que « la gestion d’un État diffère du pilotage d’un festival ». Des propos accueillis par des sourires, mais aussi quelques hochements prudents.
Écho politique mesuré
Côté partis, les réactions restent feutrées. Dans la majorité, un député loue « une contribution bienvenue au débat d’idées », rappelant que toute candidature doit respecter le calendrier légal fixé par la Commission électorale indépendante, attendue pour publier la feuille de route 2026.
L’opposition, elle, salue un appel à une élection apaisée tout en attendant de « lire ses propositions budgétaires ligne par ligne ». Sur les réseaux, certains internautes relèvent surtout l’originalité d’une déclaration de candidature dans un roman plutôt que lors d’un meeting.
Interrogé, un enseignant en science politique de l’Université Marien-Ngouabi rappelle que la Constitution exige d’avoir trente-cinq ans révolus et un casier judiciaire vierge, deux critères que l’écrivain remplit. « La suite dépendra de sa capacité à structurer un parti ou coalition », ajoute-t-il.
Ce qu’en pense la Gen Z
Au café-coworking Level Up, faubourg sud de Brazzaville, un micro-trottoir improvisé révèle un mélange d’enthousiasme et de scepticisme. « Son modèle de maison hybride me parle », confie Grâce, 22 ans, étudiante en coding bootcamp.
Junior, jeune livreur à moto, se dit curieux mais réclame des mesures sur le coût du carburant. « Le pétrole, c’est bien, mais mon plein a doublé en deux ans. Que fera-t-il pour nous ? » demande-t-il avant de filer entre deux commandes.
Sur X, ex-Twitter, le thread analysant le chapitre 28 dépasse déjà mille partages. Memes, snaps et spaces se succèdent, montrant que le storytelling littéraire peut créer une première visibilité, même si la route vers un programme chiffré reste longue.
Cap sur 2026
Prochaine étape pour l’auteur-candidat : déposer officiellement son dossier dès l’ouverture de la période réglementaire. Son équipe annonce le lancement d’une plateforme participative où les citoyens pourront commenter chaque axe de la Namentitude.
Un tour national en bus électrique est également au menu, avec ateliers slam, diagnostic participatif des quartiers et tournois e-sport sponsorisés par des start-ups de fintech locales. Objectif affiché : « démocratiser la politique, la rendre fun et utile ».
D’ici là, le roman continue de se vendre, notamment en version numérique à 2 000 FCFA sur les boutiques mobiles. Si l’histoire révélera le poids électoral de l’écrivain, son pari de lier plume et urnes a déjà réussi à piquer la curiosité d’un pays avide d’idées neuves.
Les observateurs rappellent toutefois que la présidentielle de mars 2026 s’inscrira dans un contexte régional exigeant, où la stabilité et la cohésion nationale resteront des critères clés pour convaincre les électeurs.