Une qualification sous tension administrative
À première vue, la décision du comité exécutif de la Fédération congolaise de football de ne pas dépêcher de représentants officiels au Chan 2024 pourrait surprendre l’observateur non averti. L’instance évoque l’absence de prise en compte, par le ministère en charge des Sports, des noms proposés pour intégrer la délégation. Derrière cette posture se profilent des mois de réorganisation interne, amorcés dès la levée par la FIFA de la suspension frappant le Congo, et ponctués d’âpres débats sur la légitimité des acteurs habilités à engager la parole fédérale. « Notre rôle demeure la promotion du football, non la recherche d’un bras de fer institutionnel », fait valoir un cadre de la Fécofoot, qui insiste sur le caractère provisoire de la mesure, perçue comme un signal plutôt qu’un retrait définitif.
Entre responsabilité institutionnelle et dialogue nécessaire
Au cœur du différend se trouve la lecture de l’ordonnancement juridique du sport congolais. La loi portant organisation et promotion des activités physiques et sportives confie à la fois au ministère de tutelle la supervision de l’équipe nationale et à la fédération la gestion technique et administrative. L’imbrication des compétences exige une concertation constante, dont la mécanique s’est grippée dans les derniers jours précédant l’enregistrement officiel de la délégation auprès de la Confédération africaine de football. Côté ministère, on rappelle la « nécessité de représenter la diversité des expertises nationales », tout en affichant la volonté d’un « voyage apaisé » au service du drapeau. Le choix final de ne pas reconsidérer la liste soumise par la Fécofoot procède, selon un responsable, d’un « impératif de délai et de cohérence globale de la mission ».
Impacts potentiels sur la performance des Diables rouges
Si le débat administratif nourrit les conversations à Brazzaville, les joueurs, eux, s’apprêtent à fouler les pelouses de Dar es-Salaam, Kampala et Nairobi. Premier rendez-vous le 5 août contre le Soudan, avant des confrontations attendues face au Sénégal puis au Nigeria. L’absence de dirigeants fédéraux sur place ne remet pas en cause le staff technique, confirmé dans ses prérogatives, ni la logistique médicale et matérielle validée de concert par les parties. Toutefois, le rôle de courroie de transmission habituellement assuré par les officiels fédéraux, notamment dans la gestion des requêtes auprès de la CAF et des éventuels dossiers disciplinaires, sera assumé par les cadres de la délégation ministérielle. Certains observateurs redoutent de minces lenteurs procédurales, d’autres y voient l’occasion d’une responsabilisation accrue des agents déjà assignés au suivi quotidien du groupe.
La jeunesse congolaise et l’enjeu du récit sportif continental
Le Chan, vitrine du talent local africain, exerce depuis son lancement une attraction particulière sur la jeunesse congolaise. La qualification arrachée, après une bataille judiciaire remportée devant les instances de la CAF, a suscité un regain d’enthousiasme dans les quartiers de Brazzaville et de Pointe-Noire, où les matches en clair réunissent des milliers de téléspectateurs. Dans ce contexte, l’épisode institutionnel apparaît davantage comme un contre-temps que comme une fracture irrémédiable. Les influenceurs sportifs appelés à commenter la compétition sur les réseaux rappellent que « le maillot prime sur les divergences de couloir ». Les autorités, conscientes de la nécessité de préserver le capital symbolique que représente la sélection, réaffirment leur soutien financier et logistique, tandis que la Fécofoot précise « qu’aucune mesure ne viendra entraver l’accès des joueurs aux primes prévues ».
Quelles issues pour l’après-Chan ?
Au-delà des enjeux ponctuels, le retrait de la Fécofoot soulève la question plus large du cadre de gouvernance du football national. Les réformes récemment initiées, dont la création d’un comité permanent de conformité et l’adoption d’un code d’éthique aligné sur les standards de la FIFA, visent à prévenir les litiges de compétence. Plusieurs voix universitaires invitent à s’inspirer de modèles mixtes, combinant autonomie fédérale et contrôle public, afin de sécuriser le financement et la planification des compétitions. La perspective des éliminatoires de la Coupe du monde 2026 confère à ce chantier un caractère d’urgence. D’ici là, les performances des Diables rouges en Tanzanie, en Ouganda et au Kenya serviront de baromètre du climat interne. Une campagne convaincante pourrait créer un momentum propice à la reprise du dialogue, illustrant l’idée que la réussite sportive demeure le langage le plus fédérateur.