Un tirage qui promet des étincelles
Le sort en a décidé ainsi : le groupe D de la prochaine Coupe d’Afrique des nations des joueurs locaux (CHAN) ne laissera aucune place au répit. Le 5 août au stade d’Amaan, à Zanzibar, les Diables Rouges A’ feront face au Soudan, formation réputée robuste dans les duels aériens et repliant en 4-5-1 dès la moindre alerte. Sept jours plus tard, toujours sous la moiteur de l’archipel tanzanien, l’affiche contre le Sénégal offrira un choc d’écoles entre pressing latéral intense et transitions rapides. Enfin, le 19 août, l’escouade congolaise croisera le Nigeria dans l’enceinte du stade Benjamin-Mkapa de Dar es-Salam, théâtre d’une dernière journée souvent synonyme de comptes d’apothicaire. « Il faudra entrer dans la compétition l’esprit affûté et ne jamais lever le pied, car chaque détail comptera », glisse Barthélémy Ngatsono, visiblement conscient de la densité de la poule.
Ignié, laboratoire tactique et révélateur d’alchimie
Au lever du jour, le 28 juin, vingt-sept joueurs ont gagné le Centre technique de la Fédération congolaise de football, à Ignié, à quarante-cinq kilomètres de Brazzaville. Quelques sifflets, des cris d’encouragement, puis la pelouse s’est transformée en théâtre de la première prise de contact. Ce stage, qui s’étendra sur trois semaines avant le départ pour la côte swahilie, est pensé comme une immersion totale. Les matins sont consacrés à l’endurance par intervalle, l’après-midi aux circuits de passes sous haute intensité, le tout rythmé par des séances vidéo centrées sur l’analyse des blocs adverses. « Nous devons polir nos principes : sortir proprement au sol et presser à la perte », martèle l’adjoint technique Dieudonné Ibata, convaincu que la clé résidera dans la synchronisation des lignes.
Trois adversaires, trois énigmes tactiques
Le Soudan, longtemps abonné aux ballons longs et au marquage de zone, arrive avec un nouveau sélectionneur, Omer Mohammed, qui prône la densité à l’intérieur du jeu. Pour le Congo, l’enjeu sera de casser le premier rideau par des permutations rapides entre excentrés et milieux offensifs. Contre le Sénégal, champion en titre, la bataille se jouera sur la capacité à absorber les projections des latéraux. Ngatsono envisage d’installer un double pivot pour verrouiller l’axe, tout en libérant un faux neuf capable d’aspirer la charnière. Quant au Nigeria, locomotive historique du football de la CEDEAO, son 4-2-3-1 offensif impose de défendre haut, faute de quoi la puissance de ses ailiers deviendrait létale. « Chaque match exigera un plan spécifique, mais aussi la souplesse d’esprit pour l’ajuster à la volée », souligne l’analyste vidéo Joël Bitemo.
Un tournoi éclaté, défi logistique à relever
Pour la première fois, la CHAN se disputera simultanément au Kenya, en Tanzanie et en Ouganda, embrassant ainsi l’Est africain de Nairobi à Kampala en passant par Dar es-Salam. Si le Congo jouera toute la phase de groupes sur le territoire tanzanien, la perspective d’éventuelles demi-finales à Nairobi implique des trajets aériens intra-régionaux, sujets aux aléas d’horaires et aux spécificités climatiques. La Fédération, en étroite concertation avec le ministère des Sports, a prévu un dispositif de récupération articulé autour de chambres d’altitude transportables et d’une cellule médicale mobile. « Nous voulons que nos joueurs se préoccupent uniquement du rectangle vert », insiste un membre de la délégation, rappelant que la logistique reste un facteur de performance souvent sous-estimé.
Une génération en quête de maturité continentale
Au-delà du résultat brut, cette édition 2024 se présente comme un examen de passage pour une génération formée dans les académies modernisées à la faveur des partenariats publics-privés mis en place depuis cinq ans. Plusieurs éléments, à l’image du latéral Milan Mayangui ou du meneur Prince Babela, n’ont pas encore franchi le cap des vingt-cinq ans, mais leurs statistiques dans le championnat national présagent d’un potentiel de rayonnement régional. Les dirigeants espèrent que la vitrine offerte par la CHAN leur ouvrira les portes de contrats dans les championnats majeurs, cimentant ainsi la réputation de la filière congolaise. « Les Diables Rouges A’ doivent prouver que l’athlétisme congolais se conjugue aussi avec intelligence tactique », insiste l’ex-international Oscar Moukassa.
Entre confiance mesurée et ambition affichée
L’équation est claire : terminer parmi les deux premiers pour décrocher un ticket en quarts et prolonger le rêve vers Nairobi ou Kampala. Conscient de l’attente populaire, le sélectionneur adopte un discours de confiance vigilante. « Nos supporters méritent de vibrer, mais nous restons humbles car la marge d’erreur est fine », rappelle-t-il en marge de la dernière conférence de presse. Le public jeune, très actif sur les réseaux sociaux, joue déjà le rôle de douzième homme, entre créations de hashtags et collectes d’images d’entraînement. Dans un pays où le football fédère, la progression des Diables Rouges A’ sur les pelouses d’Afrique de l’Est aura valeur de thermomètre émotionnel tout au long du mois d’août. À l’heure d’embarquer pour Zanzibar, la sélection garde en tête un adage simple : la compétition se gagne d’abord dans la tête, puis dans les jambes.